Chapitre Quatorze

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En franchissant le portail pour retrouver l'animation de la rue, Matt et Melody clignèrent des yeux, un peu étourdis. Les voitures qui passaient devant eux en vrombissant, les piétons qui discutaient, tout formait une cacophonie bien différente du calme qui régnait dans le parc de Warren Hall. Il leur semblait que même l'air était plus respirable au milieu des arbres touffus du parc.

D'un même mouvement ils se retournèrent. Le portail en fer forgé, imposant, était toujours ouvert, les invitant à revenir. Matt était clairement tenté et il n'était même pas capable de comprendre pourquoi. A présent, il pouvait apercevoir un morceau du bâtiment principal, au bout de l'allée de terre. La propriété restait immense, à ses yeux bien trop grande pour abriter une école ; il ne parvenait d'ailleurs toujours pas à saisir cet acharnement à l'égard des élèves.


Laer les avait raccompagnés pendant un bout de chemin, avant de revenir sur ses pas, affirmant qu'il allait se faire transformer en furet s'il était encore en retard en classe. Un éclat de rire avait ponctué sa phrase et par réflexe Matt et Melody avaient ri, eux aussi. L'humour du jeune homme les laissait perplexe, mais il avait pris le temps de leur expliquer pourquoi William et le reste des élèves de St John avaient une si piètre opinion à leur sujet.


Déjà, à l'époque de leurs parents, et de leurs grands-parents, Warren Hall n'était que peu considérée. Les élèves venaient d'un peu partout, à travers les Etats, quelques familles résidant néanmoins à Danvers. Laer avait évoqué de vieilles craintes qui n'avaient pas disparues, sans entrer dans les détails. Il avait en revanche insisté sur les superstitions des habitants de la ville. Tout se résumait à une histoire de croyances qui perduraient. Puis il leur avait conseillé de se méfier de William et de sa bande.


« Il a un mauvais esprit. Il vous blessera s'il le peut. » Puis il avait profité de l'inattention de Melody pour la désigner du menton, jetant à Matt un regard évocateur que le jeune homme avait bien compris. Il devait veiller sur sa petite sœur, plus que d'habitude.


En les laissant, Laer avait ajouté une phrase qui avait surpris Matt.

« De toute évidence, vous êtes les bienvenus à Warren Hall. Revenez me voir, à l'occasion. »


De toute évidence, vous êtes les bienvenus... ?


****


D'un commun accord, Matt et Melody décidèrent de taire leur petite incursion à Warren Hall, en particulier auprès de Jules. Si d'ordinaire, Melody répugnait à avoir des secrets à l'égard de son frère jumeau, le savoir ami avec une brute telle que William lui faisait réviser son opinion.

Lorsque le lendemain matin, Jules quitta la maison pour se rendre au lycée en claquant la porte, sans avoir prononcé une parole, Melody sut qu'elle faisait le bon choix.


Cela n'avait pas été facile pour elle, mais elle avait également fini par consentir à porter la jupe longue de l'uniforme de St John. Matt le lui avait conseillé, ne serait-ce que pour calmer les esprits et éviter qu'elle ne soit à nouveau ennuyée.

Lorsqu'elle traversa la cour de St John et que les filles de sa classe l'accueillirent avec un sourire aimable, et non pas avec la froideur qu'elle lui réservait depuis des jours, Matt sut qu'il avait bien fait d'insister. Il n'aurait pas supporté qu'il arrive quoi que ce soit à sa sœur. Et, surtout, il n'aurait pas su se contrôler.


A son tour, il fit face à ses camarades de classe. William le dévisageait avec un air victorieux que Matt jugea particulièrement malsain. Il semblait persuadé que Matt allait venir lui présenter ses excuses, à présent que même sa sœur rentrait « dans les rangs ». Matt lui rendit son regard, passa près de lui sans s'arrêter et franchit la porte d'entrée du bâtiment.

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