Une journée banale pour un déroulement anormal. Qu'est-ce qui a permis que ça bascule ainsi ? Je me rappellle encore du repas de midi. Jambon, oeufs pochés dignes d'un petit dèj. Qu'est-ce que vous voulez, ma mère a fait de son mieux ce matin là. Pourquoi je vis ça comme un dernier repas?
Ça serait ça mon dernier repas. En vrai, il était super bon. Merci maman. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Pourtant, tu avais pris le temps de séparer le lard du jambon et ce petit morceau de coquille d'oeufs qui reviens à chaque fois. Je crois que c'était à cause de ça. Tu ne sais toujours pas casser les oeufs après tout ce temps. Mince, c'était ça mon reproche. Croquer dans une coquille d'oeufs, j'aimerai le faire. J'en redemande.
C'était le meilleur repas, le meilleur dernier repas. Merci maman. Mille excuses pour toute ces fois.
Pourquoi je pense à ça moi? C'est ça un regret?
Ça a un gout amer, presque aussi amer que la larme qui me coule sur la joue. Elle roule et dévale le long de ma joue pour irriguer ma bouche désséché. Le liquide n'abreuve rien. Il arrive sur une terre aride comme si ma gorge nouée était une vanne fermée. Verouillée aux sentiments, à la vie. Elle laisse simplement ce goût amer, ce goût de défaite.
L'air est sec. Je ne distingue que des ombres à travers le tissu que j'ai sur la tête. Tout ce que j'entends c'est une mélodie odieuse sur une histoire d'amour. L'un des ravisseurs fredonne de sa voix cassée et aiguë. C'est ça mes ravisseurs. Même pas une caricature de méchants pour faire semblant. De fragiles peureux larmoyants sur une histoire d'amour.
Son complice est là, à l'arrière de la fourgonnette avec moi. Supporte-t-il son ami. En a-t-il honte? En tout cas il le laisse faire. Je perçois son souffle désormais. Toujours haletant suite à l'enlèvement. Sa main plusieurs fois s'était saisie de mon poignet. Une force incroyable puis une tendresse infinie. Ça me dégoûte de devoir le dire. Ses mains étaients plus attendrissantes par la suite après les multiples serrages. Je crois même avoir ressentit des tremblements. Lui aussi ne s'en était pas remis. On était deux l'ami. Que faisions nous là tous les deux? Toi à enlever une gamine de 13 ans et moi à regretter cette omelette de coquille cassée.
Le monde est d'un tel cynisme. La voix faiblarde et horrible de son collègue était là pour le rappeler.
Le fourgon freina sèchement. Je heurta l'appui tête du siège avant.
- Hey doucement! intervint le rustre
- Oh pardon! C'est qu'on est arrivé
Déjà, me dis-je. Depuis combien de temps roulions-nous? Tout s'était déroulé si vite et pourtant j'avais l'impression que cela avait duré une éternité.
La porte s'ouvrit rapidement et le conducteur la claqua immédiatement derrière lui. S'en suivit les rails de la porte coulissante.
- Suis-moi, dit l'homme avec une étreinte attendrissante sur l'épaule.
J'allais découvrir mes ravisseurs. Qu'attendaient-il de moi? Cela n'avait aucun sens.
- Je crois que vous vous êtes trompé de personne
- Qu'est-ce que-
- Ma famille n'a pas beaucoup d'argent
Les deux hommes rirent.
- Ne t'en fais pas, nous avons choisis la bonne personne
Ma famille n'était pas des espions. Pas que je sache, Je n'avais rien fait de mal. Peut-être la dispute avec Mélanie. Je savais qu'elle avait des fréquentations chelous mais quand même. Tout ça par ce que je l'ai traité de grosse morue auprès d'Alban? Elle a dit qu'elle se vengerai. Et que je devais faire attention à moi. C'était donc ça. On m'assit sur une chaise puis le silence prédomina.
Lorsqu'on m'enleva la cagoule d'un geste vif, la lumière m'éblouie. Puis les visages se dessinèrent au fur et à mesure.
Les larmes montèrent en voyant ma mère et je m'effrondait dans ses bras.
- Qui a eu cette idée à la con? Qui? criai-je entre deux sanglots
- Vous voyez, je vous avais dit que c'était une mauvaise idée
Je ne critiquerai plus tes oeufs.