La dernière déclaration

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J'ai attendu que tout le monde soit parti et je suis entrée dans la salle ou tu étais étendu, gisant, froid, décédé.

Je me suis approchée de toi, espérant que tu allais réagir comme avant, lorsque je rentrais dans ta chambre pour me glisser dans ton lit. Mais tu n'as pas bougé d'un cil.

J'ai tout de suite remarqué qu'on t'avait rasé la barbe, et j'ai été étonnée de découvrir ta peau de bébé. Elle était si douce, ta peau, j'aimais tellement l'embrasser. Elle était soyeuse et chaude, ta peau bronzée. Mais ça c'était avant que tu ne décides de t'en aller et de mettre fin à tes jours ainsi qu'à ceux de notre histoire. Désormais ta peau était froide et mon coeur brisé.

Je me souviens comme tu aimais me faire l'amour, comme tu restais longtemps à côté de moi sans bouger, sans parvenir à trouver le sommeil, juste à me regarder dormir. C'est ce que tu me racontais à mon réveil, toi qui enchainais les nuits d'insomnies. Tu ne trouvais plus le repos, pas plus que le goût de vivre, ni l'espoir d'un avenir meilleur.

J'essayais de te faire rire et tu riais de bon coeur mais si j'avais su que tu voulais mourir, je n'aurais pas autant rigolé. Je t'aurais supplié de rester, de ne pas m'abandonner, de ne pas me laisser seule pour affronter tout cela. J'aurais pleuré pour te retenir, pour te convaincre de lutter encore.

Tu étais si froid et rigide sur ton lit de mort et pour une fois ce n'était pas une bonne chose. Je me suis penchée vers toi et ai posé ma tête sur ton torse. Ton coeur ne battait plus alors que le mien battait encore pour toi. Tu n'as pas tressailli quand je t'ai touché car tu étais parti depuis plusieurs jours déjà, mais peut-être ton âme trainait-elle encore par là.

Alors je t'ai parlé. Je t'ai parlé tout bas comme si j'avais peur que tu m'entendes. Mais plus jamais tu n'entendras ma voix, plus jamais tu ne me serreras dans tes bras, plus jamais nous ne nous sourirons sans raison autre que celle d'être juste là, l'un pour l'autre.

Je me suis confessée dans cette morgue, un endroit aussi chaleureux qu'un parloir et aussi austère qu'une église. Je l'ai fait pour toi, pour te dire que je t'aime, que je t'aimais et que je ne t'aimerai toujours. J'ai plagié Cabrel qui ne m'en voudra pas. Personne ne connait mieux les histoires d'amour brisées, ni ne sait mieux les chanter.

Je t'ai déclaré mon amour à retardement parce que je n'avais pas été assez intelligente pour te le dire de ton vivant. J'étais seule, j'ai mis nos chansons et je me suis allongée près de toi, près de ton corps froid, de ta peau blâfarde que le maquillage avait réhaussée. Tes cheveux bruns avaient poussé et te donnaient l'air d'un étranger, d'un rital, d'un espagnol, d'un homme du sud, d'un homme de là-bas, quelque part où tu étais peut-être déjà. Mais je ne pouvais plus te rejoindre. Je n'avais plus que ton enveloppe charnelle, une coquille vide, décorative et inutile. Car je me rendais compte que finalement, même si tu étais beau à tomber, la seule chose qui m'intéressait vraiment, c'était de posséder ton coeur.
Et pourtant, je l'avais refusé lorsque tu me l'avais offert.

Maintenant je ne pouvais que pleurer d'avoir été si bête, si aveugle et si nulle. Tu méritais une autre fin, une autre femme, un autre destin.

Avec des larmes dans les yeux et des trémolos dans la voix, je t'ai dis que je t'aimais et que j'étais désolée mais c'était trop tard. Tu m'avais déjà quittée. Ma déclaration était restée sans réponse. Cette déclaration que tu avais espérée, que tu avais attendue et dont tu avais peut-être même rêvé.

***

Je t'aime Guillaume.

Pardonne-moi.

Je ne savais pas.

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