15 : "Trois places pour le 26…"

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« Les attentats m’ont bouleversé, que ce soit à Paris, à Nice, à Saint-Étienne-du-Rouvray. Je ne comprends pas ce monde qui semble devenu fou. »

Jean-Paul Belmondo

Meythet (74)

le 17 mars 2008

— Solenn Avryle, comment vous sentez-vous après les événements qui ont secoué le festival la nuit dernière ?

— Mal… Extrêmement mal. Et choquée bien sûr… Je suis même scandalisée. Non… Les mots pour exprimer ce que je ressens n’existent pas. Cette volonté affichée de nuire au spectacle auquel je participais a tourné au cauchemar. Ça m’est insupportable de savoir que des innocents ont été blessés en venant me voir jouer. Ça m’est insupportable de savoir que c’était moi la personne visée et qu’au final, je n’ai rien eu. C’est aux victimes et à leurs proches que je pense aujourd’hui, au petit Philippe qui est toujours, à l’heure où je vous parle, entre la vie et la mort.

— L’attentat a été revendiqué par un groupuscule gauchiste-anarchiste défenseur des droits de l’Homme. Avez-vous une déclaration à faire aux auteurs présumés de cet attentat ?

— Ces personnes prétendent défendre les droits de l’Homme ? C’est au nom de ça qu’ils s’en prennent à mon public ? Qu’ils viennent me dire en face ce qu’ils me reprochent, ce serait infiniment moins lâche que de poser des bombes ! Quel droit peuvent-ils bien défendre en usant ainsi de la violence ? Certainement pas celui de la liberté d’expression ou de la création artistique. Ils amalgament mon rôle de fille de ferme amoureuse d’un soldat SS sous l’Occupation avec l’épouse de Paul Werner, dont les écrits pamphlétaires dérangent. Et c’est moi que l’on taxe d’intolérance ? Je suis une actrice, rien qu’une actrice. Je ne prétends pas être autre chose. Ce sont les régimes totalitaires qui censurent les intellectuels et les artistes, pas ceux qui s’érigent en défenseurs de la démocratie ! Le fanatisme de ces gens risque de coûter la vie à un enfant de douze ans, vous vous rendez compte ? Douze ans !

***

La vidéo YouTube s’interrompt sur tes paroles, ton visage défait, outré.

Ça me fait bizarre de revoir ces images.

De te revoir vivante, vibrante, révoltée.

Telle que je t’ai connue dans ta croisade en faveur des sans-papiers que nous étions, bien des années plus tard.

J’ai visionné ces images tant de fois depuis que tu n’es plus, pour te retrouver.

Pour retrouver la femme que j’aimais.

Celle que j’aime toujours, pour toujours…

***

26 juillet 1989. Margaux et Guillaume ont fait le voyage depuis Annecy, mis leurs minots en garde pour venir t’applaudir sur la scène du festival d’Avignon. Crozats aussi a fait le déplacement. Il n’aurait manqué ça pour rien au monde. Dix ans après tes débuts au Théâtre Marigny, tu t’apprêtes à remonter sur les planches. Un spectacle unique, une pièce en deux actes signée Robert Hossein : Les amants de l’automne. Elle ne sera jamais jouée.

Peu avant le lever de rideau, une explosion dans les gradins. Des hurlements d’effroi, du sang, la panique qui s’empare des deux mille personnes présentes dans la cour d’honneur du Palais des Papes. Des cris, des gens piétinés par une foule aux abois. Des dizaines de blessés. En coulisse, tu es en larmes, désemparée par la folie des hommes. Dans la nuit, Stephen t’apprendra que Margaux a été transportée d’urgence à l’hôpital Henri Duffaut. Tu l’y rejoindras très vite, ravagée d’inquiétude. Fortement commotionnée, elle ne pourra recevoir de visite de suite. Au petit matin, la nouvelle tombera : ton amie a perdu le bébé qu’elle attendait. Soutenir Margaux et Guillaume. Être là, pour eux.

***

30 juillet. Tu assistes aux obsèques de Philippe Garance, le gamin victime de cette putain de bombe. Il était fan de toi, tu étais partout collée sur les murs de sa chambre. Tu pleureras longuement devant sa sépulture. Douze ans… Dans les moments de doutes, c’est à lui que tu penseras, c’est en lui que tu puiseras ta force. Parce que la folie des hommes n’a pas fini de te surprendre.

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