Les sentiments inavoués

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Je trempe mes mains dans le récipient d'eau que me tend le prêtre, qui me promet :

- Nous suivrons bien attentivement vos recommendations et, par la volonté de Diane, ces gens guériront bientôt.

- Je vous remercie, mon frère.

- C'est nous qui vous remercions pour tout ce que vous faîtes pour nos malades. Nous louons tous les jours notre déesse de nous avoir envoyé une femme aussi talentueuse et vertueuse que vous. Nous vous devons d'ailleurs des excuses pour ne pas avoir cru en vous, au début. Nous réalisons maintenant à quel point ceux qui affirment que les femmes sont moins capables que les hommes ont tort.

Je gratifie le religieux d'un sourire, puis attrape ma sacoche en le saluant :

- Au revoir, mon frère.

- À bientôt et que Diane vous garde.

Je me dirige vers la sortie, où Robert m'attend. Son visage s'illumine d'un sourire lorsqu'il me remarque et il se dirige vers moi en me demandant :

- Est-ce que tout s'est bien passé ?

- Oui, parfaitement. Nous pouvons rentrer, à présent.

- Bien, mais laissez-moi prendre votre sacoche, dit-il en tendant sa main vers l'objet.

Je le laisse s'en emparer, tout en rétorquant :

- Pourquoi nous vouvoyer ? Nous travaillons ensemble pour les mêmes maîtres, désormais. Nous sommes donc sur un pied d'égalité.

- Si je puis me permettre, mes qualités n'égalent certainement pas les vôtres, déclare-t-il avec un large sourire.

- Oh, je vous en prie ! dis-je en plaçant mes mains devant mon visage pour étouffer mon gloussement et cacher mes joues rougies. Tutoyons-nous à partir de maintenant, d'accord ?

- Tes désirs sont des ordres, accepte-t-il en m'adressant un clin d'oeil complice.

Je laisse échapper un autre rire, puis nous commençons à marcher côte-à-côte afin de rejoindre son cheval qui broute de l'autre côté du village. Nous croisons en chemin un homme, accompagné de son fils, qui portent tous deux sur leurs dos un chargement de bois. Le premier nous salue chaleureusement :

- Bonjour et bienvenue aux serviteurs du duc et de la duchesse, que Diane les bénisse !

- Bonjour, l'ami ! lui répond le rouquin. Vous faîtes vos provisions de bois pour l'hiver ?

- Oh, non ! Voilà bien longtemps qu'elles sont rangées. Ce bois va servir à fabriquer des meubles et des jouets que nous allons ensuite vendre aux bourgeois et aux seigneurs qui en voudront bien afin de relancer l'économie du duché, comme le souhaite notre bonne dame.

- N'oublie pas que tu m'as promis que tu fabriqueras un jouet spécialement pour moi, intervient le petit garçon en secouant son père par la manche pour attirer son attention.

- Bien sûr, fiston ! Je n'ai pas oublié.

L'enfant semble se satisfaire de cette réponse car il se calme aussitôt en esquissant un sourire.

- Le duc et la duchesse seront ravis d'apprendre que certains d'entre vous ont déjà commencé, afirmé-je au villageois.

- Et nous sommes ravis de pouvoir satisfaire ceux sans qui nous serions certainement tous morts, surtout la duchesse. C'est depuis qu'elle est arrivée que notre situation ne cesse de s'améliorer. Bon, sur ce, bien que la conversation soit plaisante, nous devons vous laisser. C'est qu'on a du boulot !

- On ne vous retient pas plus longtemps. . . dit Robert en reprenant sa marche.

Je lui emboîte le pas et nous arrivons bientôt devant son cheval. Nous constatons alors que ceux de nos maîtres se tiennent à ses côtés et que ces derniers finissent tout juste d'en descendre. Je les salue aussitôt :

- Bonjour, monsieur ! Bonjour, madame !

- Bonjour, Calista ! Bonjour, Robert ! nous adresse la jeune femme avec un sourire rayonnant.

- Bonjour, ma soeur. Bonjour, Robert, ajoute le duc de Westforest.

Cela me fait tout drôle d'être appelée "ma soeur" par le prince Mathieu en personne. Je ne sais toujours pas comment je suis sensée réagir à cette appellation, alors je me contente de faire comme si de rien n'était.

- Que faîtes-vous là ? leur demande mon compagnon. Nous vous croyions partis chasser. En plus, Robin n'est plus avec vous ?

- Je lui ai ordonné de rentrer au château, lui explique le jeune homme aux cheveux châtain clair. Nous sommes venus apporter cette offrande aux prêtres afin qu'ils la préparent pour la cérémonie de l'espoir, poursuit-il en désignant un grand cerf attaché à son cheval.

- Quelle magnifique prise ! s'extasie Robert. Qui est-ce qui l'a tué ?

- C'est mon époux, lui répond la duchesse en posant une main sur le bras du concerné. Il l'a eu du premier coup ! Il a beau affirmer que je suis une chasseuse hors-paire, il a toujours oublié de me préciser qu'il était tout aussi talentueux !

- Il n'y a rien d'étonnant à cela, rétorque son mari. La chasse et le maniement des armes faisaient partie de mes apprentissages de jeune prince.

- Et la modestie fait partie de vos qualités, ajoute-t-elle en levant la tête vers lui pour plonger ses yeux bleus dans les siens.

- Vous n'avez rien à m'envier de ce côté-là, déclare-t-il en lui souriant tendrement.

J'échange un regard complice avec Robert et nous plaquons tous deux nos mains sur nos bouches pour contenir notre envie de rire.

La jolie princesse de Lakisle finit par baisser les yeux en rougissant, avant de suggérer :

- Bon, et si nous apportions enfin ce cerf aux prêtres ? Ils ne pourront jamais l'apprêter à temps pur la cérémonie, sinon.

- Oui, bien sûr ! dit son époux en attrapant sa monture par la bride pour la guider jusqu'à l'édifice religieux, suivi par la duchesse.

Nous attendons qu'ils tournent au coin d'une ruelle, avant d'enfin éclater de rire !

- C'est qu'ils sont mignons, ces deux-là ! déclare le jeune homme aux tâches de rousseur lorsqu'il parvient enfin à retrouver son calme.

- Je suis bien d'accord avec toi ! Je n'ai plus aucun doute sur les sentiments qu'ils éprouvent l'un pour l'autre, à présent.

- Je sais que monsieur le duc l'aime depuis le soir où elle est tombée malade. Je ne l'avais jamais vu aussi inquiet pour quelqu'un.

- Qu'en est-il de madame ?

- Je ne saurais te dire depuis quand elle l'aime, car elle s'est toujours comportée avec aimabilité et attention envers lui, mais il est évident qu'elle n'est pas insensible à son charme.

- Oui, ses yeux brillent à chaque fois qu'elle le regarde !

- Enfin, malgré tout, ils ne se sont jamais avoué leurs sentiments. Je me demande bien ce qu'ils attendent.

- Ils ont peut-être simplement besoin de temps.

- Est-ce que si tu aimais quelqu'un, tu attendrais autant qu'eux pour le lui dire ? me demande-t-il soudainement en plongeant ses yeux verts dans les miens.

Je sens mes joues s'empourprer brusquement et je me mets à tortiller une mèche de mes longs cheveux noirs tout en bafouillant :

- Et bien, je. . . Je ne sais pas. . . J'attendrais le temps qu'il faudra, jusqu'à ce que je me sente prête à lui déclarer mes sentiments. . . mais. . . mais pourquoi une telle question ?

C'est à son tour de virer au cramoisi et de se masser la nuque en affirmant avec embarras :

- Et bien, je. . . Je voulais juste savoir. . . C'est tout. . .

Je ne peux m'empêcher de rire, amusée de constater que j'ai réussi à retourner la situation pour faire de l'embarrasseur un embarrassé. Il m'imite et ce foux rire nous permet de nous détendre.

- Bon, rentrons à présent, déclare-t-il en m'attrapant par la taille pour me soulever en l'air et me faire atterrir sur la selle de son cheval.

Il monte ensuite devant moi et lance la bête au trot. Je passe mes bras autour de sa taille et appuie ma tête contre son dos. Son corps dégage une chaleur encore plus agréable que celle de mon châle et je ne peux m'empêcher de fermer les yeux pour la savourer et de sourire de plaisir.

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