Chapitre 41 : Plus qu'une amie

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La vie sur la Cité Céleste paraissait agréable. Seneth semblait avoir mis en retrait sa rancœur et vivre pleinement sa nouvelle situation. Il devait tenir encore au moins six mois, alors autant laisser de côté le passé et se focaliser sur le présent, mais surtout l’avenir. Avec Aniah, ils peinaient à maintenir un niveau médiocre au cours du premier trimestre d’enseignement. Leurs faibles résultats les empêchaient de progresser au sein de leur assignation respective. Seneth ne pouvait pas participer aux missions clandestines. Aniah devait se contenter de la documentation.

Les deux jeunes n’oubliaient pas la raison pour laquelle ils se trouvaient ici en premier lieu, malgré les divers événements récents. L’enchaînement des péripéties les avait amenés là où personne ne l’aurait imaginé : au cœur même de la guilde Apex. Ils souhaitaient en profiter pour récolter le plus d’information possible. La première observation reposait sur l’architecture du siège. On pouvait compter quatre niveaux souterrains dédiés aux laboratoires et huit, à la surface, consacrés aux différents services. Le dernier d’entre eux se trouvait réservé au département de la direction. Il était nommé la Citadelle et représentait le point culminant. Depuis leur arrivée, Alendahl n’avait pas l’air de quitter les hautes sphères. Pour chaque strate de la ville, il fallait montrer patte blanche. Aniah ne pouvait se rendre que du premier niveau à la surface jusqu’au deuxième souterrain. Seneth bénéficiait d’un droit d’accès aux trois premiers étages, pour parvenir aux bâtiments de sa division.

À cause de ses mauvais résultats, Aniah ne pouvait pas pénétrer dans les laboratoires les plus enfouis. Elle ne pouvait pas se joindre à l’équipe de savants sur les sarcophages. Elle profita de son temps avec les chercheurs pour en découvrir davantage sur Apex. Elle commença son investigation au niveau zéro, à la surface. L’endroit demeurait globalement désert. Cet étage de la cité n’était pas fortifié contrairement aux autres. Aniah avait l’impression qu’il était destiné à faire office de champ de bataille. Les probabilités que la guilde se fasse attaquer paraissaient nulles. Mais c’était sans compter sur la famille d’Arch et ses alliés.

Pour accomplir sa quête de connaissance, elle devait se trouver des amis pour se simplifier la tâche. Malheureusement, comme elle n’avait pas accès aux étages supérieurs, elle ne pouvait pas se rendre dans les lieux et bâtiments publics. Pour rencontrer des gens, cela aurait pu s’avérer très pratique. Elle n’avait donc pas le choix, elle devait se contenter des savants qu’elle côtoyait.

Alors qu’Aniah se dirigeait vers la bouche d’entrée des laboratoires, elle croisa une personne au loin, près de la porte donnant sur le premier niveau. Afin d’attirer son attention, elle usa d’un stratagème en feignant de tomber. La cible accourut vers elle.

— Est-ce que ça va ? s’enquit la femme.

— Aïe ! Ouh là, là… s’écria-t-elle.

L’inconnue accompagna Aniah jusqu’à un banc près de l’ouverture souterraine.

— Merci pour votre aide ! déclara chaudement Aniah.

— Ne vous inquiétez pas, c’est tout à fait normal, répliqua-t-elle.

— Laissez-moi me présenter, je m’appelle Aniah.

— Enchanté, je suis Navarre Baum.

La chance frappa de nouveau. Aniah semblait sur le point de se faire sa première amie à Apex. Cette dernière lui demanda si elle voulait venir se reposer chez elle, mais malheureusement, Aniah ne possédait pas les autorisations pour s’y rendre. Encore une fois, la fortune lui sourit. Navarre demeurait la responsable de la division de la sécurité intérieure. C’était donc son service qui était chargé de la gestion des accès au sein de la Cité Céleste.

— Dîtes-moi, Aniah, vous êtes nouvelle à Apex ?

— Ah ! Eh bien, je suis arrivée depuis quelques semaines seulement. Je travaille pour le compte de Wain.

— Je vois, vous vous trouviez avec la dernière équipe du cinquième sarcophage. Bien, je vais regarder de mon côté pour augmenter vos privilèges afin que nous puissions jouir de la terrasse de la taverne.

— Oh ! merci beaucoup, c’est très aimable de votre part, s’enthousiasma Aniah. Et vous, cela fait longtemps que vous vivez ici ? profita-t-elle de ce moment pour lui soutirer quelques informations.

— À dire vrai, je ne sais pas tellement. J’ai eu un accident il y a une vingtaine d’années. Il a provoqué une perte de mémoire chez moi. J’ai repris connaissance à l’hôpital, au quatrième niveau.

— Oh ! je suis navrée de ce qu’il vous est arrivé, déclara Aniah attristée.

— C’est gentil, mais cela remonte à bien longtemps maintenant. Mon mari m’a aidé à traverser cette étape difficile.

— Vous avez de la chance de pouvoir compter sur quelqu’un. Si Seneth ne se trouvait pas à mes côtés, j’ignore si je parviendrais à tenir aussi durablement loin de ma famille.

Navarre devait repartir à ses obligations. Elle sembla très heureuse de sa rencontre avec Aniah. Même si, elle ne pouvait pas le demeurait plus que cette dernière. À présent, elle repensait à son accident. À vrai dire, elle n’avait pas réellement cherché à savoir les circonstances de son amnésie. Désormais, elle avait envie de faire la lumière sur cette affaire. Son esprit se trouvait envahi par une horde de questions. Le seul qui pouvait être en mesure de l’aider semblait son époux.

Le soir, de retour à la maison, Aniah raconta son étonnante journée à Seneth.

— Comment a été ta journée ? demanda Aniah.

— Une véritable corvée, comme d’habitude, répondit-il lassé. Je dois me ressaisir, mes notes dans les cours doivent vraiment progresser, j’en ai assez d’être le larbin de service… Et de ton côté, arrives-tu à tenir ?

— Au risque de te surprendre, j’ai vécu une excellente journée, partagea-t-elle. J’ai fait la connaissance de la responsable du département de la sécurité intérieure.

— Est-ce qu’il s’est passé quelque chose de grave ?

— Non, pas du tout. Je suis tombée sur elle totalement par hasard. Elle s’appelle Navarre Baum.

Seneth avait l’air perdu dans ses pensées.

— Est-ce que tu vas bien ? s’enquit Aniah.

— Oui, ce n’est rien. Ce nom me semble familier, mais je n’arrive pas à savoir pourquoi.

— Ah ! bah, si cela te revient, fais-m’en part. Elle souffre d’amnésie alors toute information paraît bonne à prendre.

Le lendemain, Aniah continua son investigation dans les laboratoires le temps que Navarre lui accorde plus de droits. Elle lisait les documents en lien avec les dépouilles de Primas. Elle trouva un extrait intéressant qui mentionnait la découverte des sarcophages. Il avait été rédigé par le département des opérations extérieures. Aniah récupéra le manuscrit pour pouvoir le montrer à Seneth comme il œuvrait pour les auteurs du texte. Elle espérait qu’il pourrait ainsi mener l’enquête de son côté. Finalement, son champ d’action demeurait très limité. Les deux premiers niveaux souterrains servaient principalement d’entrepôt et de salles de réunion. Au cours de son inspection, elle y croisa Wain.

— Salut Aniah ! lança Wain.

— Coucou ! répliqua-t-elle. Tu tombes bien, je me posais quelques questions et je pense que tu peux répondre à la plupart d’entre elles. As-tu un peu de temps ?

— À mon plus grand regret, oui, je m’avère libre. Je devais participer à une réunion avec Alendahl, mais il fait face à un empêchement de dernière minute. Du coup, je me trouve à ton entière disposition pour le reste de la matinée.

— En parlant d’Alendahl, concrètement, quel rôle joue-t-il au sein de la guilde ?

— Je ne sais pas, je n’ai pas accès en permanence à la citadelle, le niveau où il se situe. Je ne lui fournis que des retours terrain et il me donne des objectifs.

— Cela lui arrive-t-il de quitter la Cité Céleste ?

— Ce n’est pas impossible, selon moi. Mais dans quel but ? Je l’ignore. En revanche, je pense qu’il doit consacrer une très grande partie de son temps à s’entraîner. Il n’a qu’une obsession : devenir le premier à maîtriser la pyramide de la magie.

— Sais-tu s’il se trouve loin de son objectif ?

— Je soupçonne qu’il possède les capacités des shamans et des protéistes. Je suppose qu’il ne lui reste plus qu’à assimiler les techniques animistes. Mais prend ce que je te dis avec des pincettes, cela ne demeure que des hypothèses.

Wain devait partir. Aniah n’avait pas l’air plus avancée dans sa quête d’information. Elle décida de retourner chez elle. Elle aurait ainsi beaucoup de temps pour revoir ses cours. Le fait de travailler ses leçons lui permettrait d’obtenir de meilleurs résultats. L’amélioration de ses notes lui accorderait enfin l’accès aux derniers niveaux des laboratoires. Elle se lança dans un effort acharné pour parfaire ses connaissances. Elle se donna tellement à la tâche qu’elle s’assoupit sur la table. Soudainement, des coups à l’entrée se mirent à retentir. Aniah se réveilla en sursaut. Elle s’y précipita.

— Oui ? demanda-t-elle haletante.

— Aniah ! c’est Navarre.

La porte s’ouvrit.

— Merci de m’accueillir. Je suis venue vous apporter votre nouveau laissez-passer. Je vous invite à m’accompagner, nous allons l’essayer. Je vous avais dit que je souhaitais vous convier à prendre un verre à la terrasse de la taverne, rappela-t-elle à Aniah.

— Oui, avec plaisir, accordez-moi le temps de me changer et de paraître plus présentable, répondit Aniah.

Désormais, avec sa nouvelle autorisation, Aniah avait accès au premier et deuxième niveau, mais surtout, elle pouvait se rendre dans les quatre sous-sols et prospecter tous les laboratoires. Navarre l’accompagna au travers du siège afin de lui donner une visite des environs. Sur le chemin, elle lui avoua ne pas avoir réellement d’amis. Elle n’arrivait pas à se lier aux individus locaux. Elle se sentait différente et ne parvenait pas à se l’expliquer. En se confiant à Aniah, elle prit conscience que sa vie reposait uniquement sur son mari.

— Votre mari, où l’avez-vous rencontré ? demanda Aniah.

— Lorsque je me trouvais encore à l’hôpital, je devinais l’aura d’un homme qui se situait constamment à mon chevet. Je me disais que, si le personnel médical autorisait sa présence, il devait être un proche parent.

— L’était-il ? s’enquit Aniah.

— Quand j’ai pu rouvrir les yeux, je le voyais, assoupi sur son fauteuil.

— Et alors ?

— Rien. Il demeurait un parfait inconnu. Je n’éprouvais absolument rien à son égard. Et quand il se réveilla. Il avait l’air submergé d’émotion. Je lui ai demandé qui il était. Il fut surpris de ma question et me répondit naturellement qu’il était mon mari. J’avais effectivement une alliance à mon doigt et elle semblait correspondre à celle qu’il portait.

— Vous n’avez pas d’enfants ?

— Non, les médecins ne parviennent pas à m’expliquer pourquoi je ne tombe pas enceinte. Avec le temps, lassés par tous ces essais, nous avons décidé de tourner la page.

— Mais du coup, comment vous êtes-vous rencontrés ? La première fois.

— Il m’a raconté que nous constituions un binôme en dernière année, au centre d’apprentissage. Une chose en entraînant une autre, nous nous sommes très vite rapprochés et devenus inséparables.

— Et votre amnésie, à quoi est-elle due ? continua de questionner Aniah.

— Personne ne sait. Je me situais sur Arnès pour le travail et mon mari attendait mon retour à la maison. Les heures tournaient et il ne me voyait toujours pas rentrer. Il perdit patience et vint me chercher. Quand il me trouva, je souffrais d’une grave maladie.

— Et vous vous êtes réveillée à l’hôpital du siège, ajouta Aniah.

Les deux femmes échangèrent tout l’après-midi. Navarre considérait jusqu’alors sa vie comme acquise, mais sa rencontre avec Aniah l’amena à tout remettre en cause. Des détails qu’elle estimait insignifiants ne se le montraient plus désormais.

Aniah avait beaucoup appris auprès de sa nouvelle amie. Ce qu’elle venait de découvrir pourrait grandement servir à Seneth dans son investigation de sa division. La raison principale restait que le mari de Navarre y demeurait haut placé. Elle avait entendu la version de sa femme. Afin de prouver la véracité de ses propos, elle souhaitait les recouper avec l’histoire de l’époux. Et son intuition féminine lui criait de se méfier de ce dernier. Elle ne lui faisait pas confiance et comptait sur Seneth pour conforter son pressentiment. Toutefois, elle veilla à ne pas le montrer auprès de Navarre. Elle la sentait suffisamment confuse et ne voulait pas la troubler davantage.

Avec toute cette histoire, Aniah n’avait pas réussi à avancer autant qu’elle l’espérait dans ses cours. Sa soirée risquait de devenir plus longue que prévu.

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