Ah... L'inquisition...

Ses joies... Ses peines…

C'est avec un plaisir non dissimulé que vous vous replongez dans ce qui a fait sa noire réputation. Injustices humaines sous couvert de justice divine ; évêques austères, drapés de noir, effrayant les bonnes gens ; tortures, en veux-tu, en voilà ; imprécations, fouets, buchers, questions.

C'est simple, la pauvre Marika n'en peut plus. Elle suffoque en voyant ces images sombres, questionne même l'état de la nation, ici aussi, à Salem, on brulait. De nos jours, encore, le Klu Klux Klan, dit-on, sévit. Enfin... Elle ne le dit pas - qu'elle craint sorcellerie et le KKK - mais vous le comprenez à ses airs concentrés. D'ailleurs, pour masquer son appréhension, elle fait mine de s'intéresser à ce Prinn du quinzième siècle.

— Mais pourquoi est-il encore question de Ludvig Prinn près de trois-cent ans après les croisades ?

Vous trouvez ça très drôle. Limite mignon.

— Les recueils sont truffés d'erreurs et d'anachronismes, ils sont même imprégnés des croyances de l'époque, temporisez-vous. Il s'agit peut-être d'un simple homonyme ! Il suffit de multiplier les sources pour mettre fin au doute !

— Justement ! triomphe-t-elle, quatre sources le confirment. Mot pour mot, ils disent que le Prinn capturé durant la croisade est le même que celui qu'on a brulé sur le bucher de l'inquisition. Il aurait vécu un peu plus de trois-cent ans !

Vous trouvez cela encore plus mignon. La voir s'emporter comme ça, comme ces féministes cherchant à canoniser Jeanne d'Arc. Tout fait eau à leur moulin. Enfin... tout sauf la science ! La vraie, la dure ! Celle qui vainc les ténèbres !

— Concordance n'est point vérité, la corrigez-vous.

Ces slaves et leurs baba yagas... Ça vous fait rire. Cette Marika est si attendrissante avec sa quête de vérité historique. Si charmante. Si belle aussi...

— Si si, je pense ! Il faut chercher encore !

Oui, encore et encore.

Ça pourrait même durer toujours...

Pourtant :

— La bibliothèque va fermer ! assénez-vous comme bémol.

— Mais, il n'est que midi !

— Le temps passe vite, hein ? ponctuez-vous d'un clin d'œil, définitivement à l'aise. On penserait qu'on est le soir ! (Elle grommèle) Hm... Justement, il est midi. Et à midi, la bibliothèque Miskatonic ferme, jusque 01h30 PM.

— Et pour quelle raison, je vous prie ?

— Privilège de la gardienne des lieux, j'imagine. Pendant ce temps, elle mange et range, mais nous sommes nombreux à penser qu'elle organise des messes noires ! ricanez-vous, content de ce trait d'humour très à propos.

— Je n'ai pas ce genre de temps à perdre, moi ! claque-t-elle, très bas. Cachons-nous ! On poursuivra les recherches pendant qu'elle déjeune !

On dit que quand quelqu'un est choqué, son cœur saute un battement. Le vôtre viens d'en sauter quatre. Vous regardez Marika, pantelant. Prompt à mourir de stress. La jeune femme vous soutien, comme une infirmière soutien un pauvre vieillard. Enfreindre une règle ? Est-elle folle ? Est-ce son sang russe qui parle ? A ce qu'il parait, ces gens sont sans foi ni loi (surtout Staline) ! Ont-ils seulement des bibliothèques publiques dans leurs steppes ? Des universités dans leurs déserts ? des forces de l'ordre dans leurs sous-bois ? Des lois ?

Vous défaillez. Pourtant, ses yeux le disent : elle est sérieuse. Elle craint peut-être les sorcières, mais en aucun cas les bibliothécaires - qui sont pourtant bien pires !

Bon... Alors, qu'allez-vous faire ? Sauter quelques battements de plus en campant secrètement dans les allées ? Dans ce cas, allez à vos risques et périls au 35

Billevesées ruskov ! Vous n'en écoutez rien, cette fille est insensée ! Vous sortez gentiment, comme un bon élève (que vous êtes) et allez promptement manger un résidu de sandwich à la cafétéria du campus en vous rendant au 25