chapitre 14 - Jay

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Je me prends la tête dans les mains. Je ne suis pas certain de réaliser ce que j'ai fait ! J'ai cédé à un putain d'instinct primitif. Je regarde Éva endormie. Elle est magnifique... Ses longs cils noirs reposent sur ses joues à la peau délicate. Ses lèvres sont entrouvertes, laissant échapper un léger souffle. Ai-je déjà passé une seconde à rester regarder une fille dormir dans mon pieux ? La réponse est immédiate : jamais. Mais aucune n'était Eva.

Je me suis mis dans une merde pas possible. Je suis un grand connard. Comment j'ai pu profiter ainsi de la situation ? J'aurais dû maintenir une distance entre nous. Elle venait de subir un choc éprouvant, elle était fragile, et moi ? J'ai cédé à mes pulsions, sans aucun état d'âme et, je crois bien que j'aurai été incapable de faire autrement. Même si on me proposait de recommencer cette foutue soirée. Je ferai strictement la même chose.

La raison me dit qu'il faudrait que je parte, que je m'éloigne d'elle avant que ça ne dérape de nouveau. Je suis dingue de son corps. Lui faire l'amour est comme une renaissance. Une première fois. Je me suis délecté de chaque parcelle de sa peau.

Eva m'a toujours captivée. C'était mon premier fantasme. La première fille qui m'a fait bandé. Elle était comme un mythe. Coucher avec elle a été une grave erreur.

Pour l'instant, j'ai un autre problème de taille à régler. Trouver le malade qui harcèle Eva. Je dois la mettre en sécurité.

J'imagine deux minutes ce qui se passe dans la tête de ce taré. Il doit prendre plaisir à lui faire peur, à la surveiller, à épier chacun de ses faits et gestes, planqués dans un coin. Peut-être même qu'il la connait, qu'il la côtoie régulièrement, comme un voisin, un collègue... Il faut que je décortique sa vie privée, il n'y a que comme ça que je pourrais le démasquer, en rencontrant les gens qu'elle voit au quotidien. Le genre de tête qu'Éva serait incapable de démasquer, elle est beaucoup trop gentille pour voir la perversion des autres.

Un bruit au fond de la pièce m'apprend qu'Éva est réveillée. Elle apparaît dans un peignoir en soie qui cache à peine ses courbes parfaites et me rejoint dans la cuisine. Un silence gênant s'installe alors que je lui verse une tasse de café.

- Éva, commencé-je maladroitement, je voulais te dire pour hier soir, je suis vraiment...

- Je n'ai vraiment pas envie d'en parler, Jay, me coupe-t-elle rapidement en baissant les yeux.

je reste planté là comme un con. Elle a raison. Qu'est ce qu'il y a à dire ? Que je ne voulais pas profiter de la situation ? Que je regrette ce qui c'est passé ? Encore moins... chaque minute me rend un peu plus accro à elle, et ça, c'est hors de question. Je ne veux pas lui faire de mal. Jamais.

- Je suis désolé, mouton, dis-je en caressant une boucle de cheveux sur sa joue.

Elle lève les yeux brillants vers moi, et secoue doucement la tête.

- Ainsi, je redeviens mouton pour toi. Je.., elle hésite un moment puis se reprend, on en reste là, ok ?

Sa voix est douce quoique tremblante. Je déteste la voir ainsi, j'aurai préféré qu'elle m'insulte, qu'elle me frappe pour ce que j'ai fait, hier soir. Elle a raison. C'était Eva qui était au pieu avec moi, j'ai crié son prénom quand sa langue me torturait, qu'elle m'avalait, me léchait. Je frémis et ferme les yeux. Pourquoi j'ai mal comme ça, une poigne qui me tord le ventre. Je me dis que simplement je n'aime pas la voir souffrir, ça a toujours été ça. Eva, elle est spéciale, mais il n'y a rien de plus.

- Je ne suis pas ton genre de toute façon. Nous deux, c'est impossible, on est trop différent.

Je suis complètement maladroit, mais je ne saurais pas mieux le dire. Eva et moi, ça ne pourra jamais coller, c'est juste physique. Pour l'instant, ses yeux verts flambent d’un feu meurtrier comme si je lui avais balancé la pire des insultes.

- Toi ? Mon genre de mec ? répond-elle sur un ton amer. Ouais, tu as un corps musclé, tu es monté comme un étalon. Et j'avoue que jamais je n'ai eu autant d'orgasmes de ma vie. C'était une bonne expérience, mais sans plus. Je cherche plus qu'une bonne bite. Je veux un cœur qui sait aimer, partager. Un cœur qui m'appartiendra complètement, ajoute-t-elle plus faiblement.

Wouah... je ne suis qu'une bite. Dans la bouche d'une autre fille, je l'aurai pris comme un compliment, après tout c'est tout ce que je cherche avec les filles. Mais là, venant d'Eva c'est comme un uppercut qui vient se rajouter à la douleur sourde qui grondait en moi, mais je ne bronche pas. Je l'ai mérité.

Sans un mot de plus, elle tourne les talons pour aller dans la salle de bain pour y sortir vingt minutes plus tard, habillée. Elle prend son sac et claque la porte dans un regard vers moi.

Outch ! L'ambiance s'annonce glaciale !

Je n'oublie pas ce que je m'étais promis : découvrir qui lui veut du mal.

J'attends quelques minutes avant de sortir à mon tour. Je l'observe au loin sur le chemin de son boulot. Rapidement un mec l'intercepte, un grand garçon brun aux sourires charmeur. C’est clair que ce mec a des vues sur Éva, il la dévore du regard. A la façon dont elle sourit à ses blagues, j'ai l'impression qu'ils se connaissent depuis longtemps. Comment cela se fait-il que je n'ai jamais entendu parler de ce type ? Ils marchent côte à côte, et entrent ensemble à son boulot.

Je poireaute dans les environs jusqu'à sa pause déjeuner. Elle sort avec le même mec. Je l'aime pas ce type. J'ai rarement des pressentiments, mais mon instinct me trompe rarement. Et ce gars, je ne le sens pas. Sa façon de la regarder, de lui prendre le bras, c'est clair qu'il en veut plus, mais Eva ne voit rien dans son petit jeu. T'es jaloux mec, me souffle une petite voix.

Non, je veux prendre soin d’Éva, car c'est la petite sœur de Q. C'est juste ça.

Je les observe un moment et j'en suis arrivé à une seule conclusion : je ne sens pas ce mec, comme tu ne sentais pas son ex Luc, me souffle la même petite voix. Je ne suis pas capable de réfléchir correctement. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Éva rejette ses longs cheveux bruns frisés en arrière. Cette fille est si exotique avec ses yeux verts et sa chevelure métissée, pourquoi attache-t-elle toujours ses cheveux ? Pourquoi n'est-elle pas aussi à l'aise quand elle est avec moi ? Elle connaît à peine ce type, ce collègue de boulot et pourtant elle semble lui faire confiance. Énervé, je rentre à l'appartement attendant Éva de pied ferme. Quand finalement la porte claque, le bruit de ses clés qu'elle dépose sur le petit guéridon de l'entrée, je suis resté assis tout ce temps sur le canapé à réfléchir. Il me faut des réponses.

- Tu rentres tard.

- Et alors ?

- Ce mec ? Tu as l'air de bien le connaître.

- De quel mec parles-tu ?

Elle me regarde quelques minutes avant de comprendre. Son regard me mitraille littéralement.

- J’hallucine ou tu m’as espionnée !

OK, elle va me tuer, c'est clair.

- Je m’inquiète pour toi, Éva. Il y a un détraqué qui te flique ! Que serait-il arrivé si je n'étais pas rentré à temps, hier soir ?

- Et bien, ce n'est pas Elio. je peux t'assurer qu’il est inoffensif. Je travaille au labo depuis que je suis arrivée. Je le connais.

Je me retiens de la secouer comme un prunier pour lui faire entendre raison.

- Ce mec te mate comme un steak ! Ouvre les yeux !

Elle secoue la tête, les lèvres pincées. Je rêve ou c’est moi qui passe pour un fou furieux ?

- Ne dit pas n’importe quoi !

Je me lève, énervé. Elle est fâchée contre moi, et ne veut plus rien entendre. Ça ne sert à rien de rester ici ce soir, à part la tentation beaucoup trop provocante qu’est le petit bout de fureur en face de moi. J’adore quand elle me tient tête, je crois que c’est ce que je préfère chez elle, même si là, ça m’agace profondément.

Je me saisis de ma veste quand Eva me retient le bras.

- Tu vas où ?

- Je t'offre enfin ce que tu veux, te débarrasser de moi.

- Tu vas où ? Reste !

Je lève un sourcil étonné en sa direction.

- T'inquiète pas pour moi, mouton. Je vais trouver un endroit où dormir.

Elle pince les lèvres, et je me rends compte du double sens de ma phrase. Je ne veux pas qu’elle pense que je vais dans le lit d’une autre. Je lui caresse légèrement la joue en murmurant.

- Je vais chez Marcus.

- Reste avec moi s'il te plaît. Je ne me sens pas de rester toute seule dans l’appartement..

Elle enfonce ses dents blanches dans sa lèvre inférieure et me regarde les yeux tremblants.

- Viens là, dis-je en l'embrassant dans mes bras.

Je pose mon menton sur le sommet de son crâne. Elle a l'air si fragile dans mes bras.

- Ne me laisse pas, murmure-t-elle

Jamais…

Mais le mot ne franchit pas mes lèvres. Je suis juste un trouillard.

- Je vais prendre une douche, dit-elle en reniflant bruyamment et en se détachant de moi.

Je la regarde s'éloigner sans vraiment comprendre les sentiments qui m’envahissent. Besoin de la protéger. Besoin d’être avec elle. Besoin de la sentir avec moi, contre moi et plus encore…

Merde…

Il faut que je m'éloigne d'elle. Éva sort quelques minutes plus tard en pyjama, un jogging rose pâle et un t-shirt blanc qui épouse parfaitement ses formes rondes. J’en ai vu des filles à moitié à poil, mais chez Eva, il n’y a pas de volonté de me séduire. Elle ne cherche rien de moi, à part que je sois là. La popularité du Basket, elle s’en fout. Profiter de nos corps, oui, mais ce n’est pas que sexuel. J’ai du mal à l’admettre, mais on n’a pas baisé, c’était tendre, excitant, sensuel, et… un je ne sais quoi.

Repenser à tout ça pourrait presque me faire bander, mais voir Eva dans cet état me tue.

Elle se glisse dans le lit, son silence me tord le ventre. J'aimerais aller vers elle, mais je n'ose pas. Ce n'est pas ma place. Je me retourne pour retrouver le canapé et un froissement de draps m’apprend qu’Éva s'est redressée. Son regard me transperce le dos, mais je m’interdis de me retourner. Je ne pourrai pas affronter ses prunelles azur, alors l'air de rien je continue.

En quelques pas, je suis près du canapé. Je fais basculer mon t-shirt par-dessus la tête et le lance en boule devant moi, puis je défais la boucle de ma ceinture et fais sauter un à un les boutons de mon jean. Aucun bruit de draps. Eva n’a pas bougé. Son regard me brûle la nuque. Je sens qu’elle me regarde.

Je souffle lentement. La température de la pièce monte d'un cran alors que je fais glisser le tissu le long de mes jambes. Heureusement, je suis toujours de dos à Éva, sinon elle verrait la gaule monstrueuse que j'ai. Un geste de ma part ou de la sienne, et tout pourrait basculer.

Je me glisse sur le canapé et garde les yeux ouverts. Les draps se froissent à quelques mètres de moi. Elle s'est recouchée. Mon corps se crispe de frustration. Je passe ma nuit à me tourner, cherchant le sommeil, et ne parviens à le trouver qu’à l’aube. Quand je me lève, Éva n'est plus là.

Après ma douche, je m'habille et me dirige vers son taff. Un dérangé est toujours après elle. Onze heures trente, elle sort toujours avec le même mec. Cette fois, je décide d'aller lui dire deux mots. Je m'approche d’eux et remarque tout de suite le geste possessif qu’il a envers elle. Sa main droite s’est posée sur ses épaules.

Je vois rouge. De quel droit la touche-t-il ainsi ?

Je vais le défoncer. Elle est fragile et il veut profiter d'elle. En quelques pas, je suis à côté d'eux, je peux lire la surprise dans les yeux d'Éva, sa bouche s'ouvre et se referme aussitôt.

J’adresse mon plus beau sourire à Eva, puis me tourne vers ce connard qui a toujours un contact sur elle, et me contente de lui adresser un signe de tête, alors que mon démon intérieur ne demande qu’à exploser la tête de ce con contre le mur.

- Je suis Jay. Tu es ?

- C'est ton copain ? Demande la tête de nœud à Eva en enlevant son bras de ses épaules, l’air un peu embarrassé.

Mon sourire s'élargit, il commence à comprendre le mec.

- Que fais-tu là ? demande Éva sur un ton suspicieux.

- Je voulais qu'on s'explique, je t'invite à manger.

Elle ne répond pas et se pince les lèvres, hésitante.

- On a prévu de manger ensemble, argue la tête de con à côté de nous.

- Quelqu'un t'a posé une question ? Non, réponds-je à sa place. Va déjeuner, mec ! Je crois bien que t’as la dalle.

- On voulait essayer le japonais du coin. Alors c'est toi qui va...

- Je te dis que tu as la dalle et que tu vas te casser, ok ? Articulé-je lentement.

- Jay, s'interpose Éva en fronçant les sourcils. Je t'interdis de parler ainsi à Elio !

- Tu ne m’interdis rien du tout et ce guignol va se barrer dans la minute, crois-moi.

- Tu ne m'impressionnes pas, dit son copain en bombant le torse.

Je souris, car j'ai hâte d'aplatir sa tête de con sur le sol.

- Elio, interpelle Éva d'une voix calme. Jay est un ami d'enfance, on a juste besoin de discuter un peu. Je reviendrai à 14h00 comme promis.

- Et le japonais qu’on devait tester ? ajoute-t-il d'une voix boudeuse.

Je me retiens à peine de ne pas lui mettre une droite. Ce type m'énerve. Tu sais où tu vas te le mettre ton japonais ?

- On te laisse le tester, hein ? dis-je non sans une pointe d'humour dans la voix et tourne de suite les talons en embarquant Éva par le bras.

Je nous éloigne en grande enjambée de ce connard de première. Je ne supporte pas de la voir avec ce genre de type si imbu d'eux-mêmes.

On marche côte à côte, mais le déjeuner s'annonce assez mal, Éva a décidé de me faire la tête. Ses dents blanches sont enfoncées dans sa lèvre inférieure. Décidée à ne pas piper mot. Je t'adore mouton quand tu es en rogne contre moi.

- Ça fait longtemps que tu fréquentes l'autre crétin ?

- C'est un ami Jay et tu n'es pas mon père, je fais ce que je veux, ok ?

- Sauf quand un malade rentre chez toi et te harcèle.

- Ce n’est pas Elio ! hache-t-elle en colère. Il ne fera pas de mal à une mouche.

- Ouais, il a quand même le profil d'un mec perturbé.

- n'importe quoi, souffle Éva en levant les yeux au ciel. Il suffit d’avoir un peu de QI et tout de suite on est bizarre.

Je ne soulève pas la remarque et passe mon bras autour de ses épaules pour l'attirer contre moi. Avec ravissement, je constate qu’elle ne dit rien. Mouton a toujours adoré que je la touche.

- On se fait une pizza ?

- Je suis au régime.

- Ne dis pas tes bêtises, je t’ai bien maté le cul et il est parfait.

Elle me balance un poing dans l’épaule, mais ne fait qu’augmenter la tension entre nos deux corps. J’adore aussi quand le mouton me touche…

- L'autre gland ne sait pas que tu n'aimes pas le poisson cru ?

- Arrête de l'insulter s'il te plaît.

- Wouah et tu le défends ! parce que tu aimes le poisson cru maintenant ?

- J'aurais pu essayer une nouvelle fois aujourd'hui, mais un crétin m'en a empêché...

- Touché ! réponds-je en riant.

Elle m'adresse un de ces regards en biais qui font briller ses yeux verts, je ne peux m'empêcher d'admirer la courbure délicate de sa mâchoire, remonter jusqu'à l'arrondi de sa joue en évitant de croiser son regard. Il vaut mieux limiter les contacts visuels, ça a toujours été son arme la plus infaillible. Déjà petite, elle l'utilisait contre son père, puis son frère et enfin vers moi. Sauf que pour moi ce n'était pas les mêmes sentiments qui me poussaient à faire ce qu'elle voulait.

Sait-elle l'effet qu'elle a sur la gent masculine ? Bon sang, aucun doute. Éva aurait pu être là coqueluche du lycée, mais au lieu de ça elle se contentait de s'enfermer à la bibliothèque, le nez plongé dans ses bouquins de sciences comme si elle voulait se cacher des autres ou essayer de compenser une tare. Complètement stupide quand on voit les regards des mecs qui ne décrochent pas de son petit postérieur. Je rigolais pas, elle a un cul d’enfer.

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