Un être de perdu, un de retrouvé

5 minutes de lecture

Je fixe mon aîné avec stupéfaction. Il me hait parce qu'il me juge responsable de la mort de notre mère ?

- Éric. . . commencé-je.

- C'est inutile, m'interrompt-il sur un ton calme. Rien de ce que tu pourras me dire ne me fera changer d'avis. Je ne veux ni excuses, ni explications. Tout ce que je souhaite, c'est en finir au plus vite. Suis-moi.

Sur ces mots, il sort de la cathédrale. Je lui emboîte le pas. En arrivant à l'extérieur, il tombe sur ceux que nous avons libéré un peu plus tôt, mais il ne leur accorde aucune attention. Il se contente de poursuivre son chemin.

Il ne s'arrête que lorsqu'il atteint le terrain d'entraînement du palais : un vaste espace au sol sableux encadré d'arbres. Il se tourne ensuite vers moi et me demande :

- Est-ce que tu te souviens de cet endroit ? C'est ici que nous nous entraînions au maniement des armes.

- Oui.

- Je te propose un ultime affrontement, mais cette fois-ci, nous ne nous arrêterons pas une fois notre adversaire à notre merci. Nous irons jusqu'au bout. Pour gagner, il va falloir tuer l'autre. Est-ce bien clair ?

- Éric, attends. . . rétorqué-je, horrifié par sa proposition.

- Je te l'ai déjà dit : je veux juste en finir. Si tu veux récupérer ton épouse et vivre avec elle et vos amis aussi longtemps que Diane te le permettra, tu dois me tuer.

Sur ces mots, il dégaine son épée et me demande :

- Prêt ?

Je l'observe en silence, tentant de contrôler les tremblements de mes mains. Je ne veux pas en arriver là, mais d'un autre côté, je dois absolument les protéger. . . Et puis, si je parviens à le mettre à ma merci, peut-être renoncera-t-il à mourir et acceptera-t-il de m'écouter.

Je sors donc mon épée de son fourreau en lui répondant :

- Prêt.

Le roi de Forestisle fonce sur moi pour m'assaillir d'un puissant coup de lame, mais je parviens à contrer son attaque. Les lieux sont bientôt emplis du son métallique que font nos armes en s'entrechoquant et l'on entend plus que cela, bien que nos spectateurs soient nombreux : toutes les personnes présentes dans la cathédrale sont venues assister à notre affrontement. Ils retiennent leurs souffles et ouvrent grand les yeux pour ne pas louper une miette du spectacle. Les fronts de tous sont recouverts de perles de sueur.

Nous continuons de nous battre avec acharnement, tantôt attaquant et tantôt parant. Bien que son expression faciale soit impassible, comme d'habitude, je lis dans les yeux de mon adversaire rage et détermination. Pour lui, il s'agit d'éliminer celui qui a tué sa mère et ainsi la venger. Je comprends mieux son attitude à mon égard, maintenant. . .

Je tiens bon pendant plusieurs minutes, effectuant à chaque fois le bon mouvement pour contrer ses assauts, mais personne ne peut lutter éternellement contre quelqu'un de bien plus fort que soi. . . Il profite ainsi de la fatigue qui commence à me gagner pour appliquer un puissant coup à mon épée, la faisant voler de ma main pour aller se planter bien loin de là en plein sol. Il enchaîne ensuite avec une autre attaque, que je parviens à esquiver de justesse en me jetant par terre et en roulant sur le côté.

Cependant, je ne me fais pas d'illusions : maintenant que je suis désarmé, il ne fera qu'une bouchée de moi. . .

C'est alors que j'entends la voix de Fidel me crier :

- Monsieur !

Je regarde dans sa direction juste à temps pour le voir me lancer sa propre épée ! Je l'attrape au vol et la place au-dessus de moi pour me protéger du coup que voulait m'infliger Éric, puis je me sers de mes pieds pour le repousser et ainsi me laisser le temps de me remettre debout.

Le combat reprend aussitôt. Au bout de plusieurs minutes de lutte acharnée, je parviens enfin à faire tomber mon adversaire en lui faisant un croche-patte et je me jette aussitôt sur lui pour l'immobiliser. Assis à califourchon sur son torse, je pointe la lame de l'épée au-dessus de sa gorge. Un seul geste et la menace qui plane sur moi et mes proches est écartée. . .

Je sens mes mains trembler et je serre les dents pour tenter de me donner du courage. Il faut que je le fasse ! Les tremblements de mes mains ne font pourtant que s'accentuer et je sens les larmes me monter aux yeux. Je finis par laisser tomber l'arme sur le côté en lâchant d'une voix étranglée par les sanglots :

- Je ne peux pas. . . Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas tuer mon propre frère. . .

Ce dernier laisse échapper un rire moqueur et me repousse violemment en me lancant :

- Tu n'es vraiment qu'un faible !

Je tombe sur le dos et sens le poids du souverain se poser sur mon propre corps. Il brandit son épée en l'air et l'abats d'un coup sec sur moi. Je ferme les yeux, mais plusieurs secondes s'écoulent sans que je ne sente le métal s'enfoncer en moi. Je les rouvre donc pour découvrir que ma femme a encore une fois récupéré l'épée de Robert pour me protéger. Son arme se place en bouclier entre moi et celle de mon adversaire. Ils se regardent dans le blanc des yeux, sourcils froncés. Je lui ordonne :

- Éloignez-vous, c'est trop dangereux !

- C'est hors de question ! rétorque-t-elle. Je ne m'éloignerai que lorsque vous serez hors de danger.

- Votre insolente résistance commence à m'agacer, princesse Jenna ! s'énerve le roi en la repoussant d'un puissant coup d'épée.

La jeune femme recule prestement, mais la lame entaille son poignet !

- Jenna ! m'exclamé-je.

- Je vous supplie de revenir, madame ! lui crie Aurélie. Ce que vous faîtes est insensé !

- Elle a raison ! renchérit Calista. Il vous faut penser à. . .

- Je sais ce que je fais ! les interrompt-elle.

Elle se tourne ensuite vers l'homme à la longue chevelure châtain clair, qui s'est détourné de moi pour aller l'affronter. Il l'assaille sans répit de puissants coups d'épée, qu'elle parvient heureusement à tous parer. Elle doit cependant reculer un peu à chaque fois pour se protéger et finit donc acculée à un arbre. Pensant enfin tenir sa chance, il lui envoie une ultime attaque, mais elle se baisse au dernier moment, laissant sa lame se planter profondément dans le tronc. Elle en profite pour le contourner et tranche sa gorge d'un seul mouvement ! La tête de mon aîné tombe dans son propre sang et son corps ne tarde pas à la rejoindre au sol. Je fixe ce spectacle macabre avec des yeux écarquillés d'horreur ! Une larme coule le long de ma joue.

Mon épouse se tourne vers moi et me dit d'une voix calme :

- Je suis désolée. Je n'ai pas eu d'autre choix. C'est fini maintenant.

Je me précipite vers elle et la serre dans mes bras. Je suis si soulagé de la retrouver saine et sauve ! Je prends tout de même le temps de l'écarter de moi et de l'attraper fermement par les épaules pour la sermonner :

- Petite inconsciente ! Est-ce que tu te rends compte de la dangerosité de ce que tu as fait et des risques que tu as encourus ? ! Qu'aurais-je fait s'il t'était arrivé malheur ? !

Pour toute réponse, elle se contente de rire en me demandant :

- On se tutoie maintenant ? Ha ha ha !

- Je ne plaisante pas ! Tu n'as pas conscience de la peur que tu m'as faite. . . J'ai cru mourir d'inquiétude !

- Je vais bien, me rassure-t-elle. Ce n'est qu'une égratinure, ajoute-t-elle en me montrant son poignet. Quant à l'enfant, il est en parfaite santé et c'est le principal.

- Hein ? Quel enfant ?

- Le nôtre, bien sûr ! me répond-elle avec un sourire rayonnant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Ystorienne Histoire ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0