Dans les coulisses d'Agnès V - Joli nom

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22 mai, Zinal, Suisse, Europe.

Blake porta son téléphone à son oreille. C'était leur troisième appel depuis que Target avait accepté. Chris, Chris, Chris... Il fallait qu'elle se souvienne de l'appeler par son prénom.

— Salut, Chris ! s'exclama-t-elle lorsqu'il décrocha. Comment ça va ?

— Bien, bien. Attend, deux minutes, s'il te plaît...

Un bruit étouffé parvint à Blake puis quelques paroles éloignées « Honey, tu veux bien jouer dans ta chambre, s'il te plaît ? ».

— Ça y est, je suis là, dit-il enfin.

— Je ne te dérange pas ? Je peux rappeler plus tard, si tu veux.

— Non, non, t'inquiète, Blake. C'est ma nièce.

Elle étouffa un bruit avant de se reprendre brutalement. Trop tard :  il l'avait entendue.

— Quoi ? demanda-t-il.

— C'est juste que je ne pensais pas que c'était vrai... La plupart du temps, les chanteurs racontent un peu n'importe quoi dans leurs hits. Donc, c'était vraiment une chanson confession.

— Tu parles d'Alive, j'imagine. Si c'est ce que tu demandes :  ouais, tout est vrai. Enfin, presque. J'ai pas de chat.

Ils laissèrent le silence envahir la ligne. Les minutes défilaient sur leurs téléphones mais les deux s'en fichaient. Ils avaient chacun assez d'argent pour vivre sans travailler jusqu'à la fin de leur vie – même si aucun des deux ne le faisait. Chris pensait à ce passé qui avait forgé qui il était, à sa nièce, à ses sœurs dont deux manquaient à l'appel... Blake se remémorait les paroles d'Alive, comprenant que tout ce qu'elle avait entendu baignait dans une profonde cuve de vérité.

— Comment elle s'appelle ? demanda Blake un peu trop brusquement.

— Hein ?

— Ta nièce, comment s'appelle-t-elle ?

Chris ne put s'empêcher de remarquer qu'elle avait une voix douce. Un peu comme une berceuse qu'il chantait à sa nièce lorsqu'elle n'arrivait pas à dormir. C'était agréable à entendre.

— Salomi Coral.

Blake hocha la tête et esquissa un sourire qu'il sentit.

— C'est joli, dit-elle seulement.

22 mai, NYC, New York, Usa, Amérique.

Posant son téléphone sur la table en verre devant lui, Chris ramassa les papiers étalés. Ils avaient bossé sur leur chanson durant deux heures. L'appel avait débuté à quinze heures pour se terminée à dix-sept heures. Il en avait presque oublié le décalage horaire et la fatigue que devait ressentir Blake. Car, si pour lui c'était l'après-midi, Blake, elle n'attendait qu'une chose : le sommeil.

Leurs paroles étaient presque complètes. Il avait l'intention de travailler sur la mélodie durant la fin d'après-midi. Mais en attendant, il avait autre chose à faire. Il se leva, repoussa sa chaise et monta l'escalier. La maison était immense : cinq chambres alors que seulement deux étaient utilisées, des couloirs à n'en plus finir et de gigantesques fenêtres illuminant le tout. Pour Chris et Salomi, tout cela était bien trop grand ; il en avait conscience. Mais, cette maison avait été celle d'un de ses réalisateurs préférés et il n'avait pas pu y résister en la voyant sur le marché. Maintenant, il était conscient que cet achat avait été une folie. On ne l'y reprendrait plus.

Il n'attendait plus qu'une raison de quitter New York pour mettre en vente cette maison. Big Apple était la ville où il avait grandi et vécu mais il ne voulait pas que ce soit là même chose pour Salomi. Il voulait le meilleur pour sa petite chérie. Elle était bien plus que sa nièce, pour lui. Elle était tout ce qu'il avait.

Il s'avança dans le couloir à sa droite. Le décor était très épuré : pas de cadres aux murs si ce n'était une photo de Salomi, l'afro détachée et le sourire enfantin. Chris adorait cette photo.

Il ouvrit doucement une porte et se glissa à l'intérieur. Il n'y avait pas un bruit. Il esquissa un sourire : Salomi s'était endormie. Roulée en boule sur son petit lit, elle sommeillait doucement. Dans son petit poing serré, son doudou lui tenait compagnie. Chris s'avança et ferma les rideaux : il ne voulait pas que la lumière de l'après-midi la sorte de sa sieste et glissa une couverture sur elle pour lui tenir chaud. Puis, il se pencha et déposa un baiser du bout des lèvres sur son front doux.

Salomi remua dans son sommeil. Elle marmonna quelques mots de sa voix endormie ui s'imprimèrent dans les oreilles de Chris au marqueur indélébile.

— Maman ? Maman, où es-tu ?

Chris s'assit sur le rebord du lit. Il laissa son regard vagabonder sur sa petite nièce. Sa main se posa d'elle-même sur la joue de Salomi ;  il la caressa doucement.

— Je trouverais quelqu'un pour être ta maman, honey. Je te le promets.

Il l'embrassa à nouveau – sur la joue cette fois-ci – puis quitta la chambre pour la laisser dormir. Lorsqu'elle se réveilla une demi-heure plus tard, il était dans la cuisine, lui préparant un goûter. Contrairement à la plupart – sinon la totalité – des personnes de sa connaissance ayant les moyens d'embaucher du personnel, il n'avait pas de cuisinière. Seule une femme de ménage et jardinier occasionnels passaient de temps à autre pour mettre un coup de neuf à la gigantesque baraque. Il préparait lui-même les repas de sa nièce, ou bien la nourrice de celle-ci le faisait lorsqu'il ne pouvait pas, mais cette maison était la sienne et personne d'autre que lui et Salomi n'y vivaient à temps plein.

Les petits yeux ensommeillés de la fillette étaient constellés de rêves. Des étoiles, pensa Chris en l'aidant à monter sur un des tabouret.

Daddy ? demanda-t-elle après avoir enfourné une bouchée de sa tartine à la confiture de fraise.

— Oui ?

— C'est qui la dame au téléphone ?

Elle parlait de Blake. Souvent, Salomi avait du mal à formuler des phrases complètes et compréhensibles. C'était encore plus dur devant des étrangers :  elle devenait muette, incapable de prononcer un mot. Il n'y avait qu'avec Chris qu'elle se sentait libre de dire tout ce qu'elle voulait.

— Une amie avec qui je vais faire une chanson.

— Comment elle s'appelle ?

— Blake.

Chris essuya une perle de sucre qui dégoulinait sur le menton de Salomi à l'aide d'une serviette en papier.

— C'est joli.

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