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Une rivière traversait la ville.

Sur l’un des nombreux barrages, guettant les anguilles qui remontaient le courant, un héron aimait à se poser. Malgré la force de la rivière qui formait avec fracas un mur d’eau, les écluses avaient beaucoup de charme.

Les habitants nommaient faubourg des maisons en tuffeau bâties sur la rive gauche; la ville haute, dont un château avait disparu dans les tourments de la Révolution française, devait sa richesse au lin dont l’industrie prospérait: de riches propriétaires édifièrent de nombreux hôtels particuliers. Les attendaient une dizaine de commerces sur la rue principale, laquelle menait par ailleurs à la place du pilori où furent soumis à l’opprobre publique des malfrats que l’on avait auparavant condamnés au tribunal, érigé face à l’hôtel de ville; d’autres marchands exposaient à la vente quincailleries, corsets et bonnets...

Sonnaient les bonnes et les mauvaises heures de tous. Au sein d’un couvent, des religieuses priaient et faisaient la classe à des enfants qu’on leur confiait; des abbés enseignaient aux plus âgés dans une autre institution chrétienne où tintaient les cloches d’une chapelle – surmontée d’un dôme, une seconde recevait les psaumes des patients de l’hôpital construit à la fin du dix-neuvième siècle –.

Sur la même rive, les bains-douches ouvraient leurs portes.

Un jardin municipal faisait ailleurs le bonheur des enfants, accueillis par des chèvres, et, à quelques pas de leurs jeux, une fontaine baptisait les vers d’un poète natif. La ville s’animait avec les foires de bétail; des fermiers vendaient même les fruits de l’élevage et de la culture deux fois par semaine.

L’équilibre de la cité était sur le point de vivre des heures sombres; la gare en conserverait la dramaturgie...

Ouvrons ensemble les cartons noirs d’un journal de province que maintiennent dans l’ombre de minces fils blancs puis, sans même un gant, tournons délicatement les pages de papier fin que nous remet une employée de ses gestes confiants.

Les feuilles jaunies bruissent sous nos doigts.

Un bref instant, témoins d’une vie passée arrachée à l’oubli, elles se révèlent à la lumière de nos connaissances puis heurtent l’obscurité de notre ignorance.

D’un côté, l’encre; de l’autre le sang...

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