Une perle

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12 avril, Reppe, Belgique, Europe.

— Je crois que j'ai trouvé une idée ! déclara Felicia en dévalant les escaliers au petit matin.

Comme à chaque fois que la fièvre créative s'emparait d'elle, elle avait passée la nuit debout à écrire une chanson, un main sur sa guitare, l'autre tenant un crayon. Et elle croyait enfin être parvenue à quelque chose.

Son exclamation tomba dans le vide. Il n'y avait personne de levé. Après tout, c'était samedi matin et Cecil leur avait donné leur journée de libre après celle épuisante de la veille. Et puis, aucune des filles n'avait oublié qu'aujourd'hui était Pâques et que ce bon vieux Cecil attendait n'importe quelle occasion pour reconquérir son mari qui l'avait quitté trois mois plutôt. Il leur avait donc accordé une journée de congés. À vrai dire, ici, dans la maison de Reppe, uniquement Felicia et Honor fêtaient Pâques, ainsi que Margzetta lorsqu'elle était là – ce qui n'arrivait jamais aux alentours d'une fête religieuse. Ekaterina était orthodoxe non-pratiquante, Blake fermement athée depuis le divorce de ses parents et la religion de Sun Mei n'avait jamais été évoquée depuis sa conversion au christianisme pour son mariage avec Maisie.

Felicia avait quelques projets pour la journée. Premièrement, appeler sa grand-mère. Suite au décès de ses parents, c'était Françoise Dorothea – ou Oma, comme elle l'appelait – qui l'avait élevée d'abord dans sa maison en Allemagne puis, depuis sa retraite, dans l'ancienne ferme française dont elle avait hérité de feu son époux. Ceci fait, Felicia avait prévu de cacher quelques œufs pour Honor dans le jardin.

Felicia se dépêcha d'ouvrir les volets du salon pour illuminer la pièce principale. Le chant des mésanges charbonnières emplit l'espace autour d'elle. Il faisait frais dehors. Felicia referma la fenêtre en frissonnant. Elle enfila rapidement un gilet qui traînait sur le canapé. Il appartenait à Margzetta et paraissait deux tailles trop grand pour elle.

S'asseyant sur un fauteuil, elle replia ses pieds froids sous elle pour les réchauffer. Puis, a cappella, elle s'essaya la voix sur les paroles écrites dans la nuit.

A raintear on a cheek of cry

    To dry of the blue fakes creed

    This is what the crowd need
    To say at the crown goodbye

Les sons qui sortait de sa gorge, rauques, délicieusement mélodieux, puissants et libres firent taire les oiseaux à l'extérieur de la maison. Tous écoutaient son chant résonner au loin.

Plongée dans ses mots et ses notes de musique, elle n'entendit pas les pas d'Honor qui, encore à moitié endormie, descendait dans la cuisine se préparer un premier café. Mais la jeune anglaise l'avait entendue. Oubliant momentanément cette dose de caféine quotidienne qui l’obnubilait d'habitude, elle se dirigea à pas de velours vers le salon où, lui tournant le dos, Felicia chantonnait.

But us, you're princess statue

    We owe much more to heaven than just a shower

En haut du palier, Blake s'était assise sur la plus haute marche pour écouter la voix de Felicia monter jusqu'à l'étage. Elle appuya sa tête contre la rambarde et laissa ses oreilles vagabonder vers le salon.

An hurrican will not be able honour

    The hapiness to be among you

Les yeux encore clos par le sommeil, Sun Mei ouvrit la porte de sa chambre. Elle avait toujours eu les matins difficiles. C'était encore plus dur quand il n'y avait pas Maisie pour la booster.

— Bon sang, c'est quoi ce bruit... grinça-t-elle entre ses dents, prête à en découdre avec la source de ce vacarme.

What is this feel wich choke my bust ?

    Nostalgia of us, of our universe.

Un doigt sur la bouche, Blake intima à Sun Mei de se taire. Celle-ci obéit et, dans la minute suivante, s'installa aux côtés de son amie. Même dans son pyjama, elle paraissait élégante.

Oh, how I long to revisit those this summer

    But you must have a wish like me in first :

    You, me, two months and curtain !

Blake déposa la tête sur l'épaule de Sun Mei et ferma les yeux.

Encore allongée dans son lit, Ekaterina était en appel vidéo avec sa sœur.

— Joyeux anniversaire Oksana !

Celle-ci rigola en levant les yeux au ciel.

— Tu me l'as déjà dit trois fois aujourd'hui, et avec autant de manières différentes !

— C'est qu'on n'a pas vingt-cinq ans tous les jours, répondit calmement Ekaterina en écartant les couverture.

Le téléphone reposant en équilibre sur une étagère du placard, la jeune femme entreprit de fouiller dans ses affaires. Elle dénicha un t-shirt large à l'effigie d'un groupe sud-coréen qu'elle avait écouté lorsqu'elle était petite et qu'elle avait eu la chance de rencontrer trois ans en arrière : des gars forts sympathiques avec qui une collaboration pour un prochain single serait très agréable. Elle retira son haut de pyjama en le faisant passer par sa tête, libérant sa chevelure emmêlée d'un coup de tête vers l'arrière.

— Euh... Ekaterina, tu devrais peut-être enfiler quelque chose rapidement. Il y a Tessy à côté de moi.

Elle sursauta et attrapa le premier bout de tissu à portée de main, à savoir une chaussette à pois jaunes dépareillée. Pas très efficace pour cacher un buste entier. Elle réussit enfin à enfiler son soutien-gorge et son t-shirt avant de se tourner à nouveau vers son téléphone. Sur l'écran, Tessy se cachait sagement les yeux à l'aide des mains de sa fiancée. Oksana lui libéra lentement le regard mais il garda ses yeux noirs fermement clos.

— Quel prude ! C'est bon, Tessy, ouvre les yeux. Elle s'est habillée.

— Si vous voulez bien m'excusez mesdemoiselles, je ne voudrais pas commettre une bavure, alors je vais m'occuper du petit déjeuner de ma princesse.

Les paupières toujours fermées, Tessema embrassa la main d'Oksana et s'échappa du champ de la caméra.

— Dis donc, tu es tombée sur une perle !

À l'instant où Oksana s'apprêtait à répondre, des applaudissements résonnèrent dans toute la maison. On aurait dit l'issue d'un concert privé devant quelques fans privilégiés. Mais là, Ekaterina reconnut les voix de ses amies qui acclamait à s'en briser la voix.

Elle sortit précipitamment de sa chambre, son téléphone dans la main.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Feli a écrit sa plus belle chanson, lui répondit Blake pour seule explication.

— Oksana ? Je te rappelle plus tard.

Et elle raccrocha, sans attendre la réponse de sa sœur.

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