En avant les vacances I - Rosiers

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14 juillet, Marseille, France, Europe.

La maison de vacances des Tkachenko était immense. Onze chambres, autant de salles de bains, trois étages et un jardin luxuriant. Des statues de marbre tout droit sorties d'un temps révolu jalonnaient l'allée bordée de rosiers en fleurs. Et le luxe était autant présent à l'intérieur qu'à l'extérieur ! Un mini-palais au milieu de la campagne provençale.

Ekaterina avait préféré se séparer de la plupart des domestiques qu'employait son père lorsqu'il y venait à l'époque. Il avait l'habitude de les terroriser avec son air féroce et ses ordres irréalisables. Néanmoins, la jeune femme avait conservé à son service le jardinier, un femme de ménage et la cuisinière avec son aide. Elle voulait de vraies vacances, sans rien à gérer. Ou à peu près.

Cette maison, c'était Nastia, la mère d'Ekaterina, qui avait eu l'idée de l'acheter. Dans ses bonnes périodes – la dernière remontait à l'époque où Kat était encore toute petite – elle avait une passion pour les jeux de mots, même quand ceux-ci n'étaient compréhensibles que d'elle-seule.

Ils vivaient durant l'année à Odessa, une des plus grandes villes côtières d'Ukraine, celle qu'on appelait la Marseille ukrainienne. Alors, tout naturellement, sa mère avait acheté une maison en France, près de la véritable Marseille.

Lorsqu'Ekaterina, Oksana et Oleksandr étaient encore petits, ils s'y rendaient tous les étés. C'était là que Nastia passait ses meilleurs moments, loin des podiums, de la foule, et souvent loin du stress. Dans la période qui avait précédé leur divorce, Nastia et Maksim, son mari et le père de ses enfants, étaient très peu venus. Mais, depuis quelques années, Ekaterina essayait de redonner vie à cette magnifique demeure inhabitée en y séjournant au moins une fois par an.

Son rêve : racheter la maison et l'habiter. Car, pour l'instant, elle appartenait toujours à sa mère même si celle-ci n'y avait pas mis les pieds depuis une décennie entière. Peut-être ignorait-elle qu'elle la possédait toujours...

Sun Mei arriva derrière Ekaterina et lâcha un juron admiratif en contemplant la bâtisse de pierre blanche. Elle faisait souvent cet effet-là, la première fois.

Honor et Blake roulaient déjà leurs valises dans l'allée. Elles étaient déjà venues, ainsi que Felicia, trois ans auparavant, mais Sun Mei en avait manqué l'occasion pour rendre visite à son père qui avait attrapé une mauvaise bronchite. Heureusement, il s'était vite rétabli.

Ekaterina s'engagea à la suite des jeunes filles. Elle avait prévenu les domestiques sur place qu'elles arriveraient toutes les cinq le jour de la fête nationale. Leurs invités débarqueraient quelques jours plus tard, lorsque tout serait prêt. Il restait encore quelques points à régler. Le premier : la répartition des chambres dont elle était en charge et qu'elle n'avait toujours pas terminée. Peut-être un étage fille et un étage garçon pouvaient être envisagés ?

Elle se replongea mentalement dans la liste des invités. Juste après leur soirée pyjama, elle avait appelé Antonio qui avait été plus que ravi d'accepter son invitation. Au vu de la tournure que prenait leur relation, elle n'avait même pas besoin de lui attribuer une chambre particulière, la sienne ferait l'affaire. Ils semblaient être sur la même longueur d'onde quant à l'avenir de leur relation et Ekaterina s'en réjouissait. Elle sourit avant de se reprendre : pas la peine que les autres la croit amoureuse.

En tant qu'organisatrice et presque-propriétaire de cette maison, elle s'était octroyé un droit exceptionnel que personne n'avait réfuté : inviter une deuxième personne, en plus d'Antonio. Lorsqu’elle avait révélé qu'elle invitait Nik, il y avait eu quelques sourcils levés, un sourire en coin et des regards interloqués mais aucune des filles n'avait protesté. Tant mieux, car elle avait vraiment besoin de le voir.

Sun Mei invitait Maisie. Cela paraissait évident. Elles seraient les premières à partir : dès le cinq août, elles se rendraient au Québec avant de faire un court séjour en Chine pour saluer les parents de Sun Mei. Pour elles aussi, une seule chambre suffirait.

Selon Honor, Edward devait venir. Ekaterina ne savait pas trop où se trouvait leur relation, même si ça semblait tendu entre eux depuis quelques mois. Une chambre, deux chambres ? Très éloignées ou mitoyennes ? Elle ne savait pas. C'était un véritable casse-tête.

Elle continua d'énumérer les invités. Blake avait envisagé d'invité ce fameux CO dont elles avaient entendu parlé lors de leur pyjama party mais s'était rétractée. À la place – bien qu'Ekaterina trouve ça parfaitement incompréhensible – elle avait invité Soraya, la nouvelle copine de son ex.

Quant à Felicia, elle avait l'intention d'inviter un vieil ami. Qui ? Elle n'avait pas voulu lâcher le moindre indice.

Ekaterina soupira. Où était-elle passée, d'ailleurs ? Elle ne voyait Felicia ni devait elle, ni derrière. Elle haussa les épaules : elle les retrouvera plus tard. Après tout, elle connaissait le chemin. Ekaterina rentra dans la maison, traînant sa valise derrière elle.

En vérité, Felicia se cachait derrière un rosier en fleurs. Elle avait l'intention d'inviter quelqu'un sans qu'Ekaterina ne le sache. Sans doute la tuerait-elle plus tard pour ça mais elle sentait qu'elle devait le faire. C'était son instinct et son cœur qui parlaient. Elle composa un numéro pioché dans le carnet d'adresses d'Ekaterina et porta son téléphone à l'oreille. Nik décrocha au bout de deux sonneries seulement.

— Allô ?

— Salut, c'est Felicia. Je sais pas si tu te souviens de moi. Ça fait longtemps.

— Si, si, Felicia. Je me souviens parfaitement.

— Écoute, j'aurais un service à te demander. Enfin, pas vraiment. C'est plutôt une sorte de proposition.

— Les amis d'Ekaterina sont mes amis. Vas-y.

— Ekaterina t'a invité, je crois ? demanda-t-elle même si elle connaissait la réponse.

— Oui, oui. Ça fait longtemps qu'elle en parlait. Pourquoi ? Il se passe quelque chose de grave ?

— Non, non, ne t'inquiète pas.

Elle prit une profonde inspiration.

— Il reste une chambre de libre et comme je n'ai invité personne, je me suis dit que tu pourrais inviter un de tes amis pour lui remonter le moral.

Elle faisait référence à Andris et Nik l'avait compris. Depuis le temps, il était devenu un expert du je-parle-d'Andris-sans-dire-son-nom.

En feuilletant un des magazines de Blake dans le train qui les avaient conduit à Marseille, Felicia était tombée sur article qui annonçait la mauvaise entente dans le couple d'Andris et Maya Andrea. Si cet article était vrai, Felicia pensait que des vacances au bord de la mer lui ferait du bien. Si Ekaterina était son amie, Andris aussi l'avait été. Ces dernières années, elle n'avait pas vraiment été à la hauteur d'une véritable amitié mais elle pensait pouvoir se rattraper cet été.

— Tu sais qu'elle risque de me découper en rondelles puis d'empaqueter mes restes pour les envoyer à ma grand-mère, accompagnés d'un petit mot avec écrit Bon Appétit dans un russe courtois, histoire de ne pas la froisser ?

Felicia pouffa.

— Sans aucun doute. Et pour moi, le châtiment sera pire.

— Alors pourquoi tu fais ça ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Elle eu le temps d'y réfléchir pendant tout le trajet en train puis celui de la gare à la maison. Et elle n'avait toujours pas de véritable réponse.

— Tu sais, Andris était mon ami, quand il sortait avec Kat. Et quand ils se sont séparés, on s'est un peu éloigné.

— Vous avez carrément arrêté de vous voir du jour au lendemain, tu veux dire, la coupa Nik.

Il s'en voulait aussitôt : l'amertume contenue dans sa voix n'était pas voulue. Mais Felicia ne parut pas s'en formaliser et elle reprit calmement.

— Oui, tu as raison. Même si ça fait longtemps, je voudrais me rattraper...

— Attends. Tu culpabilises ?

Il ne la laissa pas répondre.

— C'est n'importe quoi. S'il y avait quelqu'un qui devait culpabiliser, ça ne serait pas toi. En aucun cas. Felicia, tu n'as rien à te reprocher, d'accord ?

Elle marmonna un vague assentiment qu'il n'entendit pas.

— Bon, je vais voir ce que je peux faire. Ça me gênait de devoir le laisser tout seul à se lamenter.

— Ça va si mal que ça ? questionna-t-elle et son cœur se serra.

— Yep. Et ça ira encore plus mal quand il aura compris où est-ce qu'on va passer nos vacances...

Nik poussa un bref éclat de rire.

— Alors je t'ai convaincu ? demanda Felicia pleine d'espoir.

— Même pas. J'avais eu l'idée avant toi.

Elle éclata de rire.

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