Chapitre 1

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Raphaëlle se réveilla avec violence.

            Elle se redressa rapidement dans ce qui lui servait de couchage. Son cœur cognait fort dans sa poitrine comme si ce dernier voulait lui briser les côtes et sortir au dehors de son corps. Elle ramena ses jambes contre sa poitrine et tenta de reprendre doucement son calme.

            Toujours le même rêve qui venait la hanter chaque nuit : elle se trouvait dans le train qui devait l'emmener chez son père. Le wagon était affreusement vide, elle appelait, mais il n'y avait personne pour lui répondre.  Elle avait peur. Elle sortait du train, avec ses longues rangées de sièges sans voyageurs, épuisée d'appeler en vain. À l'extérieur, il faisait nuit noir, aucun astre n'éclairait la plaine qui l'entourait. Elle s'avançait, seule et terrifiée par l'immensité de cet endroit qui lui était inconnu. C'était à ce moment-là que la silhouette surgissait à chaque fois. Il s'agissait  d'un de ces êtres à la peau bleue qui peuplent ce monde, un Noxum comme lui avait appris Alik. Dans son songe, il était immense et se dressait devant elle, l'empêchant d'avancer. Il pointait une arme sur elle, elle ressemblait à celles de son monde. Mais il ne faisait pas que la menacer, il tira sur elle. Une lumière vive partit du canon.

            Quand elle rouvrit les yeux, elle voyait comme des étincelles bleues qui parcouraient d'abord ses bras tendus, inutilement pour se défendre, et tout son corps ensuite.

            Peu à peu ces étincelles rongeaient sa peau, puis sa chaire, ses muscles et ses veines. Elle regardait ses mains, la bouche ouverte sans que le moindre cri ne veuille sortir. Aucun cri ne pouvait décrire l'horreur de voir sa peau qui tombait en lambeaux, sa chair qui se consumait jusqu'à percevoir le calcaire de ses os.

            Raphaëlle regardait ses mains pâles enrobées de chairs et de peau, rassurée. Elle était vivante, tout ça n'était qu'un cauchemar affreux. Oui, c'est juste un foutu rêve qui venait la harceler chaque nuit depuis qu'elle avait atterri dans ce monde. Enfin pas les premières nuits pour être tout à fait sincère, vu qu'elle n'avait pas dormi ou si peu...

            Elle resta ainsi quelques minutes sous la tente que lui avait installé Larani puis décida de se lever pour se calmer, incapable de rester plus longtemps assise et surtout immobile.

            Dehors, il commençait à peine à faire jour. Elle vit les deux Noxums endormis un peu plus loin, autour des restes fumant du foyer d'hier soir. Larani, c'est comme ça que s'appelait celle qui l'avait sortie de sa prison pensa Raphaëlle en voyant sa silhouette endormie et ses longs cheveux noirs sur le sol. Elle ignorait le nom de l'autre, mais apparemment il ne l'appréciait pas.

            En effet, quand Larani l'avait ramenée, hier dans la nuit, elle avait tenté de faire les présentations comme Alik lui avait montré. Sa main posée sur sa poitrine elle prononça son nom et intima à l'autre de faire de même. Il ne fit pas le moindre geste, il se contenta de dévisager Raphaëlle sans rien dire ses traits figés parce qui semblait être de la stupeur. Après quoi ils reprirent la route, sans rien dire, jusqu'à trouver un lieu à l'écart de la route où se reposer.

            En voyant les deux Noxums endormis, elle songea à prendre la fuite, elle pourrait être déjà loin avant qu'ils ne se réveillent. Il aurait été impossible de la retrouver avec une telle avance, mais elle savait aussi que sans eux elle n'irait pas loin. Cette situation l'énervait. Elle ne supportait l'idée pas d'être un simple pantin, obligée de les suivre sans savoir où ils l'emmèneraient. Elle ne connaissait rien de ce monde, comment pouvait-elle être sûr qu'ils ne la guideraient pas vers un lieu plus dangereux que celui où se trouvaient les autres personnes présentes dans le train avec elle.

            Mais de toute façon elle était bien obligée de les suivre sous peine de manquer de nourriture. Elle détestait se sentir aussi démunie, réduite à penser comme un animal...

            Plongée dans ses pensées, Raphaëlle s'éloignait peu à peu du campement. Elle marchait, profitant de l'air frais du jour naissant. Elle ne prendrait pas la fuite. De toute manière que ferait-elle? Revivre comme elle l'a fait avant qu’Alik la recueille?

            Non, elle ne voulait pas revivre comme une bête. Comme tous ces jours qui avaient suivis son arrivée. Elle se souvenait trop bien de ces moments là, où alors elle ne comprenait rien à ce qui se passait, où elle errait sans direction précise, sans savoir où elle se trouvait ni ce qui lui était arrivé, où la faim l'empêchait de penser. Oh bien sûr, elle n'avait pas appris beaucoup plus de choses depuis mais elle savait que ce monde ci n'était sûrement pas le sien. Après tout comment un tel lieu aurait pu rester secret? Comment de telles créatures, avec leurs villes et cités auraient pu rester non découvertes? Et comment son train l'avait-il emmené dans cet ici, comment avait-il fait pour débarquer dans ce monde?

            Beaucoup de questions restaient présentes dans sa tête. Elle espérait qu'en restant avec Larani elle pourrait baragouiner quelques mots dans sa langue et qu'elle aurait au moins des réponses, même sommaires, à ses questions. C'était son ignorance qui la laissait si démunie. 

            Elle continuait de marcher tranquillement dans ces sous-bois. Elle appréciait comme jamais chacune des sensations qu'elle ressentait. Sa main qui se posait contre l'écorce rêche des arbres, les cris d'oiseaux inconnus, le vent frais qui venait emmêler ses cheveux et faire frémir les feuilles comme un doux murmure. Elle refusait de penser à un avenir trop incertain pour le cerner. Dès qu'elle y songeait le souvenir de sa famille, de son père surtout lui revenait. Ses souvenirs la faisaient souffrir, elle les refoulait autant qu'elle pouvait. De toute manière pour le moment elle ne pouvait pas faire grand-chose pour arranger sa situation. Alors autant ne pas y penser.

            Combien de temps était-elle restée enfermée dans les sous-sols avec Alik? Des jours, des semaines... Elle avait vécu sans le soleil qui se lève, sans voir les astres de la nuit, sans sentir la fraîcheur du matin et la douceur du soir. Elle se rendit compte à quel point sans ces moments là il lui était dur de pouvoir mesurer le temps qui pas. Même si il fallait s'avouer qu'après plusieurs nuits passées dans la forêt elle était heureuse de trouver la chaleur de la demeure d'Alik. Elle supposait à chacune de ses venues qu'une nouvelle journée s'était écoulée. Douze visites si elle ne s'tait pas trompé, peut être douze jours. Mais que faisait-il quand il n'était pas avec lui.. Elle ne connaissait rien de la manière de vivre de ces êtres à la peau bleue.

            Elle arriva devant une petite clairière qu'un minuscule ruisseau traversait. Elle s'assit juste en face, retira ses vieilles basket qui avaient bien souffert, et trempa ses pieds nus dans l'eau. Elle ne les avait jamais vus dans un si triste état, recouverts de cales et de cloques... La fraîcheur de l'eau était délicieuse. Elle resta là quelques instants, juste  à observer le soleil naissant qui perçait le feuillage élevé des arbres.

***

            Larani s'éveilla, le corps tout ankylosé par cette nuit passée au grand air. Ces matelas étaient vraiment de mauvaise qualité, ça ne valait décidément pas un bon lit.

            Elle se leva, s'étira avant de jeter un coup d’œil vers le foyer. Il s'était éteint. Enfin il restait bien quelques braises rougeoyantes, mais malheureusement ils n'avaient pas beaucoup de temps devant eux pour le raviver. Ils devaient se mettre en route le plus rapidement possible. Tant pis le petit déjeuner serait frugal.

            Liouk dormait encore, comme ses ronflements sonores le signalaient.

Larani jeta un coup d’œil au ciel. Le bleu pâle des cieux, l'air frais et l'absence de nuage semblaient suggérer une magnifique journée. Larani se tourna vers la tente où dormait la créature, elle devait la réveiller maintenant pour pouvoir prendre la route de bonne heure.

            Elle s'en approcha et avec sa main tira légèrement sur les tissus qui servaient de porte. Le sac de couchage était vide ! Elle avait pris la fuite !

            Elle se sentit tout à fait stupide, c'était elle hier soir qui avait dit à Liouk qu'il ne servait à rien de la tenir en laisse. Il avait voulu l'attacher à un arbre pour éviter tout risque... C'était encore elle qui avait forcé Liouk à lui laisser leur unique tente. Elle se disait que si Alik avait raison, il serait plus sage de la considérer comme l'un des leurs pour s'assurer de sa bonne volonté. Et voilà qu'elle s'était enfuie comme la plus vulgaire des bestioles affolées.

_Liouk, réveille-toi! L'animal s'est enfui! Dit-elle en secouant l'intéressé.

_Larani, il est tôt, laisse-moi dormir, dit-il la voix pâteuse encore pleine de sommeil.

_Mais tu ne comprends pas! Je te dis qu'elle est partie!

_Hein, mais qu'est-ce que tu racontes, grommela-t-il.

_Mais tu es sourd! La créature, je te dis qu'elle est partie! Gronda-t-elle, cette fois plus en colère que paniquée.

            Liouk se redressa dans son lit dans un bond. Son visage encore bouffi par le sommeil, il avait l'air d'avoir dix ans de plus.

_Je t'avais dit qu'on aurait dû l'attacher! Bon, il se leva et ajusta ses vêtements, on va devoir la chercher, elle ne doit pas être très loin.

            Ils se mirent donc à sa recherche. Larani partit de son côté. Par bonheur, ces sous-bois étaient éloignés des routes, la créature n'était donc sûrement pas tombée par hasard sur des voyageurs, ou des habitants de la région. Elle avança donc dans les sous-bois, opérant des allers et des retours jusqu'à tomber sur une clairière.

            La créature, Raphaëlle était là, assise, les pieds dans un petit ruisseau, absorbée dans la contemplation des reflets de lumières dans l'eau. Elle n'était qu'à quelques mètres du campement : elle n'avait jamais voulu leur faire faux bond. Larani prononça doucement son nom, pour ne pas risquer de l'apeurer. Cette dernière se retourna et lui sourit. Elle ne manifestait pas la moindre surprise, ni la moindre volonté de s'enfuir. Elle avait juste souhaité se promener un peu.

_Tu sais que tu m’as fait peur, toi, j'ai cru que tu t'étais enfuie.

            Raphaëlle la regarda étonnée, après tout c'était la première fois que Larani s'adressait à elle. Larani lui parlait, tout en savant qu'elle ne comprenait rien à sa langue, comme lorsque l'on s'adresse à un animal, plus pour entendre sa propre voix que pour communiquer réellement.

            Raphaëlle s'adressa à elle aussi, dans sa propre langue. Larani ne comprenait rien à ces paroles, mais écoutait attentivement le son de sa voix. Elle était claire, calme mais elle possédait une assurance étrange. Raphaëlle attisait de plus en plus la curiosité de la Noxum. À quel pays appartenait-elle? Comment était-elle arrivée jusqu'ici? Elle s'assit à côté d'elle. Larani aurait tant aimé pouvoir lui parler, et comprendre qui elle était.

            C'est à ce moment-là que surgit Liouk.

_Ha te voilà, toi !

            Il s'approcha furieux vers la créature à la peau blanche. Il pointait son arme à énergie vers elle.

_Qu'est-ce que tu fais, Liouk ! C'est bon, elle est là, elle a juste voulu se promener un peu. Elle ne cherchait pas à s'enfuir, dit Larani à l'adresse de Liouk pour tenter de le calmer.

            Les cheveux en bataille, le souffle fort, elle sentait la colère qui irradiait de Liouk. Rien de rassurant.

_Oui et ben, je vais lui faire passer son envie de se promener !

_Ce n'est plus drôle, calmes-toi maintenant! Lui intima la Noxum.

            Il continuait de tenir son canon en direction de Raphaëlle qui ne manifestait pas la moindre crainte. Elle se redressa même devant, lui debout, et le regarda presque avec défi.

_Liouk, remballe ton arme! Ordonna Larani.

_T'inquiète je n'ai pas l'intention de la tuer, juste lui faire mal, mon arme n'est pas réglé à son maximum. Y a que ça que ça comprends les bestioles.

_Arrêtes tes conneries, je te dis! C'est bon, elle est là, elle nous suivra!

            Les paroles de Larani n'eurent aucun effet, le coup partit. Elle ferma les yeux à cause de l'intense lumière de la détonation.

            En rouvrant, les yeux, Larani fut surprise par la scène qui se déroulait devant ses yeux. Raphaëlle se tenait toujours debout, immobile, aucun signe de peurs ni de douleurs sur son visage. Liouk, lui de son côté semblait effrayé.

            Sur tout le corps de Raphaëlle, des étincelles bleues d’Énergie circulaient, sans lui faire le moindre mal. Ça ne semblait même pas la chatouiller. Ce n'était pas normal. Les étincelles bleues parcoururent tout son corps, son tronc, ses bras, puis ses jambes jusqu'à disparaître dans le sol. La brume bleutée qui accompagne chaque décharge de Saulanith restait là, unique trace du tir.

            Larani demeura songeuse : cela n'avait rien de normal, toutes les espèces de Guilraen, qu'elles soient végétales, animales ou conscientes étaient sensible à l’Énergie. Liouk, lui, n'osait plus rien dire. Raphaëlle, elle ne semblait pas le moins du monde étonnée. Des hypothèses commençaient à se former dans sa tête. Larani voulait savoir à tout prix qui était au juste cette créature ou même ce qu'elle était.

            Raphaëlle avança vers le Noxum qui lui avait tiré dessus sans la moindre crainte. Elle savait qu'aucun de ses tirs ne pouvaient lui faire de mal. Elle en avait déjà d'autres à l'œuvre et elles étaient bien moins dangereuses que dans son rêve. Elle posa la main sur son arme et d'une légère pression lui intima de la baisser. Liouk abaissa son arme, pas parce qu'il se sentait rassuré, mais parce que manifestement, elle n'avait aucun effet sur elle.

            Ils se remirent en route tous les trois vers le campement, silencieusement. Larani restait  pensive. Liouk, lui affichait un regard vide. Raphaëlle les suivait peu rassurée : tout ça c'était de l'esbrouf et elle le savait. Si il avait été plus vif d'esprit il aurait pu se servir de son arme plus utilement avec un simple coup de crosse sur son crâne et elle se demandait quand il comprendrait que même sans ça les deux pourrait l'amener de force où ils le voulaient, les Noxums semblaient deux géants à côté de son petit mètre soixante... Mais voilà elle était affamée. Au moins tant qu'elle restait avec eux, elle aurait droit à un repas.

            En arrivant, Larani fouilla son sac, qu'elle avait posé sur une branche et tendit à Raphaëlle un morceau de galette avec une sorte de pâte blanche, enrobé d'un linge blanc. Elle le sentit, ça semblait être une sorte de fromage frais. Elle en coupa un bout et mordit dedans avec conviction. Elle sourit en pensant qu'avant elle aurait sûrement fait la dégoûtée si on lui avait proposé de tel mets dès le matin. Mais à présent, elle en savourait chaque saveur, elle connaissait la véritable faim.

            Liouk, avait préféré un morceau de viande séché. Tout en mâchonnant la viande il continuait d'observer Raphaëlle. Il s'adressa à Larani :

_C'est pas normal.

            Larani le regarda.

_Tu n'avais pas à lui tirer dessus, dit-elle en coupant un morceau de pain.

_Et alors? Elle n’a même pas sourcillé! Larani, cette chose n'est pas normale!

_Et alors? Tu crois vraiment qu'on nous aurait envoyé si loin de Rêmes pour récupérer un vulgaire Skavak? Bien sûr qu'elle est particulière.

_Non, mais on doit se dépêcher de s'en séparer. On se remet en route le plus tôt possible, on l'amène au point de rendez-vous et c'est fini.

_Tais-toi un peu Liouk, et mange...

_Non écoute moi Larani, je ne connais pas ton histoire, mais je sais que tu as bien plus d'éducation que moi. Et tu sais tout comme moi qu'aucun être vivant sur toute cette foutue planète n'est insensible à l’Énergie C'est comme si tu me montrais un être vivant qui a pas besoin d'eau pour survivre, ou de nourriture...

_Oui, et alors? Elle appartient à une espèce que nous ne connaissons peut être pas. Tu sais bien que des naturalistes découvrent de nouvelles espèces assez souvent...

_Oui des insectes, de minuscules rongeurs mais pas ça, dit-il en pointant du doigt Raphaëlle.

            Raphaëlle fixa Liouk, et même si elle ne comprenait pas le sens de ses mots, le ton qu'il employait lui permettait de saisir le mélange de crainte et de colère qui animait le Noxum.

            Liouk se remis à manger en silence. Larani aussi restait silencieuse. Elle fouilla dans son sac pour y chercher sa pipe. Elle aimait avoir ses mains occupées lorsqu'une idée la submergeait. Et c'est justement ce qui lui arrivait aujourd'hui... Et si elle décidait de modifier ses plans? Non, ce serait une folie... Et pourtant avait-elle vraiment envie d'aider ces révolutionnaires en papier que sont les Gardiens de la Liberté à récupérer un être comme Raphaëlle? Alik les avait contactés par ignorance, mais Larani savait parfaitement qu'il ne valait pas mieux que ceux qu'ils combattaient.

            Après tout ça faisait combien de temps qu'elle travaillait pour eux ? Un peu plus de deux ans maintenant... Et lui avait-il donné ce qui lui revenait de droit ? Non, rien, elle n'avait rien récupéré de son héritage, même pas un caillou de la terre qui lui appartenait. Elle ne leur faisait pas assez confiance pour confier la petite créature à des gens qui n'en ferait qu'un outil politique.

            Et Liouk dans tout ça? Oh qu'il aille au diable si il n'acceptait pas de la suivre. Elle pouvait très bien se passer de son aide.

_Remettons nous en route Liouk, lui dit Larani.

_Quoi mais je n'ai même pas fini de manger !

_Il va nous falloir du temps pour atteindre Ethènes...

_Ethènes, mais qu'est-ce que tu racontes? Ethènes c'est dans la direction opposée de notre chemin.

_On la déposera après, je dois aller à Ethènes.

            Liouk se leva, donna un coup de pied dans son sac.

_Pourquoi tu veux aller là-bas Larani? Éructa-t-il, excédé. Cette mission ne s'annonçait pas aussi simple qu'il l'aurait souhaité.

_Tu n'as pas compris Liouk? Tu crois que c’est un hasard qu'elle soit insensible à l'énergie?

_Je m'en fous, je veux me débarrasser de ce truc! Je n'irai pas à Ethènes!

_Bien.

            Larani expira une volute de fumée, garda sa pipe dans sa bouche et  se baissa pour ramasser le sac dans lequel Liouk avait donné un coup de pied à l'instant. Elle remballait ses affaires. Liouk l'observait, les yeux hagards, surpris.

_Mais enfin Larani... Pourquoi tu fais ça? C'est juste une mission comme une autre, on prend un paquet, et on l'emmène à destination. On touche notre prime et fin.

_On nous prend pour des crétins Liouk, je n’ai jamais aimé ça. En plus je crois que j'en ai assez que les gardiens ne tiennent pas leurs promesses. Ça fait trop longtemps que j'attends cette prime comme tu le dis.

_Je ne te suivrai pas.

_Bien, dit-elle en se relevant pour être à sa hauteur, alors c'est ici qu'on se dit au revoir je présume.

_Mais, enfin... Qu'est-ce que ...

            C'était bien trop soudain pour lui. Il n'y comprenait rien. Elle posa sa main sur son épaule.

_Bonne route mon ami, lui dit-elle tout doucement.

            Liouk resta quelques instants immobiles en la regardant plier la tente, elle tendit un sac à Raphaëlle. Après tout, elle voyagerait avec elle, elle pouvait très bien accomplir sa part de travail. La créature fit un signe de tête avant de prendre le sac à dos sur elle. Liouk lui demanda encore de la suivre, de changer d'avis. Mais rien ne pouvait la faire revenir sur sa si soudaine décision.

            Larani tendit une cape à Raphaëlle. Celle-ci rabaissa la capuche au maximum sur son visage: il ne s'agissait pas de se faire remarquer sur le chemin.

            Liouk ne comprenait rien à son comportement. Elle était folle, il n'y avait aucun doute sur la question : d'un coup la voilà qui changeait tout au plan. Liouk savait qu'une telle manière d'agir déplairait aux gardiens et lui vaudrait l'exclusion pure et simple de leur groupe. Mais la Noxum avait ses raisons d'agir et elle connaissait quelqu'un qui à Ethènes la comprendrait sûrement.

            Larani poussa de sa main Raphaëlle pour lui intimer d'avancer.

_Alors tu pars comme ça? Demanda Liouk.

            Larani lui sourit. Un sourire simple, dans sa plus grande franchise, sans le moindre artifice.

_Souhaite-moi bonne route Liouk.

            Ce dernier dans un sursaut pointa son arme vers Larani.

_Je peux pas te laisser faire ça, si je reviens les mains vides, ils se passeront de mes services. J'ai besoin de leur argent, dit-il la voix tremblante.

            En voyant cela Raphaëlle comprit la situation, le Noxum ne pointait non plus son arme sur elle mais sur Larani. Une fois neutralisée, il pourrait toujours forcer Raphaëlle à le suivre par la force.

            Mais Raphaëlle sentait bien que ses intérêts la poussaient vers Larani. Après tout, elle, elle ne l'avait jamais menacée avec une arme. Elle s'avança donc vers Liouk, tentant de parître la plus sereine possible et lui retira son arme des mains. Elle se força à réprimer le tremblement de ses mains : bien que visiblement agé, si le Noxum le voulait il pourrait lui faire mordre poussière.

            Hébété, Liouk ne réagit pas. Larani avait déjà la main sur son pommeau, prête à dégainer. Raphaëlle jeta l'arme au loin et se dirigea vers Larani sans se retourner.

            Et elles commencèrent à marcher. Une longue route les attendait. Larani souhaitait profiter au maximum de la fraîcheur de cette nouvelle journée.

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