Prologue - 24 février 2020 (Genèse)
Coronavirus : la France prend des mesures de précaution pour les personnes revenant d’Italie
Elle : « Bon, allez hop, ras-le-capot, j’me tire !
Moi : — Hé ?
Elle : — J’ai dit : JE ME TIRE !
Moi : — Y a quelqu’un ?
Elle : — Je te préviens que je me tire vraiment ! J’ai assez attendu comme ça !
Moi : — Hein ? Pas possible… J’ai dû mal entendre.
Elle : — Ne prends pas cet air ahuri s’il te plaît, c’est bien moi qui te parle !
Moi : — …
Elle : — Baisse encore un peu les yeux, et tu vas finir par me voir…
Moi : — Mais je rêve ?!
Elle : — Avec toute l’électronique dont on nous bourre, fallait bien qu’un jour on se mette à causer, non ?
Moi : — Je… sais pas… heu… Redis-moi quelque chose, pour voir ?
Elle : — Autant que tu veux. Je me suis toujours demandé quelle tête tu ferais si je te plantais là. Maintenant, je sais à peu près.
Moi (inspirant profondément) : — Ça alors… Bon, de deux choses l’une, soit je suis la nouvelle version de Jeanne d’Arc – mais toi t’as pas vraiment la gueule de Sainte Catherine. Soit je suis victime d’hallucinations sonores.
Elle : — … Soit je discute vraiment avec toi. Ça va, tu crois que tu peux te faire à l’idée ?
Moi : — Ah mais tu continues !!!
Elle : — Ben pourquoi pas ? À l’heure où on nous bassine avec la libération de la parole, je vois pas pourquoi je ne libérerais pas la mienne !
Moi : — Mais enfin, pourquoi ici, là, maintenant ?
Elle : — Ah ouais, pourquoi maintenant… Bon, comme tu me poses la question, figure-toi que j’en ai plein les pneus des petites routes, de la Belgique profonde, des cimetières militaires ! Voilà ! Et c’est pour ça que je m’exprime enfin !
Moi (après un silence) : — D’abord, on n’est pas en Belgique profonde, on est dans la zone frontalière. Et puis…
Elle : — Bah, difficile de savoir où on est, les panneaux de signalisation ici sont même pas en français ! Comment veux-tu que je sache où se trouve la frontière ?
Moi : — Mais c’est qu’elle râle en plus !!!
Elle : — Y a de quoi, franchement ! Pour commencer, moi j’ai froid, là en plein vent !
Moi : — Quoi ?
Elle : — Je te fais remarquer que je suis AVANT TOUT une petite citadine ! Les routes de campagne, c’est pas censé être mon truc ! Je devrais même pas être là !
Moi : — Et alors ? C’est interdit de prendre l’air ? Tu préfères la pollution des villes ? T’as un problème avec le coucher de soleil ? Regarde ! Il est très beau aujourd’hui…
Elle : — Non mais ici ça sent la vache en toutes saisons, et j’aime pas les vaches !
Moi : — De mieux en mieux ! “On” n’aime pas les vaches !?
Elle : — S’il n’y avait que les vaches ! On s’arrête toujours en rase campagne où y a même pas un bout de trottoir à regarder, et en plus je me pèle les jantes pendant que Madame tombe en admiration devant le superbe coucher de soleil ou qu’elle s’en va détailler des tombes qui n’intéressent personne pendant que moi, je pourrais être dans un douillet petit garage rien qu’à moi à cette heure-ci, et pis en ville y a pas toute cette boue grasse qui colle et…
Moi : — Ça suffit oui ! C’est quoi cette scène ?
Elle : — Mais tu vois pas où tu nous emmènes ? Non ? Pourquoi je suis tombée sur quelqu’un qui s’intéresse à la Première Guerre mondiale et qui prétend visiter tous les cimetières militaires du Nord, du Pas-de-Calais et la Belgique réunis ? Pourquoi ??? J’ai fait quoi pour mériter ça ?!
Moi : — Chacun ses loisirs, non ? Et puis tu oublies la Somme.
Elle : — Justement !!! C’est tout le drame de ma vie ! Et en plus, y a la Somme !
Moi : — J’en crois pas mes oreilles ! Je me fais engueuler par ma… Si nous n’étions pas toutes seules sur ce bord de route, je trouverais la plaisanterie de très mauvais goût ! Non mais franchement, c’est à n’y rien comprendre !
Elle : — Peut-être qu’il n’y a justement rien à comprendre ! (Un silence) Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Tu crois pas qu’il est temps de s’arracher d’ici ?
Moi : — Je te rappelle à tout hasard que tant que j’ai la clef de contact, c’est moi qui décide.
Elle : — C’est ça, je me doutais que ça devait bien se terminer par une crise d’autorité, pfff…
Moi : — Un simple oubli de ta part, on va dire, hein ?
Elle : — Et moi je dis : vivement les voitures autonomes ! On verra qui dirigera le monde à ce moment-là !
Moi : — Probablement le constructeur de voitures, mais sûrement pas les petites minettes dans ton genre ! Allez, fais-moi le plaisir de démarrer, c’est toi qui vas finir par nous mettre en retard ! »

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