Chapitre 20 : Le manoir de Cassiobury

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La caravane franchit les portes de Jérusalem au matin de leur sixième jour de traversée du Désert. La troupe se dirigea immédiatement vers le bâtiment assurant la mission diplomatique Batave en Palestine.

— De Bruyn, essaye de retrouver la piste de ces forbans. Je vais m’entretenir avec le consul pour en savoir plus sur ce Surcouf et ses activités.

Van Verhagen entra dans le consulat, Chui sur ses talons. La panthère ondulait à ses côtés, les reflets violets de son pelage tacheté chatoyant sous le soleil levant. Il gravit un grand escalier de marbre avant de se retrouver dans la salle à manger, faisant face au consul qui prenait son petit déjeuner en compagnie de son épouse. C’était un homme d’une quarantaine d’années, grand et maigre, avec une moustache grise, des paupières tombantes sur des yeux gris pâle, un nez aquilin et une calvitie débutante. Sa femme semblait être l’exacte opposée. De vingt ans sa cadette, elle était aussi large que haute. Ses bajoues gonflées accentuaient l’effet de ses minuscules yeux marrons rentrés dans leurs orbites et son nez en trompette révélait deux grosses narines frémissantes qui humaient avec envie le fumet du coquelet qui venait d’être déposé sur la table.

A la vue de la jeune femme, Chui poussa un feulement et retroussa ses babines qui dévoilèrent des canines d’un blanc ivoire aussi acérées que la pointe d’un couteau. Van Verhagen lui gratta le sommet du crâne et dit à haute et intelligible voix :

— Non, ma chérie, ce genre de goret n’est pas comestible, tu risques une indigestion.

La femme du consul entendit les paroles du capitaine, et, choquée, avala de travers un grain de raisin qui lui resta en travers du gosier. Son visage passa du rouge au violet tandis que ses bras battaient l’air inutilement. Son mari se leva en panique et tenta vainement de l’aider, ses bras frêles peinant à faire le tour de l’imposante poitrine de sa femme. Vaast s’amusa de la scène, tandis que Chui attendait patiemment que son repas soit prêt à être dégusté. Dans une tentative désespérée, le consul donna une grande tape dans le dos de son épouse. Elle cracha le raisin qui traversa la pièce pour atterrir sur le pourpoint du capitaine, le maculant d’une tache pourpre. La pauvre femme reprit sa respiration à force de cris et gestes et lança un regard noir à son invité-surprise.

Le consul se rassit et s’adressa à leur hôte, un rictus de colère sur le visage.

— Van Verhagen ! Que me vaut le déplaisir de votre visite ? J’espère que vous n’êtes pas venu que pour essayer de tuer ma femme ! Vous m’avez déjà fait l’injure de copuler avec ma précédente épouse dans mon propre lit ! Sachez que vous n’êtes pas le bienvenu dans ma maison ! Alors, soyez bref, et disparaissez avant que je ne vous mette dehors.

Le capitaine sourit au souvenir de cette plaisante évocation.

— Ne vous inquiétez pas, mon cher, si votre précédent choix était des plus agréables à mon goût, je ne risque pas de récidiver aujourd’hui. Je les aime bien en chair mais pas à ce point indigestes. Et puis, la raison qui m’amène aujourd’hui est bien plus grave que la frivolité des problèmes que vous soulevez.

La femme du consul rougit de honte et de colère devant les insinuations de Van Verhagen, mais son mari ne broncha pas, coutumier de la cruauté du capitaine à l’encontre de ceux qui osent lui faire face. Il poursuivit :

— Vous n’êtes pas sans savoir que Sa Majesté m’a chargé d’ouvrir une route fluviale à travers l’Afrique pour acheminer secrètement nos diamants depuis nos mines jusqu’à la capitale, sans risquer de nous les faire dérober par des pirates et flibustiers en passant par la mer.

— Oui, j’ai cru comprendre que vous aviez trouvé une route empruntant les Nils jusqu’au Serengeti.

— C’est inexact et approximatif, mais soit, concéda Van Verhagen. Eh bien, sachez que des forbans ont réussi à me déposséder de l’un de mes coffres. Aidés par l’un de mes esclaves, ils ont dérobé mes diamants à proximité d’Assouan. Je suis depuis leur piste qui m’a conduit jusqu’à Jérusalem. Ils sont six, dont mon ancien garde et le voleur Abu Kheldar. Leur chef est une pirate du nom de Zélia. Avez-vous eu vent de leur passage ici ?

— Je n’ai pas eu connaissance de cela, non, répondit le consul. Savez-vous à la solde de qui ils travaillent ?

— Oui, j’ai cru comprendre qu’ils travaillent pour Surcouf. Un ancien ami du roi Louis, parait-il.

— Le roi Louis est mort, c’est son épouse Elizabeth qui gouverne la France désormais. Écoutez, je vais me renseigner sur ce corsaire et son équipage, et je vous tiendrais informé de mes avancées. Mais, si vous souhaitez en apprendre davantage sur la destination de vos fuyards, je vous conseille de sonder les auberges et bordels de la ville. Taverniers et prostituées ont la langue bien pendue, et les hommes saouls ou nus ont tendance à confier aisément leurs plus profonds secrets.

De son côté, De Bruyn sillonna les auberges de la Ville Sainte à la recherche de la trace des fuyards. Le son cristallin des diamants était facile à reconnaitre, et il trouva rapidement l’auberge dans laquelle Azimut et ses compagnons avaient séjourné. Il fut surpris par le faste de l’établissement, qui contrastait avec la discrétion recherchée par les pirates jusqu’alors. Il interrogea la tenancière sur les motivations de Zélia à venir à Jérusalem.

— Je ne sais pas, mais cette troupe était des plus étonnantes. Deux femmes qui semblaient diriger les quatre hommes. Deux anciens esclaves, un voleur aux mains coupées et un grand brun maquillé qui jouait du violon.

— Et que cherchaient-ils ?

— Ils devaient avoir quelqu’un ou quelque chose à faire disparaitre, car ils ont passé leurs journées autour du mont Zion.

— Faire disparaitre quelqu’un ?

— Oui, répondit la tenancière. Pour cacher un secret, il n’y a pas meilleur endroit que le mont Zion.

— Je vois… dit De Bruyn. J’irais demain faire un tour vers ce mont Zion. Peut-être trouverais-je là-bas des indices sur la suite de leur voyage.

— La suite de leur voyage, oh, il n’est pas nécessaire de chercher bien loin. En quittant l’auberge, Zélia m’a demandé quatre chevaux pour rejoindre Jaffa au plus vite, afin de traverser la Méditerranée.

Fort de ces informations, ce n’est qu’à grand regrets que De Bruyn se résigna à éliminer la tenancière de l’auberge pour lui soutirer les diamants que l’Amazone lui avait donné.

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John Hardy frissonna en revoyant pour la première fois depuis un an les hauts murs de pierre du manoir de Cassiobury. La vigne vierge qui habillait le premier étage semblait avoir poussé de quelques mètres et le soleil de fin de matinée se reflétant dans les immenses baies vitrées donnait à l’édifice l’air d’un château dans le ciel baigné d’une lumière divine. Il prit une grande inspiration, ses narines se remplissant de l’odeur familière de sa maison. Les sabots de son cheval sonnaient sur l’allée gravillonnée qui menait au manoir. Sur son chemin, il croisa des visages surpris de voir leur maître de retour après un si grand voyage.

Il déposa son cheval à l’écurie, et fut servi par un palefrenier qu’il ne connaissait pas. Il entra dans le manoir par la porte de derrière, comme à son habitude, certain de surprendre Ella, la vielle cuisinière qui servait sa famille depuis qu’il était enfant. Mais lorsqu’il entra dans la cuisine, elle aussi avait été remplacée. L’homme qui semblait avoir pris possession des cuisines de Cassiobury fut plutôt désagréablement surpris qu’un inconnu vienne déranger son travail et il fallut à Essex près d’un quart d’heure pour le convaincre qu’il était le maître des lieux. Il traversa le château de part en part pour trouver son épouse, assise derrière son bureau d’ébène. Elle était tellement plongée dans son travail qu’en entendant la porte du bureau s’ouvrir, elle vitupéra sans lever les yeux du livre de comptes qui lui faisait face.

— Atkinson, ne vous ai-je pas dit que je ne souhaitais être dérangée sous aucun prétexte. Je dois finir la comptabilité de mon mari avant demain soir. Nos terres ont été gérées avec un tel dilettantisme ces dernières années…

— Je vous le concède, ma Dame, et je serais ravi de vous épauler pour terminer cette tâche avant la date butoir.

En entendant la voix familière de son mari, Scarlett laissa tomber sa plume et releva la tête.

— John ! Vous ici ? Oh je… je suis désolée, je ne voulais pas…

— Ne vous inquiétez pas, ma Dame, je vous pardonne aisément. Il est vrai que la tenue du livre de comptes n’était pas ma tâche favorite. Je suis rentré de mission il y a quelques semaines, mais je me suis retrouvé coincé à Londres sans pouvoir retrouver mon cher comté d’Essex. Cependant, je remarque que Cassiobury a bien changé en un an. J’ai été accueilli par un jeune ladre qui ne me connaissait pas et j’ai été surpris de ne pas reconnaitre l’odeur familière de la soupe de Miss Cutner, en passant dans les cuisines.

Le visage de Scarlett s’assombrit.

— C’est vrai, je suis désolé, j’aurais dû vous écrire, aimé. Miss Cutner nous a quitté cet hiver. Une mauvaise toux lui a ôté la vie, malgré les bons soins de notre médecin. Si vous aviez vu la quantité de flegme qu’il arrivait à extraire tous les jours de ses poumons. La pauvre cuisinière a souffert pendant près d’une lune avant de rendre l’âme.

— Vous m’en voyez bien attristé. Il faut dire qu’elle avait de la ressource et je ne suis pas étonné qu’elle ait combattu vaillamment la maladie. Le remplaçant que vous lui avez trouvé est guère commode. Il m’aurait fait quitter ses cuisines à coup de balais, si la lavandière qui passait par là ne m’avait reconnu.

— C’est juste, il est un peu bourru mais il cuisine la volaille comme personne. Vous y goûterez certainement ce soir. Comment s’est passé votre voyage ? Avez-vous réussi à satisfaire la Reine ?

Essex perçut le double sens du discours de sa femme. Il se rappela les nombreuses nuits passées en compagnie d’Elisabeth et de la lueur d’une chandelle, dans la chambre de son épouse, lorsqu’il avait quitté Cassiobury en compagnie de la Reine, un an plus tôt. Il baissa les yeux, submergé par les remords.

— Vous savez comme moi que la Reine obtient ce qu’elle souhaite. Mais pour ce qui est de la satisfaire pleinement, c’est là une entreprise impossible. J’ai rempli une partie de la mission qui m’étais confiée et ai retrouvé la mère de l’enfant qu’elle poursuit. Mais je n’ai toujours pas percé le mystère qui lie Louis et Éléonore, et il me faudra certainement retourner en Italie tôt ou tard.

— Je préfèrerai que ce soit tard, répondit-elle sur un ton acerbe. J’ai ouï-dire de vos frasques transalpines. Les rumeurs vont bon train, même de ce côté de la Manche, et il me semble que vous avez fini dans une geôle florentine pour les beaux yeux d’une énième trainée italienne…

— Caterina n’est pas une trainée, je vous interdis…

Le visage de Scarlett était rouge de colère.

— Vous m’interdisez ? Vous ne m’interdirez rien du tout, Essex. Je suis votre femme, et vous avez passé bien trop d’années à m’humilier publiquement par les errances de votre virilité. Si mon père avait eu vent de votre réputation, avant de me marier à vous, il n’aurait jamais osé souiller l’honneur de sa maison en la liant à la vôtre. Si vous étiez guidé davantage par votre esprit que par votre vit, vous auriez fait prospérer ce Comté comme il le mérite plutôt que l’abandonner à l’état de décrépitude avancée dans lequel vous me l’avez confié.

John Hardy à son tour se laissa submergé par ses émotions.

— Et si vous étiez plus intéressée par la chose que par les chiffres et le profit, peut-être que le rendement de notre mariage serait plus fertile que la jachère aride que vous me proposez, Scarlett !

— Comment osez-vous ! Hurla-t-elle, hors d’elle. Je vous interdis…

— Et moi je vous répudie ! Partout, les rumeurs ont couru sur mon impuissance. Douze années passées à vos côtés sans me donner un héritier ! Mes maîtresses venaient à moi sereinement et presque en se moquant, persuadées de mon incapacité à les féconder ! Mais c’est vous, Scarlett, vous qui êtes aussi stérile que frigide ! Votre con est un erg aride impropre au bourgeonnement de la moindre semence. Oh, oui, vous pouvez vous targuer de faire croitre les chiffres dans un livre de comptes, mais il ne sortira jamais de vos cuisses autre chose que la déception que vous m’offrez depuis si longtemps.

Vaincu par ce déferlement de haine. Scarlett se leva, sa mâchoire tremblante, et disparu en sanglotant, son visage dans les mains. Essex se rendit soudait compte de la violence de ses propos. Il venait de perdre toute contenance, et s’était comporté comme un vulgaire voyou et déshonoré la noblesse de son rang. Il avait pourtant prévu de discuter calmement de cela avec son épouse et de poser les bases d’une désunion de bonne foi, mais il s’était laissé complètement débordé par la situation. Il regretta chaque mot, chaque parole qu’il venait de prononcer. Cependant, il était allé trop loin pour espérer revenir en arrière. Il n’avait que quelques heures devant lui pour préparer son argumentaire. Il s’installa à son bureau resté vacant, et commença à rédiger ses excuses, tout en préparant son l’exposer des raisons soutenant sa demande de divorce. Plongé dans ses pensées, il ne remarqua pas l’agitation qui régna dans le domaine tout le reste de la matinée et de l’après-midi.

Vers dix-neuf heures, Atkinson, son vieux majordome, l’invita à le suivre jusqu’à la salle à manger. John ramassa ses notes et se prépara mentalement à affronter sa femme. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit que l’ensemble du ban du comté avait été convoqué. Chevaliers, vicomtes et barons étaient réunis dans la grande salle du manoir. Le long des murs, des hérauts alignés derrière les chaises de leurs maîtres portaient fièrement les couleurs de leurs maisons. Au bout de la table, Dame Scarlett portrait une grande robe de gueule aux trois cimeterres manchés d’or et aux lames d’argent pâle, pointe à senestre et tranchantes en haut, représentant le blason du comté d’Essex. D’un rapide regard, il balaya l’assemblée et vit les regards accusateurs de ses vassaux. Sa place n’était pas à côté de celle de sa femme, mais une chaise vide à l’autre bout de la table, seul, accusé par des dizaines de regards complices.

— John Hardy, comte d’Essex, asseyez-vous ! Ordonna Dame Scarlett d’un ton grave.

Il s’avança et prit place, défiant sa femme du regard. Elle continua.

— J’ai convoqué le ban en ce jour pour décider du sort de notre union. Pendant près d’un an, vous m’avez confié l’administration du Comté, disparaissant sous le couvert de la nuit dans le carrosse de l’Infante Elizabeth, désormais Reine de France et de Navarre. Je vous ai pleuré des nuits durant, espérant votre retour prochain. Et voilà que j’apprends il y a quelques jours que vous êtes de retour à Londres. Pas une lettre, pas un message adressé à votre épouse pendant ces longs mois. Et pas une pensée pour vos sujets à votre retour au pays. Les rumeurs vont bon train et certains de mes vassaux m’ont informé vous avoir vu en compagnie d’une italienne au ventre bombé. Mon cher Mari, qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Essex fut pris au dépourvu. Il avait prévu, dans sa tête, tout un plan pour préparer le terrain, jauger ses vassaux et les convaincre d’accepter la répudiation de Scarlett. Mais elle l’avait pris de court. Elle le confrontait directement, à peine rentré, et le mettait face à ses contradictions. Comment pouvait-il se positionner en sauveur, en maître des lieux, alors même qu’il avait abandonné ses terres et son domaine depuis de longs mois, confiant à sa femme le soin de les administrer. Il se racla la gorge et se leva.

— Ma chère épouse, mes chers vassaux. Il est vrai que mon départ a été plus que précipité, mais j’ai été investi d’une mission bien précise que l’Infante Elizabeth m’a confiée. Quelques années plus tôt, elle a chargé Oxford de retrouver la piste d’une maitresse de feu le roi Louis et de son fils bâtard. Oxford l’a retrouvée, mais il a trahi la reine pour protéger cette femme et son bâtard. Tous trois ont disparu et Hedingham est tombé sous la juridiction du comté d’Essex. C’est pour cela que la Reine m’a chargé en personne de retrouver cette femme. J’ai alors embarqué mon neveu, Tom Hardy, à travers l’Europe pour suivre la trace de cette Éléonore. Cette mission s’étant soldé par un succès, je suis revenu en Angleterre avec ma prisonnière. C’est à Londres qu’elle est retenue captive et c’est pour cette raison que je n’ai pas quitté la capitale, bien que mon cœur et mon âme me suppliaient de rentrer à Cassiobury. J’ai attendu d’obtenir les aveux de ma prisonnière avant de revenir et c’est la première chose que j’ai faire une fois ma mission accomplie. Quelle n’a pas été ma joie de revoir mon épouse et ma tristesse d’apprendre la mort de notre cuisinière bien-aimée. Quel bonheur que de vous retrouver, mes chers vassaux, dans la grande salle de ma maison. Vos visages m’ont manqué et j’ai hâte de partager avec vous les prochaines semaines, apprendre les bonnes nouvelles de cette dernière année et entendre vos doléances. Je…

Scarlett le coupa.

— Il suffit. J’ai réuni le Ban afin que vous vous expliquiez sur cette Italienne que vous avez ramené de Florence et sur les rumeurs qui circulent à son sujet. Qui est-elle ? est-elle vraiment enceinte ? De vous ?

Essex hésita. Il jaugea rapidement les regards tournés vers lui et se rendit à l’évidence : il ne pouvait échapper au sujet brûlant qui faisait pétiller de désir les yeux de ses vassaux. Tous attendaient, impatients, de connaître les détails de cette histoire. Il se racla la gorge.

— J’ai rencontré Caterina.

— Ah, la catin a donc un nom, l’interrompit de nouveau Scarlett.

— A Florence. C’était la femme de l’aubergiste qui nous a accueilli, Tom et moi, pendant quelques jours.

— Est-elle la raison de votre passage en prison ? Demanda un baron.

— C’est… oui, c’est exact. Et j’ai été sauvé au dernier moment par un courrier de la reine Elizabeth. Mais la grâce royale ne valait que pour moi. Caterina, quant à elle, est restée condamnée et conduite jusqu’au gibet. Je me suis senti responsable de son sort et nous l’avons sauvé, Tom et moi, et nous sommes enfuis. Je ne nierai pas avoir rompu une partie de mes vœux avec Caterina, et je m’en excuse devant vous, chers vassaux, auprès de mon épouse. Les rumeurs sont réelles, et Caterina porte en elle mon enfant.

Un murmure parcourut l’assemblée, les vassaux commentant à voix basse la nouvelle avec leurs voisins. Essex attendit que les chuchotements cessent avant de reprendre, sachant que la suite de son discours était la plus délicate, et décisive sur son futur en tant que comte. Il reprit.

— Je souhaite que cet enfant à venir devienne mon héritier, et je compte épouser Caterina. Le cas de notre bon roi Henri VIII a fait jurisprudence dans ce pays et Scarlett a été incapable, pendant de nombreuses années de me donner un héritier légitime… Je souhaite donc la répudier et faire de Caterina la Comtesse d’Essex.

Les murmures se muèrent en un brouhaha inaudible que domina la voix de Scarlett qui fulminait de rage.

— Comment osez-vous ! Demander à mon ban de me répudier alors que je vous ai servi toutes ces années avec amour et loyauté en dépit de vos aventures et de vos égarements. Je vous rappelle que vous êtes devenu comte grâce à un mariage forcé que mon père n’a accepté qu’à contrecœur devant l’insistance du roi pour la seule et unique raison que vous partagiez la couche de l’Infante. Mon père, comte d’Essex, a dû déshériter ses propres fils au profit d’un roturier de basse naissance tel que vous pour satisfaire les désirs de la perfide Elizabeth. Et vous avez l’audace de vouloir faire comtesse une étrangère infidèle à son précédent mari ? Quelle noblesse coulera dans le sang de votre bâtard ? Aucune sinon celle du parjure et de l’adultère ! C’est moi, moi qui prends la décision de vous répudier pour manquement à vos devoirs maritaux, John ! Et je convoque le ban pour m’investir comtesse d’Essex.

— Vous n’avez pas le droit…

— J’ai tous les droits ! Je suis ici chez moi, depuis des générations. Je vous banni, John, de mon lit et de ma maison. Que ceux qui sont d’accord avec moi se lèvent et le pointent du doigt.

Scarlett joignit le geste à la parole et se leva, tendant vers son époux un index tremblant. Les uns après les autres, ses vassaux l’imitèrent, et John Hardy perçut dans leur regard un mélange de rejet, de dégoût et de jalousie. Tous, sans exception, le pointèrent du doigt, et le rictus de Scarlett déformé par la colère, se transforma en un sourire vengeur et victorieux.

— Sortez, maintenant, avant que je ne vous fasse chasser par mes gardes. Partez, et ne remettez jamais un pied dans ce comté, John Hardy. Vous n’y êtes plus le bienvenu, conclut-t-elle.

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Alors que ses servantes la coiffaient et poudraient son visage, Elizabeth brisa le sceau de John Hardy et parcourut la lettre qu’il venait de lui envoyer. Elle songea :

Bien, il a réussi à faire parler cette catin. Espérons que Surcouf tombera dans le piège. Quant à Calloway, je me demande quand il finira par arriver à Londres…

Une fois habillée, elle quitta l’intimité de ses appartements pour rejoindre ses conseillers dans le cabinet de travail. Elle ne portait plus le deuil depuis le début du mois de juin, et arborait une robe Bleu-de-France, dont les lys épineux déployaient des pétales de roses. Cordieux affichait une mine sombre. A ses côtés, un homme à la chevelure blonde et au pourpoint doré était assis. Il avait le regard perçant et les épaules droites, regardant Cordieux d’un ton hautain. Il se leva et s’inclina devant la reine qui prit place et demanda à son ministre de la Guerre de lui faire le résumé des dernières avancées. Ce dernier s’éclaircit la gorge.

— La situation aux Antilles est redevenue stable. Avec le concours de la marine de votre père, nous avons repris le contrôle des îles, et maté les rébellions. Les premières livraisons de sucre sont arrivées à Brest le mois dernier. Les troupes royales ont débarqué deux bataillons à Portland et remontent vers la frontière canadienne pour bloquer les livraisons tandis que le reste de la flotte remonte le Saint-Laurent pour prendre les rebelles en tenaille. Aux dernières informations, ils étaient rendus aux portes de Québec.

— Voilà de bonnes nouvelles, répondit la Reine. Qu’en est-il des rébellions de mes chers cousins ?

— La Prusse est rentrée dans le rang dès que les troupes autrichiennes ont envahi la Silésie et Frédéric II a consenti à reconnaître votre légitimité. Pour ce qui est de l’Espagne, la situation est plus complexe. L’escadre envoyée par Legas au large de Cadix a été repoussée par les Espagnols, et nos navires se sont réfugiés à Gibraltar, protégée par les troupes de votre père. La guerre de course avec les Espagnols a repris de plus belle. Certes, le Roi d’Espagne a consenti à vous reconnaître comme souveraine légitime, mais il a fait revenir sa fille Eugénia de Londres au plus vite, et nous n’avons plus de moyen de pression. Mes informateurs tendant à confirmer les soupçons qui pèsent sur les Espagnols selon lesquels ils financeraient secrètement la révolte des Gascons en leur fournissant armes, vivres et munitions à travers les Pyrénées.

— Avez-vous des preuves tangibles ? Demanda Elizabeth. Je ne peux pas me permettre de l’accuser de trahison si je n’ai pas la certitude de ses actes.

— Malheureusement, je n’ai pour l’instant eut écho que de rumeurs et de témoignages informels, mais j’ai mis mes informateurs sur le coup, ma Reine.

— Merci. Et concernant les rébellions internes ? Où en sommes-nous ? Si j’ai bien compris, les Gascons ne sont pas rentrés dans le rang. Qu’en est-il du duc d’Orléans et des Bourguignons ?

— Justement, les choses avancent de ce côté-ci, et c’est la raison pour laquelle j’ai convié à cet entretien notre invité. Ma Reine, je vous présente le comte de Brie.

L’homme blond au catogan tourna ses yeux bleus vers la reine. Il étira ses lèvres en un sourire affable qui révéla une rangée de dents aussi blanches qu’alignées à la perfection. Sa mâchoire carrée rasée de près lui donnait un air fier et assuré. Il s’inclina devant la Reine et lui fit un baise main, puis Cordieux reprit.

— Le comte de Brie est un ami du baron de Saint-Brisson…

De Brie le coupa. Il avait une voix aiguë, et un sourire vicieux.

— Ami, c’est un bien grand mot… Dison que ce vieil homme connait du fait de son âge quelques… difficultés, et que je suis assez… intime avec sa jeune épouse.

Cordieux semblait irrité par l’audace du comte de parler ainsi devant sa Reine, mais cette dernière parut au contraire intéressée par le manque de tact de son invité. Ses yeux sombres pétillaient de désir.

— Épargnez-nous ces détails ridicules, reprit Cordieux. Cela étant, le baron de Saint-Brisson est un vassal du comte de Gien dont il a épousé la cinquième fille, lui-même vassal du duc d’Orléans.

— Le traitre, donc, maugréa Elizabeth.

— Lui-même, ma Reine, répondit De Brie. Et sachez que Louis-Philippe a convoqué son ban, et demandé à ses vassaux de rassembler leurs troupes. Je ne sais pas ce qu’ils préparent mais ils ont prévu de se réunir dans quelques semaines à Dijon, avec les troupes bourguignonnes.

— Les troupes bourguignonnes ? demanda Elizabeth. Mais… la Bourgogne n’est-elle pas une généralité sous ma coupe… Si mes souvenirs sont exacts, le jeune Marquis de Chaillou en est l’intendant, n’est-ce pas ? Je dois avoir quelque part sa lettre d’allégeance, qu’il ma renouvelée à la mort de mon mari, dieu ait pitié de son âme.

— Absolument, ma Reine, c’est même vous qui l’aviez suggéré comme intendant au roi Louis quelques années avant sa mort, et il vous est resté fidèle. Cependant, la noblesse dijonnaise ne veut pas de lui. Ils le disent trop jeune et trop ambitieux. Aussi, lorsque vous avez repris la tête du royaume, Charles-Henri Feydeau de Brou, grand soutien du roi Louis et ancien intendant de Bourgogne, est revenu à Dijon et s’est autoproclamé Duc de Bourgogne, titre qui vous revient de droit.

— Le traître, lui aussi. J’aurais sa tête ! Et qu’en est-il du Marquis de Chaillou ?

— Ma Reine, répondit Cordieux, nous n’avons pas de nouvelles d’Antoine Léon Anne Amelot de Chaillou depuis la défection de la Bourgogne. Il doit avoir été fait prisonnier par le félon de Brou. Mais justement, c’est la raison de la présence de notre invité, le comte de Brie…

— Ah oui, c’est vrai. Elizabeth se tourna vers l’homme et le toisa d’un regard hautain. Pourquoi donc un vassal de ces renégats est-il dans mon cabinet de travail ?

— De Brie a eu l’idée de se rendre avec ses troupes à ce rassemblement et de se faire passer pour un insurgé. Il vous propose d’être en quelque sorte votre taupe au sein de la rébellion.

La Reine tourna vers son hôte un regard interrogateur dénotant une pointe d’intérêt.

— J’imagine que votre sympathie n’est pas désintéressée. Qu’avez-vous à y gagner ?

— Ma Reine, je suis votre dévoué serviteur, mais il est vrai que si je peux joindre l’utile à l’agréable… j’aimerai étendre mon influence, et lorgne depuis quelques temps sur le comté de Gien, dont dépendent le baron de Saint-Brisson… et sa charmante épouse…

— A votre guise. Si votre entreprise est fructueuse et vos informations profitables, vous aurez le comté de Gien. Elle marqua une pause avant d’ajouter en souriant. Et si vous me ramenez la tête de Louis-Philippe, je vous ferai Duc d’Orléans !

Devant la surprise de De Brie qui ne s’attendait pas à un tel traitement de faveur, elle se pencha en avant et lui susurra à l’oreille.

— Filez, Comte ! Et si vous me satisfaites, peut-être vous inviterai-je à fêter votre succès dignement… dans l’intimité de mes appartements.

— Je…

La Reine se redressa, et profita de l’effet que sa proposition avait eu sur le Comte.

— Ah oui, encore une chose, ajouta-t-elle. Tom ?

A l’appel de son nom, le neveu d’Essex entra dans la pièce.

— Comte, je vous présente le lieutenant Tom Hardy.

Tom rougit à l’évocation de son nouveau grade militaire.

— Le lieutenant a une mission de la plus haute importance. Je vous demande de l’escorter, lui et son peloton, jusqu’à Dijon. Si besoin est, vous pourrez utiliser ses hommes pour mener à bien votre mission.

— A vos ordres, ma Reine, répondit De Brie en s’inclinant.

— Filez-maintenant, et ne me décevez pas !

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Comme tous les jours, le port de Jaffa était en ébullition. En interrogeant les capitaines des navires qui chargeaient ou débarquaient leurs marchandises, De Bruyn comprit rapidement que Zélia avait eu bien du mal à trouver un navire. Tous avaient eu vent de la réputation sanglante de Van Verhagen et avaient refusé de prendre à leur bord la compagnie des pirates. Bon nombre d’entre eux confirmèrent que les fuyards cherchaient à rejoindre la côte algérienne, du côté de Constantine. L’un d’entre eux leur confirma même avoir cru voir une femme rousse monter à bord d’un vaisseau phénicien. Fort de ces informations, De Bruyn s’occupa de réquisitionner un navire marchand Hollandais sur le point de lever l’ancre, et de le dérouter vers Annaba. Il se retourna vers la jeune femme qui l’accompagnait pour mettre en place la seconde partie de son plan.

— Annika, ce soir, tu seras libre.

La jeune femme le regarda, éberluée :

— Pardon ? que voulez-vous dire De Bruyn ?

Elle eut un mouvement de recul lorsqu’il s’approcha d’elle, pour chuchoter à son oreille.

— Je ne peux plus supporter de voir le capitaine te traiter de cette manière, et chaque nouvelle cicatrice sur ta peau déchire mon cœur un peu plus. Mais j’ai un plan pour te libérer des griffes de ce tyran.

— Est-ce une nouvelle chasse à l’Homme que Van Verhagen a organisé ? Je ne veux plus participer à cela, De Bruyn. J’ai perdu espoir depuis longtemps, et le seul salut qu’il me reste est de mettre fin à mes jours lorsque mes dernières forces m’auront quittées.

Le second tenta vainement de la rassurer.

— Non, il ne s’agit pas de cela. Laisse-moi t’expliquer. Viens, asseyons-nous.

Il la conduisit à l’écart de la cohue, vers une charrette vide, tandis que ses hommes chargeaient les provisions sur leur navire marchand. Elle leva vers lui un regard dénué d’émotion. Le second prit une grande inspiration et déclara.

— Écoute, je me ronge les sangs chaque jour de te voir dépérir aux côtés de Van Verhagen. Tes cris hantent mes nuits et tes cicatrices me rappellent chaque matin l’enfer qu’il te fait vivre. Je ne peux plus supporter cela.

La jeune femme le regarda avec un dédain mortel, et cracha à ses pieds en ironisant.

— Oh… pauvre De Bruyn. Je suis navré d’apprendre que mes souffrances perturbent ton sommeil. Je vais essayer de rester silencieuse, à l’avenir.

Le second, le visage atterré, posa sur son bras une main réconfortante.

— Non, absolument pas, ce n’est pas ce que je voulais dire… Simplement que... j’ai discuté avec le médecin, et nous avons un plan. Ce soir, nous levons l’ancre. Je ferais tout pour retarder notre départ. Dès lors que le capitaine en aura… euh… fini avec toi, tu lui demanderas de te rendre à l’infirmerie, d’accord ? Sous couvert de la nuit, le médecin te conduira jusqu’à une chaloupe depuis laquelle tu pourras rejoindre le port. J’ai prévenu le couvent et, une fois sous la protection des sœurs, Van Verhagen ne pourra plus jamais t’atteindre.

Annika semblait sceptique.

— Tu me demandes de renoncer à ma liberté pour me consacrer à Dieu ? Merci, mais je préfère encore rester ici que de quitter cette prison pour une autre. Ton capitaine m’a fait perdre la foi, et je ne veux pas vouer mon existence à un Dieu qui m’a conduit entre les mains de cette ordure.

— Tu n’auras pas besoin d’y rester longtemps, tenta de la convaincre De Bruyn. Nous ferons croire à van Verhagen que tu t’es jetée par-dessus bord, et que tu t’es noyée. Il aura tôt fait de jeter son dévolu sur une autre malheureuse. Alors, tu pourras quitter le couvent et tenter de reconstruire ta vie, loin des atrocités de mon capitaine.

La jeune femme resta silencieuse un long moment avant d’incliner la tête.

— Je… je ne sais pas… Ma liberté signifiera le calvaire d’une autre femme. Je ne sais pas si je peux vivre en ayant ce poids sur ma conscience.

De Bruyn prit ses mains dans les siennes et lui adressa un regard paternel.

— Annika, si tu pars, tu ne peux pas être responsable de ce que fera Vaast. Tu ne peux pas t’accabler de tous les malheurs du monde. Et je te promets de protéger comme je le pourrais la prochaine favorite du capitaine, pour lui éviter de subir tes malheurs. Fais-moi confiance.

Elle finit par accepter à contrecœur et ils peaufinèrent leur plan.

Vers dix-huit heures, le navire marchand était prêt à appareiller. Le cœur de De Bruyn battait à tout rompre. Van Verhagen s’était installé dans la cabine du capitaine et avait enchaîné Annika au pied du lit, comme à son habitude, Chui à ses côtés. Le capitaine allait et venait sur le pont, distribuant ses ordres. A deux reprises, son second lui proposa de s’occuper lui-même des manouvres et des dernies préparatifs, pour qu’il aille se reposer, mais Van Verhagen ne l’écouta pas. Il semblait vouloir quitter Jaffa au plus vite. Quelques minutes avant leur départ, il reçut une lettre du consul de Jérusalem.

Capitaine Van Verhagen,

J’ai pu obtenir de nouvelles informations concernant ce Surcouf. La couronne m’informe qu’il n’est pas tenu en grande estime par notre marine. Il aurait eu plusieurs échanges de feu avec le Trincomalee puis coulé le Rattlesnake dans le canal du Mozambique. La France et l’Angleterre le poursuivent personnellement et la couronne Espagnole ne le tient pas dans son cœur non plus. Cependant, nous n’avons plus de nouvelles de lui ou de son équipage depuis des mois. Si cette Zélia était avec lui et qu’elle n’y est plus, c’est probablement que l’équipage s’est disloqué et que les pirates ont décidé de tenter leur chance chacun de leur côté. Peut-être compte-t-elle retourner à Tortuga avec les diamants.

Il replia soigneusement la lettre et la rangea dans la doublure de sa veste.

— De Bruyn, terminez les préparatifs. Je veux que nous ayons quitté le port dans l’heure. Est-ce bien clair ? Je vais écrire au Fancy afin qu’ils bloquent le détroit de Gibraltar. Nous allons coincer cette Zélia entre deux feux.

Il disparut dans sa cabine. De Bruyn poussa un soupir de soulagement, espérant que son plan allait enfin pouvoir être mis à exécution. Il tenta de ralentir au maximum le départ, mais lorsque l’heure fut presque écoulée, il dut se résigner à se rendre dans la cabine du capitaine. Il frappa doucement.

— Entrez.

Le capitaine était assis à son bureau, en train de faire couler de la cire sur sa missive.

— Capitaine, c’est moi. Nous sommes prêts à appareiller.

Il retira sa chevalière en or et cacheta la lettre de son sceau.

— Bien. En route. Il me tarde de croiser cette Zélia et de récupérer mes diamants.

De Bruyn tenta de croiser le regard d’Annika, mais la jeune femme lui fit comprendre d’un signe de tête que le capitaine ne l’avait pas touchée.

— Laissez-moi donc apporter cette lettre au pigeonnier, capitaine, et reposez-vous. Je m’occupe de notre appareillage.

Vaast lança un regard lubrique en direction d’Annika avant de se détourner.

— Non, je viens avec vous. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas senti les vagues et les embruns sur mon visage. Cela me manque.

Ils refermèrent la porte sur la pauvre Annika, enchainée au lit. Le plan était tombé à l’eau.

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