Présentation de la présentation

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Me présenter?

Un jour, sur un forum, on m'a demandé de me présenter. Et ça m'a pris de court Qu'entendaient-ils par se présenter ? Donner son nom? son adresse? parler de ses friandises préférées, ou bien de ses premières peines de coeurs? Et puis, je ne voyais pas pourquoi je le ferais. Les forums, en général, c'est rempli d'inconnus bizarroïdes, me répétait ma mère. Quoique je ne trouvais pas ce forum là très effrayant. Tout au plus une poignée d'écrivains, un peu fous, comme moi, un peu passionnés, comme moi, et peut-être complètement jetés, un peu comme... bah comme moi. J'établissais néanmoins une stratégie. Je voulais relever ce défi, qu'importait les contraintes. Pour commencer, j'ai relu les règles.

Le défi se nommait simplement "bonsoir". L'on avait pas le droit aux stéréotypes du genre "j'ai les yeux marrons, j'ai la peau brun", ce qui, à mon sens, impliquait directement de rentrer dans l'intime, ou dans l'original. Dans le psychologique, plutôt que dans le visuel. Quand je pense à moi, la première caractéristique qui me vient à l'esprit, c'est que je "prends sur moi". Voilà voilà. Premier pas dans mon atmosphère. Je prends sur moi. Nous voici bien avancés, ou pas du tout. Je voulais confirmation. Je lâchai mon ordi, descendis, et demanda à ma mère si je savais prendre sur moi. La réponse a été claire et définitive; "non". Bon. Trouvons autre chose.

Ah oui, j'ai la peau noire. C'est étrange. On dirait une caractéristique physique, mais moins "physique" que les autres. C'est pas comme avec les yeux marrons. La peau noire, on imagine une histoire, un mixage, une épopée, un témoignage, une vision différente du monde. Bah non plus. Donc j'ai la peau noire, et je ne sais pas prendre sur moi.

Confronté à la difficulté de l'exercice, je trouvais néanmoins que j'avancais, à ma manière, dans cette description de ma personne. Je réfléchissais ensuite aux derniers trucs que j'avais fait. Apparemment, ça aide, de se rappeler de certains épisodes, et d'en tirer des conclusions sur sa personnalité. Dans le premier souvenir qui me revient, j'étais bourré, mais encore conscient, et je frappais une grille de fer, parce que j'étais triste et particulièrement énervé, grâce à cette merveille que les cubains ont appelé le "mojito". Cela me conduisit à penser que j'étais un connard. C'est peut-être par là qu'il aurait fallut commencer. Un connard. Quoique si j'avais commencé par là, on m'aurait reproché de me dénigrer, et de manquer de confiance en moi. Pas très folichon, comme description, d'avouer que l'on est con.

Bref. Comme disait mon prof de philo, tout cela me parut fort décousu. J'avais perdu le fil, je commençais à paniquer. C'était comme si cette description était devenue un exercice vital, que je voulais parler de moi, mais que les mots ne venaient pas. Alors je décidais de céder au banal. "J'aime bien jouer au football, j'ai 21 ans, j'ai une passion pour les jeux vidéos, en ligne, avec les copains, parce que je les aime bien aussi, mes copains, voilà, je suis sociable, et dynamique." Des bribes d'infos, du réchauffé, allais-je vraiment donner une présentation recevable? Il me restait une solution.

Je consultai le bottin. Et appelai une psy pour un rendez-vous. Mon copain Albert, il m'a dit que les psys, ça réglait tous les problèmes. Une semaine plus tard, j'étais dans son bureau, Elle a sorti un calepin, en faisant accidentellement tomber son carnet de chèques, et m'a demandé ce qui me tracassait. Je lui ai répondu, dans la même veine, "comment me qualifieriez-vous?" Elle m'a alors montré un sofa, dit de m'allonger, puis de parler. Un examen profond lui permettrait d'en savoir plus, sur moi, et donc de me "qualifier". Au bout de 5 minutes, j'avais mal au dos, aux zigomatiques, et je voulus arrêter l'exercice. J'ai réglé les 50 euros, et je suis parti. Bah vous savez quoi? Eh bien Albert, il m'avait menti.

Je suis rentré chez moi, tout découragé. Je louais un studio à l'époque, et je devais composer avec les bruits, tous les bruits de la vie en commun. Mais il y en a un qui, ce jour là, provoqua un déclic particulier. Ma voisine du dessus jouait du violon. C'était beau, c'était mélodieux, et ça ravivait quelque chose en moi, une facette de ma personnalité que j'avais oublié il y a 5/6 ans, lorsque j'avais arrêté le conservatoire. La musique. Moi, j'aimais le piano. J'aurais bien écrit une ode à la musique. Une série de vibrations, de secousses, de sensibilités, la seule chose qui, pendant ces dernières années, suscitèrent un intérêt dans ma vie. Le piano. Je répétais ce mot dans ma tête, d'un air rêveur et faussement philosophe. Le piano. J'aurais du commencer par là, mais ce sera le mot de la fin. La musique symbolise tout ce que je respecte; c'est la capacité à être transporté, à rêver, et à s'évader, à partir d'une simple série de vibrations, pour aboutir à l'apothéose.

Enfin, je tiens un truc. C'est vrai que je rêvais souvent, que j'imaginais beaucoup. Pendant que les autres écoutaient les cours d'histoires, je me voyais sur le dos d'une baleine, en train d'affronter un dragon gigantesque ou un lion de némée. L'optimisme. Rêve et optimisme, deux choses ontologiquement différentes, mais allons, nous ne sommes pas là pour finasser, comme dirait l'autre. J'y crois. Je ne sais pas. Que ce soit pour faire un exercice de présentation voué à l'échec, pour créer un monde meilleur, ou pour écrire, tout simplement. J'y crois. Et je ne voudrais pas continuer à écrire des banalités sur ma personne, car, au fond, tout est là.

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