XVI. Os

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Souvent, ces semaines-là, Alix songea qu'elle était l'un de ces rouleaux adhésifs à double face. Elle se déroulait en surface d'un côté, adhérait au monde – peut-être était-ce le monde, en fait, qui s'imposait et déteignait sur elle – ; sa chair pétrie par les moules dans lesquels elle se coulait servilement. Lycéenne, meilleure amie, petite amie, gentille fille, meuf cool, bonne élève mais pas trop. Tout n'était que façade. Tout sonnait faux. De l'autre côté, pendait la bande chaotique d'un piège à mouches, constellée des dépouilles de passions enterrées. Elle était l'enfant dont sa mère n'avait pas pu avorter. Elle était la fille adoptive d'une cinéphile délurée, l'acolyte du garçon qu'elle avait autrefois tabassé, une perverse saphique aux fantasmes inassouvis, une ado pourrie-gâtée qui se tailladait les bras pour soulager sa frustration. Au-delà des couches de peau, modelées et remodelées, Alix n'était qu'un squelette défaillant.

Nul jusqu'alors ne connaissait l'étendue des plaies qui débordaient jusque sous sa carne, des envies qui bouillaient dans ses organes grondant. À qui aurait-elle livré ses idées noires ? À qui aurait-elle admis être la pire des pestes ? À qui aurait-elle même confié que l'amour d'Aurélie ne lui suffisait pas ? Personne, si la providentielle Gazoline ne lui était subitement apparue.

Mystérieuse apparition qui demeurait, aux yeux d'Alix, sans visage. De cette amie virtuelle, l'adolescente n'avait entrevu qu'une tentative de manucure – gros plan sur les phalanges pulpeuses et la french strassée – puis la fougue du poignet qui excitait à coups de médiator les cordes de sa guitare. Cette autre vidéo, une reprise mal cadrée du Precious de Depeche Mode, ne dévoilait de l'inconnue que les mêmes mains potelées et le buste travesti dans un ample poncho coloré. Alix ne lui montra pour sa part que ses patins à roulettes et le pantalon à carreaux cintré qui découvrait ses chevilles. Ni l'une ni l'autre ne souhaitait divulguer son faciès, craignant de rompre le charme. Se décrire, s'imaginer, se rêver plus jolies qu'elles ne l'étaient sans doute, cela leur plaisait davantage.

Selon ses dires, Gazoline mesurait près d'un mètre soixante-dix, avait les cheveux blonds et les yeux plutôt verts. Elle aussi, récemment, avait perdu un être cher. Sa sœur. Elle en parlait souvent comme d'une présence troublante qui la hantait, qui semblait même parfois se couler en elle, parler à travers elle. Le deuil, Gazoline l'avait surmonté en institut psychiatrique. Quand Alix confessa que le décès qui l'accablait était celui de son chien, sa correspondante ne s'en offusqua pas.

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Gazøline dit :

• C'est du pareil au même. La peine, ça ne se hiérarchise pas. Si tu tenais à Fox, tu as autant de raisons de le pleurer que je pleure ma sœur. Ce n'était pas quelqu'un de bien, tu sais. L'ironie du sort, c'est qu'elle s'appelait Angélique. Elle n'avait rien d'un ange. Plutôt le genre de nana qui te menace avec son briquet, te crame les doigts pour s'amuser ou écrase sa clope sur ton épaule. Angélique n'allait pas bien, ce n'était jamais de sa faute. Quand elle est morte, une partie de moi a été soulagée. Pourtant j'ai volé son briquet et j'ai commencé à me brûler comme elle l'aurait fait. La tristesse, ça n'a pas de sens.

Alix dit :

• Comment elle est morte ta sœur ?

Gazøline dit :

• Cette connasse s'est suicidée. C'est devenu un genre de martyr : les gens ne se souviennent que de ses bons côtés. Depuis qu'elle est partie, on me compare à elle. « Ah, si Angélique était là, Angélique aurait fait ça... »

• Pourquoi on passe tout aux morts, hein ? Je détestais ma sœur et j'aimerais qu'elle soit en vie pour la détester encore.

Alix dit :

• On ne se connaît pas et tu me racontes tout ça

Gazøline dit :

• On ne se connaît pas ? Tu en dis plus sur ton blog que dans la vraie vie, non ? Pour moi, c'est plus facile de chanter ou d'écrire que de parler.

• Moi j'ai l'impression de te connaître.

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Une franchise instantanée s'installa entre elles. À bien y regarder, les choses allaient en s'améliorant au lycée. Soulagée du retour d'Alix, Délia sortait peu de ses gonds et n'émettait presque aucune critique sur ses choix vestimentaires. Romuald et elle s'étaient réconciliés et discutaient plus ouvertement désormais. Alix se serait cependant bien passée de toutes les questions qu'il lui posait sur Aurélie. Officiellement, elle avait pardonné l'indélicatesse de cette dernière, mais l'implacable évidence s'imposait cruellement à son cœur : toutes les deux n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Aurélie croquait la vie en balayant les problèmes d'un revers de la main, tandis qu'Alix éprouvait le besoin sinistres de déguster ses peines au même titre que ses plaisirs. Si la mélancolie faisait partie intégrante d'elle, la nier ne revenait-il pas à se gommer aussi ?

Seule Gazoline respectait ses affres, et leur reconnaissait même une certaine allure. Cela ne l'empêchait pas de réprimander Alix chaque fois qu'elle pressentait quelque mutilation. Reproches peu légitimes, puisqu'elle-même avouait parfois avoir succombé à l'appel du briquet. « Si tu promets d'arrêter, alors moi aussi », se faisaient-elle chanter. Aucune ne tenait parole. Alix dressait à son amie des listes de films piratés qui la tiendraient occupée. L'autre pansait leurs plaies en chantant The Cure, Flyleaf et, une fois même, un étrange agencement de Mylène Farmer. Alix n'aurait su dire si la voix de Gazoline rendait véritablement justice à toutes ces reprises, ou si elle seule la sentait résonner jusqu'aux creux de ses os.

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Alix dit :

• Dis Gaz, c'est quoi ton vrai prénom ?

Gazøline dit :

• Hélène.

Alix dit :

• Je préfère Gaz

• Hélène ça fait trop « et les garçons »

Gazøline dit :

• Je préfère Phoque qu'Alix ;-)

• Et non. J'aime les filles.

Alix dit :

• Voilà, tu balances ça comme ça à une inconnue...

• Tu as une copine ?

Gazøline dit :

• Non. J'ai pas encore trouvé de fille assez brave pour m'endurer.

• Tu as quelqu'un toi ?

Alix dit :

• mdr

• J'ai une copine. Mais c'est pas toujours comme je l'imaginais.

• Je suis égoïste, tu crois ?

Gazøline dit :

• Sûrement. Et alors ? On a le droit d'être égoïste.

• Tu l'aimes vraiment ? Pourquoi tu restes avec elle ?

Alix dit :

• Je crois que c'est de l'amour.

• Je ne suis pas brave moi. Je ne sais pas faire autrement.

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— Alix ! appela Cyrille depuis la cuisine.

L'adolescente s'empressa de fermer sa session et sortir de la loge.

— Depuis quand tu te lèves une heure plus tôt pour chatter dès le matin ?

— Qu'est-ce que ça change ?

Autour du petit-déjeuner, les questions de Cassandre n'eurent guère plus de succès que celles de sa compagne. Toutes deux supposaient que l'adolescente passait son temps à discuter avec cette hypothétique petite-amie qu'elle voyait au lycée et parfois après les cours. Aucune de la soupçonnait de se livrer en bloc à une parfaite inconnue rencontrée sur la toile. Comme Alix demeurait laconique, la conversation bascula sur un sujet plus épineux : son avenir. Le seul fait d'y réfléchir l'angoissait. Aussi campa-t-elle sur la même idée, déjà réfutée par sa mère

— J'ai pas le droit de vouloir poser des placos et mettre des murs en peinture, comme Goupil ?

— Mon job est beaucoup plus varié que ça, chouquette, podéra Cassandre. Écoute, ta mère et moi en avons discuté. Cyrille aimerait vraiment que tu réfléchisses à une autre option mais, si c'est ce qui te branche, moi je ne m'y oppose pas. Je vais commencer un nouveau chantier : une vieille maison que loue l'agence. Si tu es vraiment motivée, viens poser des placos et peindre des murs avec moi pendant les vacances.

Eh merde, elles m'ont piégée...

Était-ce à cause de ce guet-apens ou de son échange matinal avec la troublante Gazoline ? En tous les cas, ce matin-là, Alix ne voulait souffrir la compagnie de personne. Alors même qu'elle pédalait en direction de Sainte-Anne, elle appréhendait de retrouver Aurélie au hagard à vélos. À peine un baiser échangé, l'adolescente prétexta le besoin de filer aux toilettes et pria sa belle de ne pas l'attendre. Pas très original, Alix... Enfin, tu t'en sors bien.

Du moins, elle s'en sortait bien, jusqu'à l'instant où elle franchit la porte des toilettes du deuxième étage. Comme un air de déjà-vu. Pamela finissait sa clope aromatisée, assise sur le lavabo. Simone fignolait son maquillage à la vasque voisine. Putain, c'est vrai, c'est leur squat. Comment j'ai pu oublier ça ?

— Hola Alix ! s'exclama la blondasse en faisant l'étal de toutes ses notions d'espagnol.

— Salut Pamela, répondit poliment la nouvelle venue, soucieuse de ne pas envenimer les choses.

Puis en croisant l’œil écarté de la gothique dans le miroir :

— Salut Simone. C'est votre planque ici ? Vous êtes devenues meilleures potes ?

— M'est avis que toi aussi tu te planques, contrecarra l'intéressée.

— Cherche pas, cette meuf est chelou, argua Pamela en dissimulant son mégot dans le siphon. L'aut' jour, je conduisais pépère et cette tarée s'est quasiment jetée sous ma caisse. Sérieux, Alix, tu veux t'foutre en l'air ? C'est trop dur d'avoir des bonnes notes et une bande de potes ?

— J'imagine que ses souffrances sont au-delà de notre compréhension, brocarda Simone avant de se désintéresser totalement de l'intruse. Pour revenir à ton dilemme, Pam, fais ce que tu fais le mieux. Ne réfléchis pas trop.

Alors qu'Alix disparaissait dans une cabine, la discussion entre les deux autres se faisait plus mesurée. Pourtant habituée à attirer l'attention de spectateurs importuns, l'ex-coqueluche de Sainte-Anne se sentait mal à l'aise d'ouvrir son cœur, ainsi épiée.

— On en reparle plus tard, Morticia !

Sur ces mots, elle bondit de son perchoir et quitta les toilettes en adressant à la gothique un salut amical. Simone était une amie. De celles dont la compagnie inquiète et qui ne manquent jamais de mettre le doigt sur les vérités désagréables, mais une amie néanmoins. Elle se mêlait rarement des affaires d'autrui, toutefois, dès lors qu'on la sollicitait, elle savait prodiguer des conseils avisés. Pamela démontrait moins d'aisance quant à les appliquer.

En cette froide journée de février, toute la classe s'étonna de voir débarquer la bombe sexuelle, non seulement à l'heure, mais surtout couverte. Sous les cuissardes, elle avait enfilé un épais collant noir. À la place de l'habituelle mini-jupe en jean, une autre, sage et plissée voilait ses cuisses jusqu'aux genoux. Quant à cet éternel top hyper court, il se trouvait presque occulté par un blazer dont l'unique bouton narguait l'encolure plongeante.

— T'as bouffé une vierge ? la taquina Marion lorsqu'elle prit place à son côté.

— Quoi ? T'aimes pas mon look profil-bas ?

— Profil-bas ? Tu pourrais porter un col roulé, tu les ferais quand même tous bander.

— Donc j'suis censée faire quoi pour pas m'faire remarquer ?

— C'est impossible, tu n'y peux rien.

Marion avait beau exposer cette décourageante vérité, elle n'était pas moins interloquée que ses camarades. Décidément trop jolie pour se fondre dans la masse, Pamela révélait en revanche un potentiel insoupçonné pour l'élégance et, dans le sillage du sosie juvénile d'Adriana Karembeu, la binoclarde n'en menait pas large. Maintenant que sa voisine étalait avec panache l'ampleur de ses charmes, Marion regrettait la pimbêche vulgaire auprès de laquelle sa dégaine négligée passait pratiquement pour de l'allure. Plus déroutant encore, l’exubérance de Pamela mettait subitement en lumière ses sentiments pour Délia. Elle s'était autorisée à aimer cette reine du lycée à la beauté ordinaire, parce qu'elle refusait de paraître blafarde auprès d'une Vénus éclatante.

Cet aveu ridicule tourmenta la jeune fille chaque heure de cette longue journée. L'envie de fausser compagnie à Pamela la harponna à plusieurs reprises sans qu'elle pût s'y résigner, faute de motif réel. Elle s'accrochait à l'espoir raisonnable que tout rentrerait dans l'ordre dès le lendemain. La bimbo de Sainte-Anne n'avait quand même refait toute sa garde-robes en l'espace d'une nuit ! Forte de cette certitude, Marion subissait avec zèle la dernière heure de l'après-midi, lorsqu'un projectile lui heurta l'arrière du crâne. Un chewing-gum.

— Vous êtes sérieux ? s'insurgea Pamela en fusillant du regard les garçons du fond de la classe.

— Allez c'est cadeau !

— Brouteminou aura bonne haleine pour te rouler des patins, Suce-bite !

La blondasse se dressa comme un ressort, aussitôt retenue par Mme. Rembrand.

— Emmenez donc votre camarade se décrotter, Mlle Klestein. Romain, Yoann, vos carnets !

Obéissant au commandement de la professeur, les deux hors-castes du premier rang sortirent de la classe. Dans les couloirs déserts, Pamela saisit la main de Marion, rendue moite par l'angoisse, et l'entraîna jusqu'aux sanitaires. La binoclarde osait à peine serrer cette paume en retour, honteuse de transpirer ainsi. Réserve face à laquelle la Barbie l'empoignait plus fermement.

Une fois gagné le lavabo, Pamela entreprit de décoller la gomme mâchouillée, engluée dans le carré ordonné de sa pauvre comparse. L'eau tiède n'y faisant rien, elle recourut au dissolvant. Malgré la crainte de finir avec les cheveux déteints, Marion se laissait faire sans broncher. L'idée d'une salive étrangère enduisant ses mèches la révulsait. Elle ne pouvait qu'admirer penaude la patience que déployait Pamela pour lui porter secours.

— Voilà, décréta enfin le canon en balançant le chewing-gum dans la poubelle.

Après s'être lavé les mains, elle entreprit de rincer les cheveux de Marion puis, de peur qu'elle prît froid, ôta son blaser pour les en frictionner.

— Merci Pam. Et désolée pour tout ça. T'en baves déjà assez, t'as pas besoin d'autres rumeurs.

— Si c'était pas des rumeurs, j'en aurais rien à battre.

— C'est-à-dire ?

Pamela s'exprimait mal et Marion, à vrai dire, ne voulait pas comprendre. Se pliant, pour une fois, aux bons conseils de son amie Simone, la blonde arrêta de réfléchir. Ni une ni deux, elle enveloppa sa camarade dans le blaser humide, lui agrippa le visage et plaqua sa bouche pulpeuse sur ses lèvres mordillées. Marion se raidit, stupéfaite. Craignant qu'elle s'affolât, la beauté excentrique glissa ses doigts jusqu'à sa nuque. Entre les cheveux humides, ses ongles fuselés semèrent des caresses timorées. Sans plus chercher à lui résister, l'autre s'accrocha pudiquement à ses bras. Pamela, triomphante, se risqua alors à aguicher du bout de la langue ses papilles engourdies. Il fallut un instant, une seconde d'hésitation, pour que le dard alangui de Marion vînt émousser son arête en retour. Pamela exultait. Grisée par le goutte-à-goutte singulièrement frisquet de l'écume dans sa gorge, elle raffermit sa prise sur le crâne dégoulinant pour l'attirer encore un peu plus. Elle brûlait de goûter davantage de sa chair, encore d'autres de ses flux – la dévorer jusqu'à l'os. Ardeur maladroite dont Marion suffoqua et, aussitôt, s'écarta. Rejet encore indécis. Elle dévisagea la Barbie qui venait de l'embrasser. Puis son regard roula sur la pièce alentour : les cabines vides, les lavabos fissurés, la tuyauterie poussiéreuse.

— Il y a une caméra cachée quelque part ou...

— Tu veux sortir avec moi ? l'interrompit Pamela.

— Qu’est-ce que tu me trouves, au juste ?

La blonde se trouva bête. Cette question-là ne lui avait pas encore traversé l'esprit. Aussi improvisa-t-elle.

— J’aime bien ta coupe. Tes mains. Tes lunettes : c'est sexy. Ta façon d’te fringuer comme si t’avais la flemme… J’te trouve mignonne.

— Mignonne ? T’es sérieuse ? T’es sexuellement attirée par les chinchillas ? Par les ours en peluche ? Ou comment ça se passe ?

— T’imagines pas tout c’que j’ai fait avec un ours en p’luche.

— Qu… Je voulais vraiment pas avoir cette image en tête, Pam.

— C’est la vérité. Et tu sais pourquoi j’te dis ça ? Parce que j’te fais confiance. Parce que j’m’en fous que t’aies pu t’masturber avec des trucs chelous en pensant à Délia, ou même que t’aies zéro expérience. J’m’en fous de pas êt’ la meuf de tes rêves. Je sais qu’tu m’trouves vulgaire, débile et p’t-être même pitoyable.

— T’es pas débile, ni…

— C’est rien. Je sais qu’je suis pas une flèche, ni la grâce incarnée. C’est pas ça qui t’empêche d’apprécier mon cul ou mon décolleté, que j’sache.

— Tu fais tout pour, en même temps.

— P’t-être, oui. C’est juste que… j’aime bien comment tu m’regardes.

— Comment est-ce que je te regarde ?

— Pas comme un bout d’viande. Pas comme une pute. Même pas comme une abrutie.

Comment prendre au sérieux cette reine de beauté qui prétendait ne désirer qu'elle, insignifiante au possible ? Comment ne pas lui rire au nez et saluer son humour ? Comment ne pas se démonter face à une proposition aussi insensée ? Marion vrillait. Pamela était tombée sur la tête. Ou alors elle s'aventurait en quête d'exotisme lesbien. Pour sûr, tout cela n'était qu'une expérience.

— Pam… T’as couché avec combien de mecs, en vrai ?

— Trop.

— Ça ne fait pas de toi une pute, quand même. En fait, tu veux juste désespérément qu’on t’aime. Pas vrai ?

— « On », j’m’en ballec. Juste toi, ça m’suffit.

Voilà. Elle avait tout perdu. Terrassée par l'envie d'un baiser, d'une carcasse à enlacer, Pamela se cherchait un os à ronger. Nulle autre explication ne trouvait crédit dans l'esprit de Marion. Ce postulat la rassurait. Aucune n'aurait le cœur brisé de la sorte. Si la belle blonde la prenait pour cobaye de ses fantasmes passagers, Marion se délecterait sans remords de son charme tapageur. Bénie fût sa luxure ! Elle aussi la rongerait, peut-être jusqu'à la moelle. Elle l'avait mérité.

— D'accord alors. Je sors avec toi.

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