Une vie d'encre et de papier

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Dans la pénombre de la nuit, seulement éclairée par la faible lumière de sa lampe, elle écrit. Sans un mot. Les siens coulent comme un fleuve dont le bruissement de l’eau est le grattement du stylo qui court sur la feuille. Les aiguilles tournent, les pages se multiplient.

— Tu fais quoi ?

— J’écris.

— Tu écris quoi ?

— Des histoires.

— De quoi elles parlent ?

— De tout, de rien… ça dépend de l’inspiration.

— Et moi, je suis quoi ?

— Toi, tu es l’un de mes personnages.

— Je ne suis pas n’importe lequel, pas vrai ?

— En effet. Tu es spéciale.

— Pourquoi ?

— Parce que tu es celle que je n’ai pas été, que je ne suis pas et ne serai probablement jamais. Tu es les rêves que je ne réaliserai pas, les folies que je ne me permettrai pas. Tu n’as pas mes regrets ni mes remords. Tu es forte, tu sauras te relever après chaque chute, puisque c’est moi qui t’écris. Tu sauras rebondir dans toutes les mauvaises passes et tu verras de la lumière même s’il n’y a plus qu’une étoile dans ton ciel puisque c’est moi qui t’écris. Tu es une image de la perfection. En somme, tu es tout. Mais tu n’es pas moi.

— Je suis une version de toi idéalisée, alors ?

— Oui, en quelque sorte.

— Comment tu m’imagines ?

— Tu es cette fille qui fait de la balançoire, suspendue à la lune et entourée d’une belle nuit étoilée.

— Et tu voudrais être moi ?

— Oui et non. J’aime beaucoup cette image que je viens de te donner, et je voudrais être aussi forte que toi, mais je ne veux pas de ta vie trop parfaite. Je veux le bonheur, et je crois que la perfection n’est pas une de ses clés.

— Alors je ne serai jamais heureuse ?

— Si, tu l’es car tu ne vis que sur mes feuilles.

— Et je ne deviendrai jamais réelle ?

— Tu l’es, mais juste pour moi.

— Mais si tu ne veux pas de ma vie, pourquoi tu continues de m’écrire ?

— Parce qu’écrire ta vie de personnage suffit à alléger la mienne. Les mots sont un poids, et quand tu ne les laisses pas s’échapper, ils t’alourdissent et te gênent. Ta vie d’encre et de papier, c’est le fardeau que j’ai déposé pour vivre ma vie, et non pas chercher en vain une vie idéale.

Elle suspend son stylo, parcourt des yeux les lignes qu’elle a écrites puis pose sa plume sur son tas de feuilles. Les prochaines noirciront en même temps que le ciel du lendemain.

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