Chapitre 33 : Enigmes et trésors

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Aniah et son père se rendirent sur la sépulture de la femme d’Arch pour l’informer de la situation. Le père d’Aniah ôta la dalle qui recouvrait la fosse.

— Pourquoi fais-tu ça ? s’enquit-elle intriguée.

— Je respecte les consignes d’Arch pour lui envoyer un message. Le protocole indique : ouvre la tombe et penche-toi au plus près d’elle, expliqua-t-il.

— Ça n’a pas de sens ! Si c’est Mwrida qui sert de médiateur, pourquoi procéder à un quelconque rituel ? À moins que…

Aniah resongea à la réponse d’Arch quand on lui demandait comment les informations lui parvenaient. Et surtout, pourquoi avait-on besoin de se situer sur la sépulture de sa femme si l’on avait juste à parler à Mwrida ? Pendant que son père essayait de délivrer le message, elle persévérait à percer le mystère de ce moyen de communication étrange.

En reconsidérant les caractéristiques du mariage, elle paraissait avoir trouvé une piste. Les alliances demeuraient des artéfacts dont le lien apparaissait indéfectible. Malgré la mort d’un des époux, un couple de bagues continuait de produire cette connexion. Cette dernière muterait en une sorte de nouvelle jonction pour veuf. Une des adaptations envisageables semblait la transmission des pensées directement entre esprits, d’anneau à anneau. Cela expliquerait certainement pourquoi se trouver au plus proche du corps paraissait impératif.

— Oui ! J’ai trouvé ! s’extasia-t-elle.

— Chut ! Tu vas nous faire repérer, rétorqua son père nerveux. Des sbires du Majestic 13 rôdent sûrement encore dans les parages.

Justement, en voilà qui se déplacèrent dans leur direction. Ils retournèrent aussi vite et discrètement que possible sur leurs pas, car la situation devint trop dangereuse pour eux. La voie semblait libre. Aniah, curieuse, décida de partir suivre la piste des pilleurs de tombe. De plus, elle disposait d’un passe-droit au sein des locaux de l’Y, elle pourrait ainsi les surveiller sans trop de crainte. Pour sortir des lieux, ils utilisèrent le petit bateau attaché au ponton, non loin de leur position.

Une fois à l’extérieur, son père descendit de l’embarcation, sur la berge la plus proche et rentra à pied jusqu’à la maison, car contrairement à sa fille, lui ne pouvait pas les traquer là-bas. Aniah poursuivit donc toute seule les brigands. Elle prit soin de s’amarrer un peu avant d’atteindre l’Y. Ceci lui permettait d’emprunter tranquillement l’entrée principale pour ne pas éveiller de soupçon. Arrivée à l’intérieur, elle commença à mener son enquête. À la vue de la taille du sarcophage, ils éprouveraient du mal à le dissimuler. Elle se rendit dans le niveau inférieur secret, là où Wain travaillait sur la résurrection de Mwrida. Son intuition féminine l’avait bien guidée. Elle entendit au loin, dans le couloir, des bruits de pas. Au rythme de leurs cadences, elle estimait à quatre le nombre d’individus. Nul doute, elle reconnut les bandits de la dernière fois. Soudain, elle aperçut comme un cinquième larron en marche dans leur direction.

— Vous êtes sûr que c’est le bon, interrogea une des personnes.

— Oui, nous avons tout vérifié, confirma un autre.

— Bien, sécurisez-le, nous le récupérerons au printemps prochain, l’enfant attendra l’hiver prochain.

Aniah n’en croyait pas ses oreilles. Était-ce un membre de la troisième couche ? Cela en avait tout l’air. Deux rendez-vous étaient évoqués. Comment savoir à quelles dates elles correspondaient ? En tout cas, cela laisserait environ une dizaine de mois au Majestic 13 pour disposer du projet Neophoenix, et un petit trimestre pour le sarcophage. Elle souhaitait connaître ce que contenait ce dernier, mais deux sbires étaient restés patrouiller dans le niveau. Elle décida de rebrousser chemin et de rentrer à la maison. En arrivant dans le hall d’entrée, elle se mit à attendre dans l’espoir de provoquer une rencontre avec un membre de la troisième couche. Les minutes s’écoulèrent et toujours aucun signe d’une personne suspecte. Il avait probablement dû emprunter un passage dissimulé pour quitter les lieux.

De retour au domicile, Aniah fit part de sa découverte aux autres. Son père voulait retourner immédiatement délivrer le message à Arch. Elle l’en dissuada, car ils ne possédaient pas la date exacte, tout juste un vague indice que ça serait au printemps. Wain, lui, disait qu’on devait venir en aide à l’enfant, donc patienter quasiment un an. Si déjà ce que réalisait le Majestic 13 semblait peu avouable, on osait imaginer jusqu’où Apex pourrait aller. Elle aussi désirait le sauver, mais ils n’avaient pas les moyens nécessaires pour faire face à leurs opposants.

— Attendez, je crois que j’ai compris. Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi cette guilde fait escale à Zenfei précisément le jour du solstice d’hiver ? questionna la mère d’Aniah.

— Ils paraissent peut-être fétichistes, répondit son époux.

— Ce que tu peux t’avérer bête ! Bref, je vous avoue que j’ai essayé d’y découvrir une raison derrière cela et je pense tenir quelque chose, expliqua-t-elle.

Selon elle, le choix du solstice ne semblait pas anodin. La différence entre cette date et les autres se trouvait sur le plan de la répartition du temps du jour et de la nuit. Pourquoi cela paraissait-il intéressant ? Il fallait garder en tête qu’Apex demeurait une guilde singulière, en effet, son siège était la Cité Céleste. Certes, elle se déplaçait librement sans que personne n’en sache quoi que ce soit, mais elle possédait quand même un ennemi de taille : le soleil.

Celui-ci pouvait trahir sa position grâce à l’ombre que celle-ci engendrait. Ceci provoquait des éclipses partielles vues du sol. Pour réduire au maximum ce désagrément, elle devait agir lorsqu’il ne représentait plus une menace et ce moment correspondait à la nuit. L’intérêt du solstice se basait sur le fait que cette dernière demeurait suffisamment longue pour que la guilde puisse réaliser ses petites affaires en une unique escale. Le père disposait des renseignements nécessaires afin d’avertir Arch.

En attendant le prochain retour d’Apex à Zenfei au printemps suivant, Aniah continuait de collecter autant d’informations que possible sur les projets menés par le Majestic 13. Elle espérait y trouver des éléments en référence au sarcophage dérobé au tombeau de Mwrida. Elle profitait de la candeur de son nouvel assistant pour l’aider dans sa tâche. Il demeurait gentil et adorait se rendre utile. De plus, il avait l’air beaucoup trop simplet pour que l’on se méfie de lui. Alors qu’elle complétait son mémoire, le directeur du laboratoire vint à sa rencontre.

— Bonjour, Aniah ! Comment allez-vous aujourd’hui ? s’exclama-t-il.

— Ah ! Bonjour, Monsieur ! Quelle surprise de vous retrouver, encore une fois ? fit-elle remarquer.

— Je voulais m’assurer que tu te sentais prête pour ta soutenance annuelle. Il te reste encore un an et tu décrocheras ton diplôme. J’ai le plaisir de t’annoncer que nous te réservons un poste à l’issue de ton doctorat. Cette offre s’avère valable sans limites de temps.

— Vous m’en voyez extrêmement flattée, s’enthousiasma Aniah.

— Et sinon, savez-vous quand Wain reviendra travailler ? demanda-t-il soudainement.

— Mon père lui fait suivre un programme de rééducation pour ses bras, renseigna Aniah. Il devrait être totalement remis à la fin de l’hiver au plus tôt. Donc je pense que vous le retrouverez au printemps.

— Excellent ! Nous l’attendons avec impatience, répondit-il.

C’était sur ces paroles que le directeur repartit. Qu’espérait-il du retour de Wain ? Souhaitait-il réellement le revoir ? Pourquoi avoir posté des agents autour de la maison ? Aniah n’y comprenait plus rien. Mais pour l’heure, elle devait terminer de rédiger l’ensemble des rapports qu’elle devait rendre sous peu.

En rentrant chez elle, Aniah alla s’entretenir avec Wain. Elle lui demanda de lui raconter le déroulement des rencontres avec les individus étranges. Elle souhaitait savoir quel rôle il jouait dans les entrevues. À chacune d’elles, il était chargé d’utiliser un artéfact permettant de dissimuler la Cité Céleste d’Apex pendant son escale. Lui seul possédait cet objet. Aniah commençait à comprendre l’importance de Wain aux yeux du directeur. Elle venait de prendre conscience d’une chose primordiale, ce dernier et lui n’appartenaient pas au Majestic 13. Ceci expliquait pourquoi le nouvel assistant d’Aniah semblait ignorer certains faits, il demeurait un vulgaire membre des couches extérieures, à l’instar d’Aniah et l’ensemble du personnel de l’Y. Le retour de Wain paraissait ainsi particulièrement crucial avant l’arrivée du printemps, car uniquement lui savait où se trouvait l’artéfact.

En faisant part de sa théorie avec ses parents, Aniah était convaincue que les sbires du Majestic 13 postés autour de leur maison cherchaient en réalité ce fameux artéfact. Ils n’en avaient donc pas après la vie de Wain, surtout pas. L’objet avait été façonné sur mesure pour que seul celui-ci puisse s’en servir. Le directeur souhaitait à tout prix le retour de son collègue, car confectionner un tel outil demandait plusieurs mois. La prochaine escale approchante, il ne disposait pas de ce temps. Néanmoins, rien ne lui interdisait d’en faire forger un en attendant, puis de se débarrasser de Wain une fois son aide utilisée. Ce dernier représentait un trop grand danger pour l’intégrité de l’organisation. Celle-ci avait peur que sa stratégie d’employer des individus naïfs se retournât contre elle.

Les nouveaux amis de Wain cherchaient un moyen de faire en sorte que le directeur ne puisse pas se passer de lui, pour qu’il ne l’élimine pas. S’ils semblaient sûrs qu’il ne périrait pas jusqu’à l’escale suivante d’Apex, ils ne pouvaient pas le certifier pour la fois où la Liste Noire débarquerait.

— Si seulement nous pouvions obtenir un retour d’Arch, cela nous aiderait beaucoup à nous organiser, déclara le père d’Aniah.

— Si nous voulons sauver Wain, lancer une attaque pendant qu’il paraît intouchable se révélerait intéressant, car hélas, je crains que l’on ne puisse pas assurer sa sécurité jusqu’au prochain solstice d’hiver, avoua la mère.

— Je vais essayer d’amadouer le directeur, suggéra Aniah. Nous devons impérativement obtenir plus d’informations sur la date de l’entrevue avec Apex au printemps. Après, le reste de l’opération relèvera du ressort d’Arch quant au choix de leur arrivée.

— Si je peux vous aider à m’aider, confia Wain, le directeur est un fan inconditionnel de l’équipe d’Arkball de Zenfei. Je me souviens qu’à chaque visite de ces personnes peu commodes pour recueillir les documents, lui il assiste à la rencontre de cette équipe.

— Bien sûr, s’exclama le père, le Tournoi de la Renaissance, il a toujours lieu au printemps. Le match d’ouverture oppose systématiquement Zenfei à un autre club national. Et détail important, la date de cet évènement correspond au jour de l’équinoxe.

Finalement, Wain leur avait apporté beaucoup d’informations. Il s’était avéré plus utile que tout le monde le pensait. Aniah et son père se remirent en route vers le Temple de Mwrida pour renseigner Arch de leurs nouvelles découvertes. Cette fois-ci, le souterrain semblait désert. Toutefois, cela n’empêchait pas de rester sur ses gardes. Le père envoya donc leur deuxième message. Aniah réfléchissait à un moyen d’exploiter ce lien de veuf. Elle espérait pouvoir obtenir un retour d’Arch. Malheureusement, le corps de la femme de ce dernier demeurait inerte. Quand bien même Arch répondrait à leur appel, il n’y avait pas de médiateur pour retranscrire les pensées de celui-ci. Et la conception d’un artéfact paraissait impossible, car le propre d’un cadavre consistait à ne plus posséder une quelconque forme d’énergie, aussi bien vitale que spirituelle. Alors qu’elle demeurait en pleine réflexion, elle entendit du bruit en provenance de l’entrée des catacombes.

— Vite papa ! Cachons-nous, suggéra Aniah.

Les pilleurs de tombes de la fois dernière se trouvaient de retour.

— Récupérez-moi cet instrument ! Bande d’incapables ! s’écria probablement le chef.

— Je te parie qu’ils n’ont pas pensé à prendre la clef du sarcophage, chuchota le père.

— Ne peuvent-ils pas simplement employer la manière forte pour l’ouvrir ? demanda Aniah.

— D’après des historiens, les Primas utilisaient ces sarcophages comme châtiment ultime pour punir les hors-la-loi les plus dangereux. Ils fabriquèrent des clefs pour permettre leurs descellements, au cas où le besoin s’en ferait ressentir, informa-t-il.

— Tu es en train de me dire que le Majestic 13 se trouve en possession d’un grand criminel de l’ère primal ? interrogea Aniah peu rassurée.

— Euh… oui, je crois. Nom d’un artéfact, nous devons les empêcher de mettre la main sur cette clef. Je ne sais pas ce qu’ils préparent, mais c’est loin de paraître de bon augure.

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