Épilogue : "Projection privée…"

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« Ceux qui souffrent sont ceux qui restent. »

Alain Delon, à propos du décès de Mireille Darc – qui fut longtemps sa compagne –, dans une interview accordée à Paris-Match en août 2017.

Paris, le 10 décembre 2015

C’est le silence qui se remarque le plus.

Celui que j’affectionne particulièrement lorsque l’envie de peindre me saisit à bras-le-corps, dans la petite pièce que Guillaume a aménagée exprès pour moi dans notre appartement de l’avenue de France, désaffectée jusqu’alors, depuis que les enfants ont pris leur envol et quitté le cocon familial.

Le silence qui a envahi la capitale ce matin, celle qui s’est éveillée sous un épais manteau neigeux, presque cotonneux.

Le silence qui m’a réveillée aux aurores…

Il est encore trop tôt pour descendre petit-déjeuner au restaurant de l’hôtel, et puis Guillaume dort encore, de toute façon. Il faut dire qu’on est rentrés tard hier soir ; c’était l’avant-première du dernier film de Stephen à l’UGC George V : Projection privée…, ce superbe biopic intimiste retraçant fidèlement ta vie, dépeignant le plus justement possible la femme que tu as été, avec ses convictions, ses fêlures, sans jamais trahir la vérité. Ta vérité, la vraie Solenn…

Il y avait tout le gratin mondain bien sûr, et tu sais combien je ne suis pas à l’aise avec tout ça, combien je suis étrangère à cet univers ; mais tu connais Stephen, sa grandiloquence tapageuse… Il tenait à te rendre cet hommage appuyé, à crier haut et fort tout cet amour fraternel qu’il te porte, l’inspiration que tu lui souffles encore aujourd’hui malgré ton absence. Je ne m’attendais pas à ce qu’il m’associe à son œuvre, moi l’anonyme, l’insignifiante Margaux Rivière, à ce qu’il me convie sur scène, à ses côtés. Il n’a pas oublié Zack non plus, à qui revient l’idée initiale de ce long métrage. Derrière les barreaux de sa prison, il n’a eu de cesse de raconter, de narrer ton histoire. De l’écrire avec ses mots d’amoureux transi, d’amoureux fou, d’écorché vif. Et c’est à travers son regard que Stephen a effeuillé ton existence, t’a mise à nu comme jamais, pour que le public comprenne qui tu étais vraiment, la femme blessée derrière l’actrice.

C’est le silence qui se remarque le plus, Solenn, ce silence depuis que tu n’es plus là.

Le silence de ta voix qui n’est plus.

En rentrant à l’hôtel hier soir, après la projection, j’ai eu besoin de l’entendre.

De t’entendre à nouveau.

Via mon portable, à travers une interview ou un extrait de film sur YouTube.

Ou cette reprise d’Ex-fan des sixties que tu m’as un jour dédiée sur ton mini-album acoustique.

Je t’ai écoutée jusque tard dans la nuit.

Je sais que Stephen et Zack font parfois de même, le font tout le temps, sans arrêt.

Parce que tout comme moi, ils ne supportent pas le silence.

Le silence et le vide que tu as laissés derrière toi, si éloignés de notre devise de naguère, de tous nos « pas sans toi »

Non, je ne me ferai jamais à ça, à ton silence, celui qui règne depuis que le vacarme assourdissant de ton arme a mis un terme à ton existence ici-bas.

Tu n’es plus là, ma So-so, et pourtant, je continue à te parler, à te dire « prends soin de toi, ma cocotte, ne te laisse pas aller » ; c’est ridicule à mon âge, je sais. Mais on ne peut rien contre cette putain de nostalgie qui nous ramène toujours aux sources de ce que l’on est véritablement, au plus profond de notre être. Et moi, je reviens toujours vers toi, parce que c’est ce que je suis véritablement : ton amie pour la vie, ta sœur de cœur pour l’éternité.

Alors, laisse-moi t’embrasser comme je t’aime, ma Solenn, te faire ce « kissing good-bye » dont tu étais coutumière et qui me manque tant – tu me manques tant.

Adieu, ma cocotte, ma si tendre et si belle So-so…

Ta Margotte adorée, de toute mon âme

FIN

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