En avant les vacances IV - Pauvre Sourire

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17 juillet, Marseille, France, Europe.

La table avait été mise sur la terrasse. Il était vingt heures mais le soleil ne se couchait pas encore et il faisait encore très chaud. Tout le monde était là. Les derniers arrivants avaient été rapatriés de la gare par Felicia et Blake et on n’attendait plus qu'Ekaterina sorte de sa chambre. Elle se faisait désirer.

Honor apporta un dernier plat sur la table.

— Felicia, tu peux allez voir voir si Kat est prête ? demanda-t-elle ensuite.

— Je ne préfère pas, répondit simplement celle-ci en se tortillant sur sa chaise.

Elle avait des doutes sur l'accueil qu'Ekaterina pouvait lui offrir si elle se présentait si tôt devant elle.

Tous ceux qui s'étaient trouvés au premier et au deuxième étage durant la dispute entre Felicia et Ekaterina avaient pu entendre tous les mots échangés. Les seuls qui n'étaient pas au courant étaient Honor et Blake, ainsi que Soraya, Maisie et Edward qui se trouvaient à la gare.

Sun Mei et Honor échangèrent un regard.

— J'y vais, déclara la première ce qui fit tourner quelques têtes.

Depuis la formation du groupe, tout le monde savait que Kat et Sun Mei étaient en guerre perpétuelle. Seulement, ce que les magazines people ne disaient pas, c'est que ce comportement avait tendance à basculer vers l'amitié plutôt que vers l'animosité. Elles se serraient les coudes plus qu'elles ne se jouaient des coups bas.

La jeune chinoise serra une dernière fois la main de sa femme, assise juste à côté d'elle, puis se leva et rentra pas la baie vitrée.

Un silence poli s'installa après son départ, rompu seulement par le tintement du doigt manucuré de Soraya sur son verre.

— Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer qui est qui ? demanda-t-elle soudainement, jetant un froid sur la table.

Cette minuscule part d'anonymat dont certains avaient pu profité était agréable, une bulle de repos dans un océan de tourments.

— Bien sûr, s'exclama Blake en réponse.

Elle proposa que chacun se présente dans un tour de table et évoque le lien qui l'avait mené ici.

— Blake Taylor-Ellis, chanteuse et actrice. Je vis dans la même maison que Kat, commença-t-elle avec un petit sourire.

Elle avait cité une des raisons mais il y en avait plein :  elles étaient amies, avaient les mêmes amies, chantaient dans le même groupe, etc.

Elle se tourna vers Felicia qui sentit son tour venir.

— Felicia Schönklang-Canterà, chanteuse. Une amie.

Antonio s'émerveilla entre ses dents. C'était donc ça, son vrai nom ! Sur tous les papiers "officiels", elle était nommée Felicia Chaussée, nom trouvé quelques mois après la sortie de leur second album par un obscur youtubeur français qui avait prononcé Sch.-C. – à l'origine le nom que son agent lui avait attribué lorsqu'elle avait annoncé ne pas vouloir dévoiler sa véritable identité – à la française. Chaussée était resté son nom de scène et son véritable patronyme était un des plus grands secrets du groupe, inconnu du grand public.

Il sourit de toutes ses dents, dévoilant un espace entre celles de devant, en songeant qu'il vendrait l'info au plus offrant dès qu'il serait rentré chez lui.

Ce fut ensuite le tour de Soraya.

— Je m'appelle Soraya Haliba, j'ai vingt-six ans et je suis née au Maroc. Je suis la copine de Brook.

Elle s'arrêta là. Tous les regards étaient tournés vers elle.

— Quoi ?

— C'est qui Brook ? questionna Antonio.

— Mon ex, répondit simplement Blake.

— Le blondinet ? s'enquit Andris, ouvrant ainsi la bouche pour la première fois depuis qu'il s'était posé sur cette chaise.

Il redoutait le moment où Ekaterina ferait son apparition. Il ne l'avait pas revue depuis... si longtemps qu'il n'arrivait même plus à se souvenir si elle était plus grande ou plus petite que lui. Depuis leur rupture, il l'avait parfois aperçue dans un coin de salle, lorsqu'il se rendait à un gala de charité où ils étaient tous les deux parrains, mais c'était tout.

Oh, bien sûr, il l'avait vue en photo, dans des clips vidéos, des interviews. Il l'avait entendu chanter à la radio, répondre à un journaliste mais ce n'était pas pareil. À chaque fois que cela arrivait, il ressentait un infime pincement au cœur.

Pour se calmer, il songea à la seconde personne qui occupait ses pensées. Maya Andrea. Il s'étaient quittés sur un échange de phrases orageux. Où était-elle aujourd'hui ? Il n'en savait rien même si des gros doutes persistaient. Il y avait une grande chance pour qu'elle soit retournée en Argentine, là où son père et son frère ultra-protecteurs pouvaient garder un œil sur leur poule aux œufs d'or. Car Andris ne se faisait pas d'illusion. Si elle l'avait demandé en mariage, c'était sur ordre de son père qui avait entraperçut la fortune d'Andris.

— Ouais. Mais il est roux, maintenant. Tu ne l'aimais pas de toute façon, observa-t-elle, le faisant sortir de ses pensées.

— Ça c'est vrai. Sans vouloir vexer qui que ce soit ici, il ne te méritait pas.

Il attrapa un verre sur la table – rempli de jus de pomme – et le porta à ses lèvres. Soraya ne sembla même pas renfrognée par ses mots. Elle s'appuya sur le dossier de sa chaise, avec un petit sourire satisfait, adoptant la même position que son voisin.

Celui-ci prit la parole, avec un petit sourire comme s'il ménageait son effet.

— Antonio Maellan, photographe. Je suis le petit ami d'Ekaterina.

La mâchoire de Maisie tomba en avant. Andris avala de travers et se mit à tousser. Nik du lui taper sur le dos pour qu'il cesse de s'étouffer et reprenne le cours normal de sa respiration. Il se leva d'un bond, tirant son ami avec lui. Ils s'isolèrent un peu plus loin sur le chemin, là où personne ne pourrait les entendre.

— Est-ce que tu savais ? demanda Andris en serrant les dents.

— Je...

— Est-ce que tu savais !

En répétant sa question, Andris rugit.

— Oui, avoua Nik. Enfin, j'avais des doutes. Elle ne me l'a pas dit clairement. Seulement quelques petits indices qu j'ai glâné.

Andris ne dit rien pendant quelques secondes. Il tentait d'assimiler la nouvelle. Lui-même avait eu des doutes quelques mois plus tôt. Mais pas sur le même tableau.

— Pourquoi tu ne m'as jamais dit que tu continuais de la voir ?

— C'était tout frais. Je pensais que tu ne serais pas d'accord. Je ne voulais pas enfoncer le couteau dans la plaie. Puis, après on ne se voyait plus mais on continuait à échanger. Je ne pensais pas que tu aies besoin de le savoir. C'était seulement entre nous. Elle avait besoin de parler à quelqu'un, j'étais là. Il n'y avait rien de régulier. Seulement quelques messages échangés par-ci par-là. Et puis un jour, elle a voulu qu'on se voit. J'ai pris le train et j'ai fait l'aller-retour Cologne-Liège dans la journée. Après, nos discussions ont été de plus en plus rapprochées. Jusqu'à ce qu'elle m'invite.

— Et moi ? demanda Andris. Elle ne sait pas que je suis là, n'est-ce pas ?

—  Non, avoua Nik en soupirant. C'était mon idée et celle de Felicia. Elle se sentait coupable de ne pas avoir gardé contact avec toi. Elle savait que tu n'étais pas vraiment dans ton assiette en ce moment.

— Oui bah, c'était pas la meilleure solution.

— C'est l'intention qui compte, non ?

Andris esquissa un pauvre sourire.

Pendant que les deux amis jouaient cartes sur table, Sun Mei était revenue avec Ekaterina. Quel coup dans le cœur de Felicia lorsqu'elle ne lui adressa même pas un regard en s'asseyant en face d'elle ! Ekaterina s'empressa de glisser un bras autour de son copain et de lui murmurer à l'oreille :

— Tu m'as manqué...

Elle avait parlé assez fort pour que toute la tablée l'entende. Antonio glissa sa bouche de son oreille à sa bouche où il l'embrassa goulûment, devant tout le monde.

Ekaterina n'avait pas regardé s'il était là avant de démarrer son petit manège. Elle faisait ça pour lui. Un petit spectacle donné en son honneur. Mais il n'était pas encore revenu. Alors, quand elle se détacha d'Antonio, les lèvres et les joues rougies, elle remarqua sa chaise vide, tout comme celle de Nik. Elle se renfonça dans son siège, légèrement amère. Ses yeux bleus se baladèrent au loin, derrière les rosiers.

Nik et Andris refirent leur apparition. Andris s'arrêta à quelques pas de sa chaise. Il était focalisé sur le dos d'Ekaterina, le souffle court. C'était la première fois qu'il se trouvait aussi près d'elle en trois ans. Et là, miracle, sentant son regard dardé sur sa nuque, elle se retourna furtivement. Leurs yeux s'accrochèrent, limpides et clairs tous deux, comme deux chaînons qui se lient. Ils restèrent ainsi, face à face, quelques micro-secondes qui semblèrent durer des heures, le souffle coupé, la bouche entrouverte, les joues rosies. Elle avait changé, plus grande, plus vieille, plus mature. Mais lui aussi, était différent ; il essaya de se voir dans son regard. Un peu plus musclé, les cheveux un peu plus longs, la tenue décontractée. Mais, sur un murmure d'Antonio, elle rompit le contact et il eut la sensation de la perdre. Encore une fois.

— Je m'appelle Andris et je suis un ami de Felicia.

Même s'il mourrait d'envie d'ajouter autre chose, ce fut tout ce qu'il dit lorsque vint son tour de se présenter. Moins on en savait, moins on pouvait raconter. Et s'il y avait bien une chose qu'il détestait, c'était se retrouver en première page des tabloïds.

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