An American Week II - San Fransisco

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11 et 12 juin, San Fransisco, Californie, USA, Amérique.

Son taxi la déposa devant le Tamsin Hotel, célèbre pour ses spacieuses chambres individuelles. Ekaterina passa la soirée dans la sienne, à contempler la vue qui s'offrait à elle sans jamais y trouver quelque belle ressemblance avec celle que possédait l'appartement de sa sœur.

Le lendemain, à sept heures, après avoir enfilé son petit déjeuner constitué d'un croissant au beurre – Blake, si proche de ses fruits et légumes bios, en aurait fait un arrêt cardiaque si elle l'avait vu – et d'un verre de jus d'orange pressée. À dix heures, elle reçut son troisième appel de la part de Starra de la semaine. Elle avait réussi à éviter le second mais, sur un mauvais coup du sort, elle décrocha, croyant avoir affaire à Nik ou à Oksana.

— Où es-tu descendue ? Je suis dans le centre et je viens te chercher.

Starra avec sa voix toujours aussi aiguë, ne s'embarrassait jamais de convenances inutiles. Le monde lui appartenait – du moins, c'était ce qu'elle semblait penser – depuis qu'elle avait épousé, eu un enfant, puis divorcé de deux hommes riches et célèbres et se comportait avec tout le monde comme avec ses sujets si elle avait été reine. Mais, elle ne faisait que diriger une compagnie de restaurants en faillite.

— Écoute, Starra. J'ai plutôt besoin de me préparer pour ce soir que de sortir.

— Tutut. Pas de non qui tienne. Donne-moi le nom de ton hôtel et je serais là dans vingt minutes.

— Mais...

— Ekat, on peut être partout en moins d'une demi-heure. Alors ton hôtel ?

Encore et toujours ce surnom barbare. Hécate. Qu'avait-elle d'Hécate en elle ? Par curiosité, Ekaterina était un jour allée voir qui elle était. Une déesse de la lune. Celle qui représente la mort. Glaçant. Était-elle comme la divinité ? Elle voulait penser que non mais ses agissements dans le passé tendait à croire le contraire. Ça ne devait pas être pour rien que l'Infinity l'avait désignée deux ans plutôt comme l'adolescente la plus hautaine du monde de la musique. Mais ce ne devait être qu'un seul personnage à la base, un plan de Cecil et des autres producteurs pour booster l'image du groupe. Sun Mei, la rebelle. Honor, la noble. Blake, la bombe. Felicia, la discrète. Ekaterina, la hautaine. Pourtant, si elle réfléchissait un peu, ces "rôles" qui avaient été distribués se révélaient collant parfaitement avec les filles. Elles étaient comme ça. Pourquoi cela aurait-il été différent avec elle ?

Elle s'assit sur son lit, hébétée. La voix de Starra grésillait à son oreille. D'une voix robotique, elle prononça quelques mots avant de raccrocher :

— On se voit ce soir.

Puis elle jeta son téléphone sur son lit. Une heure plus tard, on sonna à la porte. Elle sursauta. Ça pouvait très bien être Starra qui avait découvert son hôtel en fouinant un peu. À petits pas timides, elle s'approcha de la porte de sa chambre. Elle l’entrebâilla en la calant avec son pied nu.

— Ma beauté, c'est moi !

Soulagée, Ekaterina ouvrit la porte entièrement pour laisser passer Pixie, Lewis et Éphrem, ses maquilleurs et coiffeurs dédiés aux États-Unis. Après de longues accolades et des discussions sans fin sur les détails à peaufiner, ils se mirent enfin au travail, voletant autour d'Ekaterina, agiles comme des colibris.

Lewis était le plus ancien. Elle n'avait pas douze ans lorsqu'Ekaterina l'avait rencontré. Elle accompagnait sa mère dans la campagne d'été de Samaha. Premier shooting – ceux qu'elle avait réalisé avant ses huit ans ne comptaient pas à ses yeux – et elle mourrait de trouille. Lewis l'avait rassurée, lui avait appris ses premiers exercices de respiration pour se calmer – les seuls qu'elle continuait de faire avant chaque concert, chaque défilé – et l'avait fait se sentir belle rien qu'en montant sa chevelure en coiffure. Depuis, Lewis était celui qu'elle réclamait pour la préparer. Elle arguait qu'il était le meilleur, et elle le pensait réellement. Lewis était exubérant – il fallait l'appeler Lou-wis car d'après lui, ça sonnait plus français, il ne portait pas de rose ni de rouge en été en disant que cela le faisait ressembler à une écrevisse – mais il rappelait tellement à Ekaterina un personnage de son roman préféré qu'elle ne pouvait s'empêcher d'en faire son confident.

Pixie, de son vrai nom Graysia Nillson, avait choisi de changer de vie – et de nom – à la naissance de sa première fille. De serveuse mal payée dans un bar miteux du Bronx, elle était devenue une des coiffeuses de star les mieux réputées d'Amérique. Désormais maman de trois filles et un garçon, elle passait ses journées à glisser des brosses dans les cheveux de filles maigres comme les dents de son peigne. La coupe pixie qu'elle portait fièrement en blond platine permettait toujours de la reconnaître dans le flot des préparateurs qui s'entassaient dans les coulisses des défilés prestigieux. Ekaterina et elle se connaissaient depuis un malheureux accident qui avait impliqué un miroir brisé, un shampoing raté par une collègue et un fabuleux rattrapage de dernière minute.

Quant à Éphrem, Ekaterina n'avait fait sa connaissance que la dernière, au défilé d'Iv qui clôturait le festival de la mode. Il l'avait découverte cachée derrière un rideau, pleurant toutes les larmes de son corps alors qu'elle devait encore enfiler sa tenue – ce qui n'était pas une mince affaire avec tous ces strass – avant de monter sur le podium. En dix mots parfaitement justes, il avait réussi à la remettre d'aplomb et sans s'en rendre compte, il lui avait enfilé sa robe. Le défilé terminé, Ekaterina avait cherché partout son ange gardien mais il semblait introuvable. Il avait fallut attendre trois mois pour le retrouver et le remercier correctement. En réalité, à l'époque du défilé, il n'était que stagiaire, mais, depuis, sous la protection d'Ekaterina, il avait gravis les échelons et était l'habilleur qu'Ekaterina réclamait chaque fois.

Ces trois-là réunis savaient faire des miracles. À quinze heures trente, Ekaterina était prête. Habillée de sa robe Louis-Antoine, coiffée avec le plus grand soin, maquillée avec subtilité, elle était sublime. Et en avance.

Pour passer le temps, elle accepta une partie de cartes avec Éphrem. Pixie devait rentrer s'occuper de ses enfants, qu'elle avait laissés à leur beau-père actuel et Lewis n'avait jamais le temps pour « les activités capables de froisser son gilet », excuse qu'il utilisait chaque fois qu'il savait qu'il était en mesure de perdre. Lorsqu'il fut enfin l'heure de partir, Éphrem rappela à Ekaterina que garder le menton haut et le regard droit était la solution à bien des problèmes.

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