Chapitre 31 : La bataille de Chichmar (partie 1)

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Lazare

C’est sous une pluie battante, avec les pieds trempés et de la fange jusqu’aux chevilles que nous nous retrouvâmes face à l’armée ennemie. Elle se tenait sur une petite bute prête à nous affronter. Il était midi et il semblait que les généraux ne voulurent pas leur laisser le temps de s’enfuir et immédiatement une attaque fut ordonnée. J’avais beau leur expliquer qu’il fallait du temps pour que l’infanterie se déploie correctement les vampires ne voulurent rien entendre et après que les premiers régiments furent arrivés je les mis en ligne et leur ordonnai de monter à l’assaut.

Pendant qu’ils avançaient, j’organisai les bataillons qui rejoignaient petit à petit le champ de bataille afin de les engager de façon aussi cohérente et efficace que possible. Je voyais mes hommes se trainer dans la boue et essuyer les flèches de nos opposants tandis que certains tombaient, blessés ou morts. Les dernières troupes arrivèrent sur le lieu de l’affrontement lorsque les premières parvinrent au contact et engagèrent le combat.

Ce n’était pas comme à l’entrainement. Le terrain boueux et les quelques pièges disposés en avant de leur ligne nous avaient empêchés de charger correctement. Ce qui aurait dû être une rupture rapide se transforma en corp à corp acharné. Lorsque je finis de guider les derniers hommes et que je parvins au niveau du corps à corps ce fut pour y découvrir un véritable carnage. D’un côté l’armée de la rédemption accompagnée des forces du baron de Rapkamar luttait en contrebas sous des trombes d’eau et de projectiles. De l’autre côté des soldats mal entrainés se battaient avec l’énergie du désespoir craignant semble-t-il davantage la capture que la mort.

En résultait une mêlée sauvage dans laquelle les cadavres s’entassaient dans la boue lui donnant un aspect de charnier et gênant encore davantage la progression de nos forces. Cette simple colline était devenue en un rien de temps une véritable forteresse et faire un pas en l’escaladant relevait de l’exploit tant le sol était glissant et l’ennemi à l’affut de la moindre ouverture.

Contre une force entrainée et organisée cet assaut au compte-goutte et mené dans les pires conditions eut pu se transformer en désastre. Heureusement les hommes d’en face ne prenaient aucune initiative. Aucune contre charge n’était tentée lorsqu’un point de notre ligne faiblissait et rapidement ils se contentèrent de se protéger au lieu d’asséner des coups. Hélas je ne pouvais pas non plus profiter des succès locaux. Lorsque nous parvenions à trouer leur formation il était impossible d’exploiter la percée tant le simple fait de parcourir les quelques mètres qu’il eut fallu pour enfoncer leur ligne était difficile. Il leur était infiniment plus rapide et plus facile de faire descendre des hommes à eux afin de colmater les brèches. C’était un bras de fer long et sanglant qui venait de s’engager.

Je me résignais donc à livrer un combat d’attrition dans lequel notre supériorité numérique et qualitative nous permettrait finalement d’emporter leur position. Je conservais néanmoins en réserve un millier de mes meilleures troupes afin de profiter de tout affaissement et qui auraient de toute façon été inutile ailleurs tant le front était saturé…

Andrei

16 novembre 5132

Hier, l’armée ennemie s’est présentée à nous. Avec nos sept mille hommes et cinq-cents cavaliers nous faisions sans doute face à environ quinze mille fantassins et un millier de chevaliers. Alors que nous pensions qu’ils se reposeraient de leur marche il n’en fut rien et immédiatement leur infanterie nous attaqua. Notre centre tint tant bien que mal jusqu’à ce que la cavalerie ennemie menée par le baron de Rapkamar attaque notre gauche. Ce mouvement qui nous surprit en premier lieu fut exécuté avec lenteur à cause du terrain et le compte d’Altmar put regrouper nos vampires afin de nous porter à leur rencontre.

Il n’y eut point de charge épique ce jour-là, seulement une mêlée pataude à cause de la boue et de la pluie. Je me battais furieusement, davantage pour ma vie que pour une quelconque victoire. J’eux néanmoins le privilège de voir le seigneur Konstantin à l’œuvre. Même dans ces conditions sa maîtrise de l’épée relevait de l’art. Ses coups étaient puissants et son endurance sans limite mais le plus incroyable était sa précision. Il parvenait toujours à enfoncer la pointe de sa lame dans un défaut de l’armure et il fit chuter ainsi au moins trois chevaliers sous mes yeux. Quel atout c’eut été s’il avait été avec nous. Le baron de Rapkamar quant à lui hurlait de toute ses forces pour motiver ses vampires. Il frappait avec vigueur et constance mais n’avait pas la maestria du plus grand bretteur d’Orania.

Pour ma part je menais un combat bien moins intéressant. J’étais aux prises avec un seigneur dont j’ignorais tout. Après quelques échanges de coups ma masse finit par se briser contre son bouclier, je sortis alors mon poignard mais à cet instant il m’enfonça sa hache dans la cuisse. Heureusement mon armure encaissa le gros du choc sans quoi j’eus sans doute perdu un membre. Cette estocade me déstabilisa néanmoins et je chutai de mon destrier pour me retrouver face contre terre dans la boue et le sang.

Petit à petit nous ployions sous le nombre. Je m’extirpai alors de la mêlée et, tandis que je me repliai en quête d’un nouveau cheval, j’aperçus au loin dans notre dos une armée. Je crus d’abord à un énième corps de l’ennemi avant de distinguer la bannière d’Isgar. Alexeï voyant cela parcouru les rangs et galvanisa nos troupes :

« Mes seigneurs ! Des renforts nous arrivent ! Tenez encore une heure et non seulement nous serons saufs, mais nous serons victorieux ! »

A ces mots hommes comme vampires se retournèrent et, comme revigorés par cette vision, redoublèrent d’ardeur au combat. Toutefois ce ne furent pas les seuls car l’ennemi sembla d’autant plus pressé d’en finir que le temps lui était désormais compté. Il jeta alors toute ses forces dans la bataille et chaque camp fut comme gagné d’un second souffle...

Lazare

… Tandis que la lutte continuait j’entendis que des renforts ennemis arrivaient. Un vampire, sans doute Alexeï, parcourait ses rangs et les enhardissait à tenir encore un peu plus longtemps. J’ignorais s’il s’agissait d’une ruse ou de la vérité la colline me bloquant la vue. J’ordonnai alors de redoubler d’efforts et le carnage continua. Dès qu’un groupe faiblissait je l’encourageai. Je parcourais sans cesse notre ligne poussant ceux qui me semblaient en mesure de percer mais je ne trouvai jamais d’occasion qui eut pu s’avérer décisive.

Nous avancions mais trop lentement. Mon centre était efficace et avançait mais les hommes du baron de Rapkamar étaient habitués à la guérilla et non aux batailles rangées. Il en résultait une armée à deux vitesses ce qui empêchait mes flancs d’efficacement appuyer les troupes de la rédemption. C’est alors qu’un chevalier vint me voir et m’ordonna « d’enfoncer ce foutu front » ! Je lui expliquai la situation mais cela n’eut pas l’air de le convaincre. Il me conspua en pleine bataille arguant qu’avec ma supériorité numérique et l’entraînement de mes hommes je devais être le plus grand des incompétents pour ne pas emporter la ligne ennemie d’un seul coup. Je lui rétorquai que le terrain était impossible et que nos lourdes armures nous gênaient même pour exploiter nos rares succès. Il ne voulut rien entendre et ordonna que je lance la réserve au plus vite afin de percer avant l’arrivée des renforts ennemis qui étaient finalement bien réels.

Mon père m’avait dit avant que je parte en Ortov : « La réserve est l’assurance vie d’une armée. Envoie-la à l’attaque trop tôt et ton armée sera défaite. Utilise la trop tard et tu rateras la victoire. La différence entre un bon et un mauvais général se fait le plus souvent sur l’emploie de cette ultime troupe. »

Était-ce le moment d’écraser l’ennemi ? Malgré le vampire qui me pressait à aucun moment je n’imaginais que cela eut pu créer le choc décisif tant souhaité. On m’avait pourtant appris à obéir à mes seigneurs et maîtres. Toutefois mon devoir était de les protéger de leurs propres erreurs. Je répondis donc à l’émissaire :

« Mon seigneur, sauf votre respect, notre ligne ne manque ni d’effectifs ni d’allant mais d’un terrain sec et plat qui ne saurait arriver avec l’envoie de la réserve. Je crains qu’engager ainsi nos dernières troupes ne nous exposent aux coups de l’ennemi plus que de raison. »

A ces mots le vampire me gifla avec une telle force que je chutai dans la boue devant mes hommes.

« Comment oses-tu discuter un ordre ? Crois-tu que ta cape te donne quelque prérogative que ce soit ? Obéit ou je te tue ici et maintenant. »

La rage au cœur je ravalai ma fierté obtempérai sous les yeux attentifs du chevalier. Je faisais toutefois en sorte de ne pas trop exposer les renforts afin que cet ultime régiment puisse rapidement être redéployé en cas de revers. Il aida donc le centre à pousser sans pour autant pleinement s’engager dans la mêlée de telle sorte que le retirer de la ligne de front afin de le repositionner serait plus aisé. Agir ainsi dans le but de préserver l’armée et contenter ce vampire était ardu. Il ne m’adressa néanmoins plus la parole et se contentait d’observer la manœuvre.

Notre avancée s’en voyait légèrement accélérée. Il s’agissait cependant d’un maigre gain étant donné le coût : nous étions exposés plus que de raison et à la merci d’une contrattaque menée par cette fameuse armée de secours dont j’ignorais tant le nombre que la nature. Je ne voulus toutefois pas questionner le messager à ce sujet de peur de me faire à nouveau humilier…

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