En avant les vacances III - Discorde

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17 juillet, Marseille, France, Europe.

Lorsque Felicia gara le véhicule devant l'allée, Honor se précipita à leur rencontre. Ekaterina était toujours dans sa chambre, sans doute endormie.

— Vos noms sont sur les portes des chambres. Je vous laisse déposer vos affaires avant de redescendre. Si vous êtes perdu – ce que je comprends parfaitement – il vous suffit de revenir au centre du couloir pour retrouver l'escalier, et votre chemin.

Elle faisait une parfaite hôtesse, le dos droit, la voix claire. Elle portait la noblesse de son sang dans chacun de ses gestes. Elle se décala du chemin pour laisser passer les trois garçons qui empoignèrent leurs valises avant d’avancer.

Felicia regarda sa montre.

— Où est Ekaterina ?

C'était elle qui était sensée accueillir les invités. Une fois les garçons hors de portée de voix, Honor fit la grimace.

— Elle a craqué pendant que tu étais à la gare. Trop de stress. Elle se repose dans sa chambre.

— Le train d'Ed n'arrive pas avant une heure. Je vais la voir.

Honor hocha la tête. Felicia rapidement à la voiture pour prévenir Blake qui était restée sur le siège passager qu'elles ne partaient pas avant vingt minutes, une demi heure. Puis, elle monta au deuxième étage où se trouvaient sa chambre, celle de Blake et de son invitée ainsi que celles de Kat et Antonio. Les autres étaient au premier.

Dans le couloir, elle croisa Andris qui secouait la tête, sa valise à la main.

— Je me suis trompé, marmonna-t-il en se passant la main dans les cheveux. Quand je venais en vacances ici, ma chambre était juste là.

Il désigna la première porte, celle où était désormais affiché une pancarte marquée « Antonio ». Felicia posa prudemment sa main sur son épaule.

— Je veux pas te retenir ici contre ton gré. Si tu veux partir tout de suite, tu me le dis et je te ramène à la gare. Par contre, c'est toi qui gère Nik, si tu fais ça.

Il esquissa un fragment de sourire. Il attendit quelques secondes avant de répondre.

— Je pense que je vais rester au moins quelques jours. Il faut juste que je m'habitue.

Elle hocha la tête et il descendit les escaliers sans se retourner. Felicia le regarda s'éloigner quelques secondes avant de rejoindre la chambre d'Ekaterina, juste en face de celle désignée par Andris. Le battant était fermé, mais pas à clef.

Elle la poussa de l'épaule.

— Kat, tu es là ?

La dénommée était allongée au travers de son lit, les yeux fixés sur un tas de photos entre ses mains qu'elle regardait l'une après l'autre. Elle ne tourna même pas la tête lorsque Felicia entra dans la pièce.

— Comment tu vas ? demanda celle-ci.

Ekaterina ne répondit pas à sa question.

— Tu sais, commença-t-elle brusquement après un silence, je pensais sincèrement que j'arriverais à m'en détacher, à passer à autre chose. Ça fait plus de trois ans. Et c'est toujours aussi dur.

— On ne t'a pas demandé de l'effacer de ta mémoire. D'ailleurs, on ne te demande absolument rien.

— Mmm, marmonna-t-elle seulement en réponse.

Ekaterina se tourna soudainement sur le ventre et regarda Felicia dans les yeux. Elle garda son regard fixé dans les prunelles vertes de la jeune fille jusqu'à ce qu'elle baisse les yeux.

— Ça aurait été plus simple si on avait pu en parler une dernière fois, au lieu de se séparer brusquement.

Sa voix n'était plus qu'un murmure. Felicia ne savait pas vraiment ce qui s'était passé entre eux. C'est tout juste si Andris était revenu chercher ses affaires avant qu'il ne soit persona non grata à Reppe et à tous les endroits où Ekaterina mettait les pieds. Honor, Blake, Felicia, et parfois même Sun Mei étaient devenues des sortes de gardes corps sensées écarter tout lien entre Andris et Ekaterina avant qu'il ne la touche. Durant les premiers mois de sa rupture, elle était sensible à tout ce qui pouvait lui évoquer un joyeux sourire. Elle était souvent incapable de tenir une journée sans exploser en sanglots le soir. Puis elle avait rencontré Savan Martinez, un jeune artiste qui débarquait dans la célébrité. Il avait un ou deux ans de plus qu'elle, semblait gentil et attentionné, était adorable avec tout le monde. Ekaterina et lui avaient commencé à sortir ensemble et son trio protecteur avait été presque soulagé : pendant un temps, elles avaient cru qu'elle couvait une désastreuse dépression. Mais on l'avait vue recommencer à sourire sans se sentir coupable. Puis, alors qu'ils ne sortaient ensemble que depuis un mois, la Kat joyeuse et détendue qui était revenue à la vie s'était effacée peu à peu pour laisser place à une jeune fille terrifiée. Felicia s'en était toujours voulu par la suite d'avoir baissé sa vigilance à propos de Savan. Elle n'arrivait même pas à imaginer comment Ekaterina avait pu vivre avec un calvaire pareil. Désormais, c'était du passé mais le souvenir du dernier sourire tordu qu'il leur avait adressé avant d'être escorté par deux hommes en habits officiels surgissait souvent.

Chassant ces pensées, elle fit un pas en avant.

— Tu vas pouvoir lui dire toi-même...

— Quoi ? s'exclama Kat en se relevant sur un coude.

— Je l'ai – comment dire ? – invité...

Ekaterina se leva d'un bond et se plaça juste devant Felicia. Ses joues rougies par la colère la rendait terrifiante. Et sa taille ne rendait pas la chose plus simple : elle était bien plus grande que Felicia !

— Est-ce que tu viens de me dire que tu as invité mon ex dans ma propre maison, sans ma permission ?

Sa voix n'était plus qu'un affreux rugissement. Ses yeux, où brillaient une flamme ardente, lançaient des éclairs paralysants.

Felicia hocha lentement le menton de haut en bas. Ekaterina hurla. Elle bouscula la jeune fille, ouvrit la porte en grand et jeta littéralement Felicia dehors. Puis elle lui claqua la porte au nez avec un dernier accès de rage :

— Ne m'adresse plus la parole ! Jamais, tu m'entends ? Jamais !

Stupéfiée par la violence de ses mots, Felicia ne bougea pas et resta devant la porte, comme pétrifiée. Elle savait, depuis le moment où l'idée avait germé dans son esprit, que c'était une très mauvaise idée. Maintenant, elle en subissait les conséquences, de terribles conséquences.

Elle s'apprêta à toquer à la porte ou à seulement bégayer une phrase d'excuse mais elle se doutait qu'Ekaterina lui en voudrait encore plus d'insister. Il lui faudrait du temps pour digérer ce qu'elle avait fait, mais elle finirait par lui pardonner.

Elle retourna rapidement à sa chambre. Elle farfouilla à toute vitesse dans son sac à dos et en sortit une feuille à carreaux. Elle y écrivit :  « Je suis désolée » de sa belle écriture penché, plia la feuille en deux et retourna devant la chambre d'Ekaterina. Elle glissa son petit mot sous la feinte de la porte et attendit, une oreille contre le battant. Des petits pas se firent entendre. Puis le bruit d'un papier que l'on déplie. Et enfin, de minuscules sanglots. Mais la porte resta désespéramment close. Alors, Felicia sentant qu'il valait mieux la laisser seule, redescendit les escaliers, sortit de la maison et remonta en voiture. Elle avait dix minutes d'avance mais tant pis, elle repartit quand même vers la gare. Blake se tenait à ses côtés sans rien comprendre.

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