30 : Juste une mise au point…

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« Très tôt j’ai décidé que j’allais mentir à la presse. La meilleure méthode pour parler de ma vie privée c’est le mensonge. »

Nick Nolte

Maison de la Radio

avenue du Président Kennedy

Paris 16e,

mi-novembre 1989

— Écoutez, chaque meeting politique de notre parti est un succès encore plus notable que le précédent, et je ne peux que m’en réjouir ! Il est vrai qu’en nombre absolu, nous ne sommes encore qu’une poignée, un groupuscule, mais j’ai bon espoir que les idées que nous défendons, notre devise maîtresse-mot de nos idéaux – « France d’abord, blanche toujours » (9) – fassent des émules et rassemblent toujours davantage pour qu’ à terme le PNFE puisse être un véritable contre-pouvoir capable de faire entendre la voix d’un peuple qui ne se reconnaît plus en ses dirigeants.

— Et ne pensez-vous pas plutôt, Monsieur Werner, que ces succès grandissants ne soient dus qu’à la médiatisation du couple que vous formez avec Solenn Avryle ?

— Je ne peux en effet nier que le fait d’être marié à une actrice de renom ait pu avoir une influence non négligeable sur l’audience et la visibilité du PNFE, mais cela serait très réducteur de ne l’accorder qu’à la faveur de ma notoriété people. Nos concitoyens ont une conscience politique, voyez-vous, et s’ils ne connaissaient point l’existence d’un tel parti jusqu’alors, ma relative célébrité aura au moins eu la vertu d’éveiller leur curiosité, amplifiée par ce qu’ils ont pu lire des idéaux que je défends bec et ongles dans mes essais pamphlétaires. Essais qui s’arrachent d’ailleurs en librairie, démontrant par là-même que ce que j’y véhicule trouve un certain écho au sein de ce peuple que le pouvoir en place souhaiterait manipulable à sa guise. Mais le temps des œillères aveuglant les citoyens français est révolu, Messieurs les Gouvernants, qu’on se le dise !

— Votre personnalité comme vos récits idéologiques restent néanmoins très controversés, malmenés de toute part, y compris de la part de non-politiques. A ce propos, le cinéaste Stephen Crozats ne mâchait dernièrement pas ses mots à votre encontre, vous accusant ouvertement d’être le chef d’orchestre d’une machination visant à détruire votre épouse Solenn Avryle.

— Je connais bien Stephen. Très bien même, et il sait toute l’estime que j’ai pour lui. C’est une figure incontestée du Septième Art, et son regard sans concession sur le monde à travers ses œuvres ne laisse jamais indifférent. Je connais aussi sa démesure, son éloquence, son lyrisme, la passion qui l’anime lorsqu’il a à cœur de défendre ce qui lui est cher. Solenn et lui sont amis de longue date, et il est naturel qu’il prenne parti pour elle dans la tourmente que vit actuellement notre couple. Et je ne peux que louer son indéfectible loyauté envers celle qui fut jusqu’à présent ma femme. Mais son sens de l’amitié ne lui permet pas une totale objectivité et biaise quelque peu sa vision de la réalité. L’internement d’office est soumis à une procédure juridiquement très cadrée, et c’est me prêter une bien grande et présomptueuse influence sur le système que de proférer de telles accusations ! Bien évidemment, je comprends qu’il puisse avoir affirmé de telles choses sous l’emprise de la colère et de l’émotion, et je ne lui en veux aucunement. Lorsqu’on se heurte parfois au mur des institutions qui nous paraissent alors si obtuses, on peut manquer ponctuellement de ce discernement salvateur qui nous fait réfléchir à deux fois avant d’ouvrir publiquement la bouche…

— Vous ne le poursuivrez donc pas en justice pour ses propos diffamatoires ?

— Non, je n’en vois nullement l’utilité. Ce qu’a pu dire Monsieur Crozats sur ma personne n’est pas vérité universelle. Tant que ça n’a pas trait à la sphère cinématographique, tout ce qu’il peut déclamer publiquement n’engage que lui et n’a pas valeur de parole d’évangile. Vous savez, on peut très bien apprécier l’œuvre d’un artiste sans embrasser ses convictions personnelles, politiques ou religieuses, ni même son mode de vie, sa préférence sexuelle. Il est libre de ses choix, de ses actes, de me dénigrer s’il le souhaite, et nous sommes libres de ne pas l’entendre…

Des paroles, des phrases entières reprises aux quatre coins du pays, en réponse à la conférence de presse donnée deux jours plus tôt par Stephen. Werner est brillant dans cet exercice, qu’il maîtrise à la perfection, sans laisser transparaître le moindre ressentiment. Froid, calculateur, méthodique, il choisit ses mots. Il savait qu’on allait lui poser la question, il s’y était préparé pour ne pas répliquer de manière aussi irréfléchie que désinvolte. Et dans cette joute médiatique, c’est ce sang froid, ce self-control que retiendront les foules, davantage que les arguments passionnels de Crozats. Parce que verbalement, Werner atomise toujours ses adversaires, quels qu’ils soient…

(9) : Devise du Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE).

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