8  - Une pilule difficile à avaler 2/3

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Quand nous arrivâmes au monastère, je pus constater l’influence d’Eorelle sur tous les religieux présents. Elle était considérée comme une personnalité importante et tout le monde se montrait obséquieux devant elle et elle faisait comme si de rien n’était.

Lorsque nous parvînmes à la chambre de grand-père, il semblait dans un état bien meilleur que dans celui où je l’avais laissé. Je lui trouvai un teint plus rose. Il revenait de sa promenade avec Éléonore et elle était assise à son chevet, lui faisant la lecture. Nous nous saluâmes chaleureusement.

— Oh ! Éléonore… C’est toi la fameuse amie de Margaux ! On se connaît déjà un peu grâce aux cours de botanique. Je suis heureuse que tu t’occupes de Bernard, c’est un grand ami.

— C’est Avec plaisir Sarah ! Je connais Monsieur Maillard quasiment depuis le berceau, alors c’est normal !

Eorelle tendit les mains à mon amie qui les saisit.

— Les amis de Margaux et Bernard sont mes amis. Soit la bienvenue dans le cercle restreint des gens que j’apprécie.

Les joues d’Éléonore s’empourprèrent.

— Merci pour votre considération Sarah.

J’avoue que je me sentis un peu jalouse. Je chassai rapidement ce mauvais sentiment, sachant au fond de moi qu’il était parfaitement injustifié : Eorelle avait le droit d’avoir des amis autres que moi.

Qu’elle considère désormais Éléonore comme une amie était de surcroit un bienfait qui renforcerait notre complicité à toutes les trois. C’était aussi, je m’en rendis compte, un honneur qu’elle me faisait : « Les amis de Margaux et Bernard ».

— Bernard, fit-elle, j’aimerais t’examiner. Pouvez-vous sortir un instant, les filles, s’il vous plaît ?

Nous sortîmes dans le couloir, les injonctions médicales sont sans appel. Nous ne perdîmes pas de temps et parlâmes un peu en attendant.

— Pendant la promenade, j’ai trouvé ton grand-père en bien meilleure forme. Ce matin, il a pris un vrai petit-déjeuner et à midi, il a même mangé un peu de purée.

— C’est des nouvelles encourageantes que tu m’annonces là ! Je m’en étais un peu aperçue en arrivant. Tu sais, j’avais déjà remarqué une amélioration lors de notre venue ici hier soir.

— Et j’ai une autre bonne nouvelle, mais pour moi cette fois-ci. j’ai parlé à la grande prêtresse de ton idée pour sauver la chèvrerie, elle semble favorable au projet. Il faut juste qu’elle en discute les modalités avec ma mère.

Éléonore était radieuse.

— Comme quoi ; il suffit parfois de demander pour obtenir. Je suis super contente pour toi !

— Et vos amours, où en êtes-vous ?

À ce moment, la porte s’ouvrit et Eorelle apparut dans l’embrasure.

— Tout va bien ! Vous pouvez entrer, les filles.

Elle affirma :

— Je dois vous dire quelque chose à tous les trois. Il n’y a aucun signe de cancer chez Bernard. Et croyez-moi, je les reconnais à l’odeur.

Nous tombâmes tous des nues. Ce que nous venions d’entendre nous laissa pantois.

— Tu en es sûre, lui dis-je ? Tu peux le savoir rien qu’à l’odeur ?

Je regrettai presque ma phrase. Comment s’étonner qu’une femme si exceptionnelle puisse avoir encore tant de talents cachés ?

Elle posa sa main sur mon épaule.

— Tu sais qui je suis, ou à peu près, alors ne doute pas. Tout te sera expliqué au fur et à mesure.

Elle se tourna vers mon grand-père :

— Je peux déjà t’annoncer que tu vas rapidement aller beaucoup mieux. Je vais te prescrire d’autres remèdes qui s’adapteront mieux à ton état.

— Tu pourrais me dire qui t’a diagnostiqué ? m’enquis-je.

— Un médecin de Brivorest à l’hôpital. Je ne sais plus son nom.

Elle continua l’interrogatoire :

— Tu prends des médicaments ?

— Pas ce matin. Je me sens beaucoup mieux et comme ce sont des antalgiques et que je ne souffre pas pour l’instant, je n’en ai pas pris.

Il lui tendit quelques boîtes de comprimés, elle commença à lire la composition de chacun. Elle affirma que la plupart étaient des calmants ou des anti-douleurs. Cependant l’un d’eux attira son attention, elle sortit une pilule de son cluster, la sentit, puis la goûta.

— Arsenic ! On cherche à t’empoisonner, lentement, mais sûrement. Mais c’est étrange, car ces doses légères ne pourraient pas tuer quelqu’un, seulement affaiblir. Peut-être pour te mettre dans un état de vulnérabilité. Mais je ne vois pas pourquoi. Il y a autre chose.

J’intervins :

— Il vient d’où ce médicament, Grand-Papa ?

— Du médecin de l’hôpital, il en avait plein dans un grand tiroir d’une armoire derrière son bureau. Le salaud !

— Tu es sûr que tu ne te souviens pas de son nom ? insistais-je.

— L’ordonnance doit être dans mon tiroir à la maison, Margaux, son nom est forcément dessus.

— Mais c’est une tentative de meurtre ! s’exclama Éléonore. Ce type doit payer pour son crime. Que fait-on ? On appelle la gendarmerie ?

La pauvre se tenait la tête entre les mains et ne savait pas quoi faire. Eorelle, en bonne capitaine de l’unité qui venait de se créer informellement, prit la parole :

— Il va falloir tirer ça au clair, en commençant par enquêter sur ce médecin. Tu veux t’en charger, Margaux ?

Je me dressai fièrement, au garde à vous, à moitié goguenarde :

— Soldate Margaux, toujours prête, mon capitaine !

Mes pitreries détendirent un peu l’atmosphère. Eorelle reprit plus sérieusement :

— Éléonore, quel rôle pourrais-je te confier ? En tant qu’initiée, tu devrais être capable de détecter les interventions magiques, non ?

Éléonore n’avait pas vraiment l’air sûre d’elle :

— Je peux essayer… je n’ai jamais vraiment été confrontée à cela pour de vrai.

— J’aimerais savoir si quelqu’un n’a pas essayé d’attenter à la santé de Bernard en utilisant une magie, d’une manière ou d’une autre.

— Il faut donc faire une analyse rétrospective ? Ça va être difficile ! Et pourquoi ne préviendrait-on pas la gendarmerie ?

Eorelle hésita, puis secoua la tête.

— Nous ferons appel à eux quand nous aurons des preuves tangibles. Ils ne croient pas à l’occulte et vont rire si on leur demande de but en blanc d’analyser ces cachets. Et si je leur dit qu j’ai détecté tout ça à l’odeur, tu imagines leurs tête ?

— Et moi alors ? demanda mon grand-père.

— Tu te reposes, répondîmes-nous toutes en chœur.

Cela déclencha une hilarité de bon aloi. Mais ce moment ne dura pas, nous étions accablés.

Nous échangeâmes tous les quatre un regard, les filles et moi eûmes besoin de nous asseoir. Heureusement il y avait siège pour chacune. Je rapprochai le mien du lit de Grand-Papa et lui pris la main, sans rien dire. Mon grand-père et Éléonore semblaient dépassés par les événements. Eorelle et moi, l’esprit beaucoup plus méthodique, cherchions des explications, des solutions.

Avant de nous séparer, je m’enquis du bureau dans lequel Grand-Papa s’était rendu à l’hôpital. Il se remémorait précisément le numéro de la salle, C407, car il avait eu des difficultés à la trouver. Il me donna la clef de son tiroir et me demanda de lui en rapporter tout le contenu. C’étaient ses affaires personnelles, ses souvenirs, et il entendait bien les conserver auprès de lui.

Quittant le monastère, je suivis Eorelle dans le bois. Nous étions toujours plongées dans nos pensées respectives. Je lui tendis une main qu’elle saisit avec douceur, et nous marchâmes ainsi. J’avais besoin de ce réconfort de la part de celle que j’aimais, de me sentir et soutenue.

Sa main dans la mienne m’apportait tout cela. Nous empruntâmes le même chemin que pour l’aller et lorsque nous arrivâmes au croisement qui annonçait notre séparation, je la pris dans mes bras et la serrai un instant, puis je la regardai droit dans les yeux. Elle me transmit son sentiment de réconfort. Après une bise, nous prîmes chacune le chemin du retour.

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