L'assaut du village

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Les deux hommes chargent le dernier meuble en bois dans le chariot, à l'aide de leurs bras musclés, puis se frottent les mains en déclarant :

- C'était le dernier. Nous pouvons y aller, à présent.

- Bonne route ! leur souhaité-je.

- Et que Diane vous garde, ajoute Calista.

- Merci ! répondent-ils en choeur en s'installant à côté du conducteur.

Ce dernier lance aussitôt les chevaux au pas et ils s'éloignent tranquillement en direction de la forêt, tandis que leurs épouses et leurs enfants leur font de grands signes de main pour les saluer.

- S'ils parviennent à vendre aussi bien que les fois précédentes, le village et le duché vont s'enrichir considérablement, commente Robert.

- Oui, ce commerce est moins florissant qu'avant la guerre, car les gens les plus modestes refusent de dépenser leur argent dans des fournitures non nécessaires, alors les habitants de ce village ont perdu leurs clients les plus proches géographiquement, mais les plus riches continuent de dépenser sans compter, en plus de ceux que la guerre a enrichis, comme les forgerons qui ne cessent de fabriquer des armes pour l'armée du royaume, explique Robin.

- Le malheur de certains fait le bonheur des autres, me contenté-je de dire.

Notre médecin acquiesce, puis nous informe :

- Je vais m'occuper des malades, à présent.

- Je t'accompagne, décide l'épéiste en se précipitant à ses côtés.

Les joues de la jeune femme rosissent, tandis qu'elle lui sourit en silence. Il lui rend son sourire, puis ils s'éloigent tous deux en direction de l'église.

L'archer se met aussitôt à humer l'air. Je lui demande, étonnée par sa conduite :

- Que sentez-vous ?

- Je sens ce qu'il y a entre ces deux-là, me répond-il avec un sourire malicieux.

Je me tourne dans la direction qu'il indique juste à temps pour voir la main de Robert se glisser dans celle de Calista. Elle baisse les yeux pour les observer, puis plonge son regard bleu violacé dans celui du jeune homme, pendant que ses joues s'empourprent. Ils entrent ensuite dans le bâtiment réservé aux malades, disparaissant ainsi de notre vue.

J'échange un regard avec le rouquin, avant que nous ne gloussions en choeur.

Nous sommes hélas bientôt interrompus par des bruits de sabots et des cris de panique :

- Au secours !

Ils proviennent de la direction qu'a emprunté le chariot. Nous ne tardons pas à voir arriver les deux chevaux qui tiraient le véhicule, montés chacun par l'un de nos voyageurs, dont un porte sur son dos leur compagnon, qui semble bien mal en point ! Ils arrêtent leurs montures et en descendent en précipitation. L'un étant ralenti par le poids de son camarade, c'est l'autre qui vient à notre rencontre pour nous avertir :

- Nous avons été attaqués ! Ces bandits viennent par ici ! Ils ont l'intention de s'en prendre au village !

Mes grands yeux bleus s'écarquillent de choc et d'horreur à l'entente de ces mots, mais je ne perds pas mon sang-froid. Je ne peux pas me le permettre, car toute la population compte sur moi. Je suis leur duchesse, mon devoir est de les protéger ! Et puis, ce n'est pas comme si je n'avais jamais été confrontée à une situation aussi périlleuse. . .

Je secoue la tête pour chasser ces terribles souvenirs de mon esprit et ordonne à Robin, qui se trouve encore à mes côtés :

- Rejoignez votre cheval et prévenez au plus vite le duc de la situation !

- Oh, mais. . . Je ne peux pas vous laisser ici sans protection, madame, c'est bien trop dangereux !

- Je ne suis pas sans défense. Robert est avec moi. À nous deux, nous pourrons repousser nos assaillants au moins jusqu'à l'arrivée de mon époux.

- Comment ? ! s'exclame-t-il.

- Contentez-vous de faire ce que je vous dis ! S'il vous plait. . .

Il semble hésiter pendant une seconde, mais finis par hocher la tête et s'éloigner en courant.

Au même moment, nos deux autres compagnons, qui ont sans doute été alarmés par les cris, arrivent à ma hauteur et me demandent :

- Que se passe-t-il ?

- Le village va bientôt être attaqué. Je n'ai pas le temps de tout vous expliquer. Calista, emmenez ce blessé avec vous et réfugiez-vous dans l'église avec les prêtres et les malades. Robert, alertez le reste de la population et escortez-les en lieu sûr. Que tous les villageois qui m'entendent courent s'enfermer dans l'église ! Je compte sur vous pour prendre soin d'eux, ajouté-je à l'intention de la jeune femme aux cheveux noirs.

Elle acquiesce en fronçant les sourcils et passe le bras du voyageur blessé autour de ses épaules afin de l'aider à marcher jusqu'à la bâtisse en pierre, rejointe par tous les habitants qui ont entendu mon appel. L'homme aux tâches de rousseur, de son côté, se retourne pour s'apprêter à exécuter mon ordre lorsque je le retiens :

- Un instant, Robert ! Donnez-moi votre épée, s'il vous plait. Je suis vraiment désolée, mais je n'ai pas d'arme sur moi, alors vous devrez vous contenter de votre dague aujourd'hui.

- Ce n'est pas un souci, j'excelle aussi bien au maniement de la dague qu'à celui de l'épée, mais je ne vois vraiment pas ce que vous comptez en faire. . .

- C'est pourtant évident, non ? Je vais me battre pour protéger mon duché !

- Comment ? ! Vous n'êtes pas sérieuse. . .

- Ai-je l'air de plaisanter ? Je ne pense pas que la situation y soit apprêtée, lui répondé-je avec une expression et sur un ton extrêmement sérieux.

Il reste là, interdit, me fixant avec incrédulité. Je radoucis ma voix pour le persuader :

- Je comprends votre surprise : une princesse n'est pas sensée savoir se battre et, pourtant, je vous assure que j'en suis capable. Vous ai-je déjà menti ?

En disant ces mots, je tends doucement ma main vers lui. Il lâche un soupir et me donne son épée en me recommandant :

- Faîtes bien attention à vous, surtout.

Je me contente de lui adresser un hochement de tête, avant de me tourner vers la direction d'où sont revenus nos voyageurs, tandis qu'il s'élance à la recherche des villageois qui ne se sont pas encore mis à l'abri.

J'entends déjà la neige craquer sous les pas précipités de plusieurs personnes et vois bientôt apparaître un groupe d'hommes armés de dagues, de couteaux et de torches. Ils s'interrompent dans leur course en me voyant leur faire face, l'épée de Robert entre les mains. Je fronce les sourcils et leur lance d'une voix autoritaire :

- Je vous mets en garde : ce village est sous ma protection et je suis prête à mourir pour le défendre ! Je vous laisse donc une chance de repartir tranquillement sans faire d'histoires, sans quoi il vous en cuira.

Ils se regardent tous avec des yeux yeux ronds d'étonnement, puis éclatent de rire :

- Ha ha ha ! Oh, Diane ! J'ai si peur !

- Ha ha ha !

Celui qui semble être leur chef ordonne ensuite aux autres :

- Trêve de plaisanteries, les gars ! Nous sommes ici pour travailler.

Il se tourne vers moi pour m'adresser ces mots sur un ton impassible :

- Je me dois tout d'abord de saluer votre courage, madame. . .

- La duchesse de Westforest.

- Oh ! Quel honneur de vous rencontrer en personne, lâche-t-il sur un ton à la fois surpris et ironique, mais c'est à mon tour de vous donner un avertissement : si vous vous mettez en travers de notre route, nous vous tuerons ! En revanche, si vous vous tenez bien tranquille, nous ne vous ferons aucun mal, c'est promis.

- Plutôt mourir que de laisser des voyous s'en prendre aux habitants de ce duché.

- Fort bien, vous ne pourrez pas dire que nous ne vous avons pas laissé une chance de vous en sortir indemne. . .

Sur ces mots, il claque des doigts et, aussitôt, les hommes armés de torches les lancent sur les maisons les plus proches, déclenchant les hurlements des villageois encore présents dans les rues !

Mes yeux s'écarquillent d'horreur à la vue des flammes, non seulement parce qu'elles sont en train de détruire ce beau village et de mettre en danger ses habitants, mais aussi parce qu'elles me rappellent les brasiers qui se sont allumés lors de cette terrible nuit. . .

Je reporte mon attention sur nos assaillants, qui se précipitent déjà sur moi ! Je contre les lames qui sont brandies dans ma direction à l'aide de l'épée de Robert, mais constate au même moment que certains hommes me contournent pour s'engager dans les rues du village.

"Je compte sur toi, Robert." pensé-je en me reconcentrant sur mes agresseurs. J'effectue un bond sur le côté, faisant par la même occasion tomber ma toque de fourrure, pour les contourner et plante mon arme dans le dos du premier se présentant à moi. La lame traverse son corps et il s'effondre dans la neige en poussant un râle.

Je comprends aussitôt qu'il est mort, mais je ne m'en soucie pas : ces hommes ont enflammé des maisons sans même prendre le temps de savoir s'il restait des gens dedans. Ils sont prêts à massacrer des innocents ! Je ne dois donc avoir aucune pitié à leur égard si je veux protéger ces derniers. Et puis, je n'en suis pas à mon premier meurtre, alors. . .

Je profite de la surprise et du choc s'emparant de mes adversaires pour ôter mon manteau et arracher d'un coup sec le bas de ma robe, qui m'entravent dans mes mouvements. Je les laisse tomber dans la neige, puis place l'épée de Robert devant moi en demandant sur un ton froid :

- Qui veut être le prochain ?

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