Drôle de princesse

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J'ouvre les yeux et remarque que les rideaux du lit sont tirés. C'est étrange : je ne me souviens pas les avoir fermés, hier soir. Je tourne la tête vers ma gauche et constate que ma jeune épouse ne s'y trouve plus. Elle est bien matinale.

J'ouvre les rideaux et remarque assitôt autre chose : mes vêtements, que j'avais simplement abandonnés sur une chaise, sont maintenant soigneusement pliés et les volets et les fenêtres de la chambre sont ouverts. Aurélie serait donc déjà passée pour faire le ménage ? Elle attend que je sois en dehors de la pièce pour la ranger, d'habitude. C'est vraiment étrange !

J'enfile un pantalon et une veste gris, des bottes noires, passe un coup de brosse à mes cheveux châtain clair et sors dans le couloir. Je me rends dans la salle à manger où je découvre avec étonnement la princesse Linaë en train de. . . dresser la table ? !

- Que faites-vous ? lui demandé-je.

- Oh, bonjour ! m'adresse-t-elle en souriant. Et bien, je dresse la table.

- Je le vois bien, mais pourquoi faites-vous cela ?

- Aurélie est déjà en train de préparer le petit déjeuner et je n'ai rien d'autre à faire pour l'instant alors. . .

- Oh, pardonnez-moi, monsieur le duc ! s'exclame ma brave Aurélie en entrant, un plateau dans les mains. Je lui ai assuré que je pouvais me débrouiller seule, mais elle a tant insisté pour m'aider que je n'ai pas osé le lui refuser. . .

- Dis-moi : pourquoi es-tu venue ranger ma chambre alors que j'y dormais encore ?

Elle me fixe avec un regard confus. C'est ma femme qui m'avoue :

- C'est moi qui ai rangé la chambre.

- Vous ? ! demandé-je, surpris. Vous avez rangé notre chambre ?

- Oui. J'ai aussi tiré les rideaux du lit pour que la lumière du jour et le vent ne vous dérangent pas. Je n'aurai pas dû ?

Cette femme de sang royal, dotée d'une noble éducation, a rangé une chambre de ses propres mains ? J'ai du mal à y croire. . .

L'arrivée des jumeaux me tire de mes pensées. Nous échangeons le "bonjour", puis nous mettons tous à table.

Cette fois, le repas est plus animé que la veille : Robin et Robert discutent entre eux de sujets et d'autres et Aurélie et moi ne tardons pas à rejoindre leur conversation. Seule la princesse Linaë reste silencieuse, se contentant d'écouter.

À la fin du petit déjeuner, je retourne dans ma chambre, suivi par la jeune blonde. Je lui demande :

- Que me voulez-vous ?

- J'aimerai vous entretenir à propos de la gestion du domaine.

- Je m'en occupe déjà. Vous n'avez pas à vous soucier de cela.

- Alors comment expliquez-vous l'état dans lequel se trouvent ces pauvres villageois ? rétorque-t-elle d'une voix calme, mais dans laquelle flotte tout de même une once de reproche.

- J'ai fait ce que j'ai pu pour les soulager en ne leur imposant plus l'impôt qu'ils me devaient, mais ils croûlent toujours sous ceux du roi et de l'Église.

- À propos, comment faites-vous pour vivre sans recevoir cet impôt ?

- Nous nous nourrissons des légumes du potager, des fruits du verger et de ce que les jumeaux et moi chassons. D'ailleurs, nous devons justement partir pour une partie de chasse, dis-je en attrapant mon épée, mon arc et mes flèches.

- Et les villageois ? Pourquoi ne chassent-ils pas, eux aussi ? Ils sont entourés d'une forêt.

- La chasse est un privilège réservé aux nobles à Forestisle car il s'agit d'une activité divine, dont l'Église estime que des roturiers n'en sont pas dignes. Le braconnage étant puni de mort, très peu sont ceux qui osent le pratiquer.

- Alors de quoi vivent ces gens ?

- Ils travaillent majoritairement dans la menuiserie, mais avec la pauvreté causée par l'augmentation des impôts, les gens préfèrent utiliser le peu d'argent qui leur reste pour acheter de la nourriture alors le commerce du bois s'effondre, enfonçant encore plus le peuple dans la misère.

En disant ces mots, je serre les poings. Je sais bien que la mesure que j'ai prise est insuffisante, mais que puis-je bien faire d'autre ? Seul l'arrêt de cette guerre pourrait les sauver, mais il n'y a que le roi qui puisse décider de cela et, le connaissant, je sais qu'il n'en fera rien. La vie des autres n'a aucune valeur à ses yeux. Tout ce qui lui importe, c'est le pouvoir. C'est ce que je déteste en lui !

Je sens la main de la princesse Linaë se poser sur mon épaule, tandis qu'elle me demande, d'un air inquiet :

- Est-ce que ça va ?

- Oui, ça va, la rassuré-je en me dirigeant vers la porte. Sur ce, je dois y aller. À tout à l'heure.

- Attendez !

- Qu'y a-t-il, encore ?

- Laissez-moi venir avec vous.

- Comment ?

- Je veux venir chasser avec vous.

- Vous savez chasser ? lui demandé-je en levant un sourcil.

- Oui. J'ai appris à chasser.

- Ça m'étonnerait. La chasse n'est pas une discipline répandue à Lakisle, où l'on privilégie la pêche en raison du nombre important de lacs et de cours d'eau qui s'y trouvent. En plus, il ne me semble pas que le maniement des armes fasse partie de l'éducation d'une princesse.

- C'est vrai : la chasse ne faisait pas partie de mon éducation de princesse, mais j'ai fini par l'apprendre, parce que je savais que cela me serait utile et j'avais bien raison.

- Et pourquoi voulez-vous venir avec nous ? Nous nous débrouillons parfaitement bien à trois.

- Ce n'est ni pour vous, ni pour moi que je vais chasser, mais pour les villageois.

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