Révélation

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J'ouvre les yeux et m'étire. En tournant la tête sur le côté, je constate que mon époux est encore profondément endormi, comme d'habitude. Je souris face à son visage apaisé, puis retire doucement ses bras de mon corps pour pouvoir m'écarter lentement de lui, le tout en silence, afin de ne pas le réveiller.

Une fois hors du lit, j'en tire les rideaux, puis plie les vêtements de mon mari, qu'il a encore abandonnés négligemment sur une chaise la veille. Je me dirige ensuite vers les fenêtres pour ouvrir les volets. Comme nous sommes en plein hiver et qu'il est encore tôt, le soleil peine à éclairer notre chambre, mais je me contente de cette faible lueur et marche jusqu'à la coiffeuse pour commencer ma toilette. Je me lave les mains, le visage et les dents, puis vais jusqu'à la penderie pour en sortir une robe rouge, aux longues manches, un peu bouffantes au niveau des épaules, qui se resserrent ensuite et couvrent mes bras, jusqu'aux poignets, d'un épais tissu noir. J'enfile ce joli vêtement orné de broderies d'or représentant des plantes entrelacées, avant de peigner mes cheveux blonds, puis de les brosser pour les rendre plus lisses et brillants. Je clos ma toilette en nouant un ruban rouge dans ma chevelure.

Ce n'est qu'ensuite que je recouvre mes jambes de bas de laine et que je vêtis mes pieds de bottes noires doublées de fourrure. Je passe ma cape autour de mes épaules et quitte la chambre sur la pointe des pieds pour m'engager dans le couloir.

Je descends l'escalier en bois du donjon et sors dans la cour, qui est déjà toute blanche de neige. J'avance d'un pas rapide jusqu'aux cuisines, dont la cheminée dégage une longue colonne de fumée qui se dissipe dans le ciel nuageux.

J'entre dans la construction en pierre et salue les deux femmes qui s'y affairent déjà :

- Bonjour, Aurélie ! Bonjour, Calista !

- Bonjour, madame la duchesse ! me répondent-elles en choeur.

Je vais jusqu'à l'un des placards pour en sortir les assiettes. La cuisinière tente de m'en empêcher en déclarant :

- Ce n'est pas la peine de vous fatiguer, ma fille m'est déjà d'une grande aide.

- Je vous l'ai déjà dit, Aurélie : cela me fait vraiment plaisir de vous rendre service, alors ne m'en privez pas, s'il vous plait.

- Vous êtes tout à fait étonnante, pour une femme de votre rang, me confie le Premier médecin du duché, mais bien admirable.

- Je vous remercie, lui dis-je avec un sourire franc, mais je vous trouve bien plus admirable que moi : vous avez sauvé la vie de Robert et de bon nombre de villageois grâce à votre précieux savoir-faire.

- Certes, admet-elle en rougissant sous le compliment, mais c'est vous qui m'en avez donné l'occasion. Merci infiniment pour cela, d'ailleurs !

C'est au tour de mes joues de s'empourprer de plaisir, tandis que je lui réponds :

- Je vous en prie ! C'est nous qui vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre proposition. Mon époux et moi sommes vraiment heureux et fiers de vous compter parmi nous.

Son sourire s'élargit, prouvant ainsi que mes paroles la touchent, avant qu'elle ne me demande :

- En parlant de monsieur le duc, où est-il ?

- Il dort encore, l'informé-je.

- Mon petit prince adore les grasses matinées ! ajoute Aurélie sur un ton à la fois attendri et amusé.

- Cela explique pourquoi il est toujours le dernier à apparaître, conclut la jeune femme à la chevelure noire.

Nous éclatons de rire toutes ensemble. Calista se dirige ensuite vers la casserole pleine d'eau bouillante pour faire infuser le thé. En laissant tomber les feuilles dans le liquide brûlant, elle me demande :

- Puis-je vous poser une question ?

- Bien sûr ! Faîtes donc !

- Pourquoi n'avoir toujours pas déclaré vos sentiments à monsieur le duc ? m'interroge-t-elle en se tournant vers moi pour plonger son regard bleu violacé dans le mien.

Mes yeux s'écarquillent de surprise et je sens mes joues s'empourprer à nouveau, mais bien plus fort qu'auparavant, tandis que mon coeur se met à battre de plus en plus vite.

- P. . . Pourquoi une telle question ?

- J'ai bien remarqué la façon dont vos yeux brillent lorsqu'ils voient votre mari et tout dans votre comportement vis-à-vis de lui trahit vos sentiments pour lui.

- Vous en êtes certaine ? hésité-je.

- Oh, oui ! affirme Aurélie à sa place.

Sa fille se contente donc de hocher la tête.

- C'est que. . . commencé-je en rangeant une mèche de mes cheveux blonds derrière mon oreille. Moi-même j'ignore la nature de mes sentiments pour lui. Je ne sais si l'affection que je lui porte est simplement amicale ou s'il y a bien plus que cela. . .

- Je comprends, m'assure la vieille domestique en s'approchant de moi. J'ai aussi eu peur de me faire de fausses idées sur ce que je ressentais pour mon époux, Diane ait son âme, mais je n'ai rapidement plus eu aucun doute sur la nature des sentiments que j'éprouvais à son égard.

- Comment ? lui demandé-je d'une voix presque suppliante.

- Je sentais mon coeur battre de plus belle rien qu'en pensant à lui et je me sentais si bien à ses côtés que lorsque nous n'étions pas ensemble, je ne me sentais jamais pleinement heureuse, comme si une partie de moi me manquait. C'est alors que j'ai eu la certitude de l'aimer et je ne me suis pas trompée.

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration pour tenter de calmer les battements de mon coeur. Ce sont sans doute les paroles des deux femmes qui m'ont troublée de la sorte. J'analyserai attentivement mes sentiments lorsque j'aurai retrouvé mon sang-froid et je m'assurerai alors de ce que je ressens pour Mathieu, mais. . .

- Et si jamais je réalise que je l'aime, mais que ses sentiments ne sont pas réciproques, que devrais-je faire ? formulé-je à voix haute.

- C'est absurde ! s'exclame Aurélie. Cette probabilité n'existe pas, je peux vous le certifier !

- Oh ! Comment ?

- Tout simplement parce que je sais qu'il vous aime, déclare-t-elle avec un large sourire.

- Hein ? ! m'écrié-je, surprise, tandis que mon visage s'embrase.

- C'est ce que je voulais vous dire le matin de votre rétablissement, juste avant que les jumeaux ne viennent m'interrompre.

- Oh ? ! Il m'aime depuis tout ce temps ? !

- Oui, ça n'a pas été compliqué pour moi de le comprendre, car je le connais depuis sa naissance et j'ai toujours été à ses côtés depuis, alors je peux vous affirmer que l'attitude qu'il a à votre égard, il ne l'a jamais eue avec aucune autre personne. C'est bien la preuve que vous êtes spéciale à ses yeux et le seul sentiment qu'il n'avait encore jamais expérimenté avant votre arrivée était l'amour.

- Mathieu m'aime ? me contenté-je de murmurer d'une voix incrédule.

Les deux femmes acquiescent en souriant. C'est le moment que choisissent les deux rouquins pour faire irruption dans les cuisines, en nous demandant :

- Est-ce que tout va bien ?

- Oui, pourquoi ? leur dit Calista.

- Vous êtes en retard dans la préparation du petit déjeuner, comparé aux autres jours, lui explique Robert.

- Et on meurt de faim ! ajoute Robin.

- C'est presque prêt, le rassure la femme à la robe bleue.

- Je vais vite dresser la table, dis-je en attrapant précipitamment les assiettes.

- Nous allons vous aider, décide l'archer en allant chercher les verres, tandis que son frère se charge des couverts.

Je les gratifie d'un sourire, puis sors du bâtiment en pierre. La neige craque sous mes pas précipités et le vent agite mes cheveux et les pans de mes vêtements, mais même son froid mordant ne suffit pas à calmer le feu qui s'est emparé de mon visage et qui se répand rapidement dans tout mon corps.

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