Beth se réveille dans de l'eau sombre. Celle-ci est froide, opaque, et l'entraine lentement vers le fond. Paniqué, elle regarde autour d'elle : elle est seule. La jeune fille sent le désespoir l'envahir, et l'envie de vivre la quitter. Alors qu'elle cesse de nager, quelque chose retient son attention. Une lumière à la surface, pâle et faible, semble l'inciter à remonter. L'espoir revient en elle, et Beth se met à nager, avec une vivacité nouvelle, en direction de la lumière. Luttant contre le manque d'oxygène, elle crève la surface de l'eau noire. Elle émerge enfin, et prend une grande goulée d'air. Après quelques brasses, elle atteint la berge sablonneuse. Elle s'extirpe de l'eau avec difficulté, et se traine sur le rivage. Beth se met difficilement debout. Son corps est lourd, ses jambes semblent peser plusieurs tonnes. Après quelques minutes à chercher son équilibre, elle fait un premier pas hésitant. Elle faillit tomber, mais se redresse au dernier moment. Elle fait un deuxième pas, puis un troisième : elle retrouve l'usage de ses jambes. Maintenant, Beth avance droit devant, sans regarder où elle marche. Soudain, son pied s'enfonce dans quelque chose de mou. Elle déglutit, et baisse lentement la tête. La chose à ses pieds la rempli d'effroi : un corps. Il est brûlé, ses membres sont disloqués, son visage est couvert de sang. Ses yeux vitreux la fixent. Beth recule, terrorisé, retenant un cri. Elle trébuche et tombe. La jeune fille se redresse, et regarde l'obstacle qui l'a fait tomber. Un autre corps. Et il y en a des cinquantaines d'autres, calcinés, déchiquetés, brisés puis amoncelés en tas. L'odeur du sang l'assaille, l'empêchant de respirer. Elle porte la main à sa bouche et à son nez, puis se relève.

C'est la guerre.

C'est alors qu'elle l'entend. Le hurlement du loup. Son sang se glace. D'anciennes terreurs resurgissent devant ses yeux, lui arrachant un cri d'horreur. Les larmes lui brouillent la vue, et sa respiration s'accélère. Le hurlement reprend de nouveau, plus grave. Cette fois, ce n'est pas pour la prévenir de leurs présences. C'est pour lancer la traque. Beth se relève malgré la peur qui la paralyse, et entame une course folle au milieu du sang et des cadavres.

Elle les entend, les loups sont juste derrière. Ils grognent, et font claquer leur puissantes mâchoires. Elle accélère, sautant par-dessus des corps empilés. Les loups sont de plus en plus nombreux à la traquer, sortant de derrière des collines de corps ou des trous creusés dans la terre.

Au bout de quelques minutes, Beth sent son corps l'abandonner. Elle est à bout de souffle, ses jambes sont douloureuses, ses poumons menacent d'exploser à chaque instant. Mais l'adrénaline l'aide à oublier la douleur qui lancine son corps. Alors elle court, sans s'arrêter et sans se retourner. Ou c'est la mort.

Pendant une seconde, elle ralenti très légèrement, espérant être assez loin de ses traqueurs pour s'accorder de petites secondes afin de reprendre son souffle. Mais un des loups la traquait en silence. Et pour lui s'offre l'occasion de la tuer. Il bondit alors, d'un élan rapide et puissant, et s'apprête à lui sauter à la gorge. Mais au dernier moment, Beth s'écarte et roule sur le côté. Sans lui laisser le temps de reprendre ses esprits, elle se relève brutalement et reprend sa course désespérée. Le loup se redresse à son tour, et la prend de nouveau en chasse, plus enrager que jamais. Alors qu'elle court, Beth sent son haleine sur sa jambe gauche. Elle entend sa respiration saccadée, ses grognements menaçants. Il n'est plus qu'à quelques mètres. Elle tente de lui échapper en zigzaguant, mais le loup reste juste derrière elle. Sa mâchoire claque, prête à lui déchiqueter sa jambe. L'effroi la gagne, lui donnant l'envie de vomir.

Mais Beth ne cède pas à la panique. Hors de question de se laisser terrorisée. Elle continuerai de courir, jusqu'à que mort s'ensuive. Mais elle trébuche. Beth à juste le temps de se protéger le visage avec ses mains. Alors qu'elle se prépare à l'impact, elle continue de tomber dans le vide. Elle ouvre les yeux : devant elle s'est ouvert un trou. Il fait au moins dix mètres de longueur, sept de largeur, et au moins douze de profondeur. Beth pousse un cri strident, et s'écrase sur le sol meuble comme une pierre. L'impact est violent, et la sonne. Quelques secondes après la chute, une douleur aigu se fait sentir dans ses bras, son ventre, ses jambes. Elle relève difficilement la tête vers le ciel, dans l'espoir de voir de l'aide. Mais non. Les loups sont tous rassemblés au bord de la crevasse. Leurs yeux brillent d'une haine farouche, leurs crocs étincellent, leurs fourrures tâchées de sang s'ébouriffent au moindre souffle de vent.

« C'est l'heure, songe Beth. »

Des larmes glissent sur ses joues.

C'est la fin.