Orbis
Journal de bord – 2189 – Station atmosphérique Orbis V
<>Daphné, son boulot c'est le vivant. Elle a un aquarium végétal où elle étudie les mutations biologiques sur les arbres.
– Regarde Mahdi, ce sont des serbra : Ils inspirent le CO₂ et expirent l’O₂ continuellement.
– Sérieux ! T'as vraiment fait ça...
Elle veut les faire évoluer pour qu'ils puissent s'épanouir à des températures plus élevées. Ainsi, une forêt pourrait survivre au changement.
– Regarde le thermostat, me dit-elle
– +47.3° ! C'est violent !!
Elle a aussi un aquarium d'insectes où, par mutation, ceux-ci auraient un impact positif (pollinisation, chaîne alimentaire, purification de l'air).
– Là, tu vois les coléoptères, ils décomposent, transforment le substrat pour libérer l’O₂.
– Je savais que la 221 était attendue dans ce domaine mais... autant.
– Et t'as encore rien vu...
Daphné est en train de reprogrammer la biologie pour qu'elle puisse s'adapter au climat. C'est peut-être audacieux, mais sans cela, la biologie elle-même serait menacée.
– Voilà mes fermes d'algues dans le ciel, qui capturent le CO₂ et relâchent l’oxygène.
– Tu veux mettre des fermes dans le ciel ?
– Oui, elles sont flottantes et dérivent avec le vent.
<>Laurence, lui aussi possède des enclos de développement, mais la plupart sont sous congélation. Il travaille sur le CO₂, l'auto-alimentation.
Une vaporisation de Ca²⁺ par des drones produirait du calcaire et libérerait de l’oxygène. Et une électrolyse de l'eau produirait aussi de l’oxygène.
<>Moi ? Je travaille sur des satellites. Par des lasers, ils activent des réactions photochimiques dans l'air et dans l'eau pour libérer l'oxygène. Et des tours électrolytiques.
Le taux souhaitable de capture du CO₂ serait de 100 à 200 milliards de tonnes par an.
Journal – Orbis V
Le ciel est bleu-vert ce matin. Pas celui de jadis, pas ce bleu net qu’on voit dans les vieux films. Le nôtre est plus dense. Chargé. Mais on respire.
Hier soir, Daphné m’a montré une image : une pousse de chêne transgénique, à 47,3 °C, sans ombre. Elle tient. Elle respire. Sa forêt prend racine dans ce qui fut une plaine morte.
Ses arbres ne dorment plus la nuit. Ils absorbent le CO₂ même dans l’obscurité, et relâchent l’oxygène avec lenteur, comme une exhalation mesurée.
Et ses insectes ? Certains vivent une heure, d’autres dix jours, mais ils pollinisent, décomposent, nettoient. Expirent de l'oxygène. Un écosystème compressé, mais complet.
Elle dit que la vie a encore une voix, comme si elle la voyait dans le miroir.
<>Laurence, lui, ne parle jamais beaucoup. Il m’envoie des résultats : des courbes, des équations, des photos d’enclos gelés. Ses drones diffusent du calcium ionique dans les couches basses de l’atmosphère.
À haute altitude, la chimie opère : le CO₂ se lie, le calcaire tombe comme une neige fine, silencieuse.
J'ai même envie d'en faire des bonshommes.
Il expérimente aussi une électrolyse lente sous la glace. Il récupère l’hydrogène pour ses moteurs. L’oxygène, il le rend au ciel.
<>Moi ? J'ai Orbis V au-dessus. Orbis V flotte à 360 km. Chaque jour, nous corrigeons les faisceaux. Nos lasers percent l’humidité pour libérer l’oxygène captif dans les lacs atmosphériques.
Nous ne tirons pas pour brûler, mais pour activer. Le ciel est un laboratoire, et la lumière notre seul outil.
Auparavant, on utilisait de l'oxygène pour aller dans l'eau. Aujourd'hui, on utilise des bouteilles d’électrolyse de l'eau pour respirer sur la Terre.
Nos tours au sol montent à 1200 m. Elles captent l’air, électrolysent l’eau, relâchent l’O₂. Leur rythme est régulier, précis. Elles ne parlent pas. Mais je sais, chaque fois que je vois les halos blancs à l’horizon, que nous tenons le cap.
Nous devons capturer 200 milliards de tonnes de CO₂ cette année. Nous en avons piégé 131 tonnes : Ce n’est pas assez. Mais ce n’est pas rien.
On respire encore. Et ça, c’est déjà une victoire.
(Mute)
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