50 : Et Dieu créa la femme…

3 minutes de lecture

« Je ne me soucie pas de vivre dans un monde d’hommes si je peux y être une femme. »

Marilyn Monroe

L’Étoile du lac

Route du port

Saint-Jorioz (74)

le 17 mars 2008

18:30

Appel en absence : Guillaume.

Margaux lui aura soufflé son inquiétude à mon égard, alertée par Mina peut-être…

Je m’en fous, je l’ignore.

Personne ne pourra m’arrêter dans mon dessein.

Werner doit payer pour tout le mal qu’il t’a fait.

Y compris lorsque tu semblais plus forte, intouchable.

Parce qu’il s’est toujours échiné à te fourrer la tête sous l’eau, à en manquer d’oxygène, pour que tu suffoques.

Ce n’est pas lui qui appuiera sur la détente, mais il reste à mes yeux l’instigateur direct de ce coup de feu qui te sera fatal.

De tout ce qui t’aura bouffée de l’intérieur…

Pensif, je m’allume une clope sous le regard réprobateur du tenancier de l’estaminet.

Captant le message qu’il essaie sans un mot de transmettre à mon cerveau qui déraille, je l’écrase quasi instantanément dans le cendrier Orangina qu’il me tend, loi Evin oblige.

Pour tuer le temps, je me mets alors à feuilleter le magazine négligemment posé sur le bois du comptoir, et m’attarde sur un encart publicitaire évocateur.

Souvenirs, souvenirs…

***

Drapée d’une longue robe de cocktail satinée d’ivoire, tu déambules les pieds nus sur le sable d’un rivage Atlantique, mouillé par les vagues qui y déferlent après l’orage.

Le ciel est voilé, la lumière claire, filtrée par les nuages épars qui s’étiolent sous le vent, éclatée par les rayons de soleil brouillés d’un matin printanier sur la côte.

Tu vagabondes et ris à gorge déployée, tournoyant autour d’un piano droit émergeant de l’océan sur la plage.

Tes doigts en effleurent les touches, ton visage se fait mélancolique à mesure qu’ils jouent les premières notes de Soulful Ballad for Solenn, la musique qu’avait jadis composée Harvey pour toi.

Et dans un souffle, ta voix murmure par deux fois ce prénom qui t’est si familier : celui de Stephen…

Une larme coule sur ta joue, puis l’élégance surfaite d’un homme poivre et sel, jusqu’alors absent du décor, t’enlace et chuchote à ton oreille, magnifiée de diamants sertis d’or blanc, ces quelques mots aujourd’hui encore si célèbres : « Donne-moi encore un peu de toi, Coco… »

Tu te retournes, te suspends à son cou et l’embrasses, la pellicule s’achevant en gros plan sur une bouteille de parfum féminin à demi-enterrée dans le sable blanc-turquoise d’une plage aussi désertique que paradisiaque.

***

Juin 1993.

La dernière campagne de pub Chanel inonde tous les écrans de l’Hexagone, et tu en es la nouvelle icône.

La griffe haute-couture, complètement sous le charme de l’exposition itinérante Avryle by Freyburger, te renouvelle sa confiance en te consacrant ambassadrice planétaire de la marque.

Une aubaine que tu ne laisses nullement passer, au moment même où tu t’apprêtes à demander la révision du jugement t’ayant déchu de tes droits parentaux sur Jérémie.

C’est l’occasion d’afficher aux yeux de tous ton retour en grâce sur la scène publique, de te rappeler aux bons souvenirs des cinéastes, d’exprimer ta gratitude…

Via ces clins d’œil appuyés, âprement négociés auprès du publiciste – et que seul un public averti pourrait comprendre –, envers ces amis masculins qui t’ont tant soutenue durant ces périodes où même toi n’y croyais plus.

Pourtant, ce n’est pas ce message subliminal-là que Werner perçoit dans la récurrence de ce spot cathodique dans les médias, mais plutôt la menace que représente cette résurrection de l’ex-égérie du cinéma français.

Une menace qu’il s’empressera de briser dans l’œuf…

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