Ensemble
— Le thème sera « porte », le thème sera « porte », le thème sera « porte »… C’est vraiment n’importe quoi !
— Que le diable m’emporte, si tout ce qui t’importe est de trouver une porte… Et encore faudrait-il que cela nous rapporte !
— Tu as toujours le mot pour rire, toi…
— Que veux-tu, je suis une passionnée !
— Eh bien moi je suis en plein spleen… ‘Implossible’ de trouver un thème plausible pour ce défi… Je rêve d’un plébiscite plénipotentiaire et je n’obtiens que… plessures d’orgueil !
— Aaaaah mais tu vois que toi aussi, tu peux faire de l’humour !
— De l’humour, de l’humour… Pas très cohérent avec le thème imposé !
— Avec le thème implosé, tu veux dire !
— Ha... Ha... Ha…
— Ta joie de vivre est communicative, vraiment.
— Ma joie de vivre m’épuise !
— Ma joie de vivre elle m’épuise, ma joie de vivre elle m’épuise… Plains-toi, tiens ! Tu n’as qu’à relire La Bourrasque, on verra si tu rigoleras, après !
— La Bourrasque ? Ce vieux machin des années trente ? En plus c’est un film.
— Oui, oh la la, un film, un livre, c’est pareil !
— Non, ce n’est pas pareil, non ce n’est pas pareil, madame la passionnée. Fais attention à tes sources, un peu.
— Et toi, fais attention au feu ! Tu vois, il s’éteint.
— Ah mais ça ! On avait dit que c’était toi qui t’occuperais du feu.
— Ah non…
— Ah si.
— Ah bon ? D’accord !
— Tu es vraiment impossible.
— Et c’est pour ça que tu m’aimes !
— Si tu le dis.
— Allez, allez, je vais t’aider. À deux, on va bien réussir à sortir quelque chose. Ça parle de quoi ton défi ?
— Il faut écrire un texte sur le thème de la porte en utilisant des mots imposés.
— Implo… Bon, je me tais, je me tais… Je me tais, je te jure ! Bon réfléchissons… La porte… Mais le substantif ou le verbe ?
— Ça n’est pas précisé.
— Donc tu peux utiliser des verbes ?
— Je ne pense pas.
— Tu peux faire un truc de science-fiction où des voyageurs intergalactiques passent une porte vers un autre univers !
— Genre Stargate ?
— Ah oui, zut, c’est déjà pris.
— Tu peux faire de la poésie ! Dérouler ta mélancolie dans des vers ampoulés que personne ne lira, exprimer ton désespoir dans des volutes d’alexandrins saupoudrés de fines gouttelettes de soi, dans une ondée chatoyante de sentimentalisme et de mots compliqués…
— Naaaaoooon ! Franchement, ça ne m’inspire pas du tout. Toi par contre, ça t’inspire.
— J’ai une âme de poète.
— Une comptable poète, voilà qui est intéressant. Et tes rapports, tu les saupoudres aussi de sentimentalisme ?
— Et non ! Car mes sentiments, je les garde uniquement pour toi.
— C’est le feu, qui te rend romantique ?
— Et les étoiles aussi.
— On a bien fait de prendre la voiture.
— Elle est divine, cette soirée. Allez, pose un peu tout ça. J’aimerais que tu me racontes les étoiles.
— D’accord, si tu veux. Tiens regarde, tu vois cette étoile, là ? Suis mon doigt. Si tu pars de cette étoile et que tu la relies à celles qui sont là, tu obtiens…
— Un chariot ?
— Mais non !... Un genre de portail.
— Une porte de garage automatique à double battant, comme celle qu’on doit faire installer ?
— Si tu veux. Mais ça n’est pas très romantique, une porte de garage automatique…
— Ah oui mais tu sais, je ne commande pas hein, ça vient quand ça veut ces choses-là.
— Alors tu vois, cette constellation, ce portail, dans ma famille, on a une légende qui explique qu’il te permet de…
Au loin, un hibou hulule.
Et au milieu des bois, deux amants se racontent des histoires de quotidien banal, d’étoiles et de constellations, oubliant pour un moment l’agitation citadine.
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