Les Mœurs

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Toulouse, Hôtel de Police

Le commissaire Marc Fallières dirigeait l’antenne locale du service de répression du proxénétisme, que tout le monde appelait historiquement « les mœurs ». Juliette Delhuine connaissait Fallières de vue, mais elle n’avait jamais eu l’occasion de le fréquenter dans l’exercice de ses fonctions. Les équipes du commissaire travaillant pour une bonne part de nuit, les bureaux étaient plutôt déserts lorsqu’elle s’y pointa en fin de matinée. Après s’être présentée, elle exposa le contexte de sa visite.

« Comme vous le savez peut-être, nous avons retrouvé le corps du fils d’Aboubaker Belkacem dimanche midi, égorgé comme un mouton, dans le camion d’un commerçant forain sur le marché Cristal.

— Oui, j’ai entendu parler de ce meurtre hier. C’est toi qui es sur le coup ?

— En effet, mais ce n’est pas tout. Ce matin, les pompiers ont repéché le corps d’une femme qui flottait dans le canal, abattue de trois balles dans le dos.

— Ce n’est pas banal, en effet. En quoi est-ce que je peux vous être utile ?

— Et bien, une des hypothèses serait que cette femme soit originaire d’Europe de l’Est et on sait qu’il existe des réseaux qui acheminent des filles pour les mettre sur le trottoir, à Matabiau ou ailleurs. J’ai apporté une photo. Est-ce que vous pourriez la faire circuler dans vos équipes, au cas où quelqu’un la reconnaitrait ? »

Juliette fit passer un cliché de la malheureuse.

« Je vous enverrai une version électronique dès que je repasserai à mon bureau.

— Pas de problème, on va voir ce qu’on peut faire. Ce que je peux te dire, c’est que depuis quelques semaines, on a vu arriver de nouvelles filles, des Russes, dans les rues de Toulouse. Ça crée un peu de remous au sein du milieu établi, en particulier près de la gare.

— Est-ce que tu crois que Belkacem pourrait avoir commandité cette exécution ?

— Je n’aime pas beaucoup Belkacem, mais ce n’est pas vraiment son style. Une guerre entre gangs est la dernière chose qu’il souhaite. Ce serait très mauvais pour le business et ça braquerait trop de projecteurs sur lui. Le connaissant, il se serait contenté d’envoyer un message en abimant un peu la fille, mais pas trop. Juste assez pour la rendre inapte au travail, si tu vois ce que je veux dire.

— Genre vitriol ?

— C’est une méthode un peu désuète, mais c’est un peu l’idée.

— Mais si ça avait mal tourné ?

— Oui, c’est toujours possible, mais trois balles dans le dos, je te le répète, ce n’est pas trop dans ses méthodes.

— Je suppose que tu connais les habitudes de ses sbires.

— Oui, mais ne te risque pas toute seule dans ce quartier, tu seras repérée avant d’avoir quitté les Ramblas.

— Tu aurais quelqu’un pour m’aider à fouiller un peu par là ?

— Tu as de la chance, c’était calme jusqu’à ce que tu frappes à ma porte ! et si cette fille est une fleur de bitume, ça me concerne aussi. Je vais t’envoyer le lieutenant Pagès, il connait bien Matabiau et il a de bons indics. Si quelqu’un peut identifier cette femme, c’est lui.

— Je te remercie, dis-lui de me contacter dès que possible. Je dois aller voir Doumeng à l’IML, s’il pouvait m’y accompagner, ce serait super.

— Je vais voir ce que je peux faire. Bonne chance. »

Juliette regagna son bureau, satisfaite de ce renfort inattendu. Elle alla retrouver Samira et lui proposa d’aller déjeuner rapidement avant d’aller rencontrer Belkacem.

« Tu veux goûter les spécialités du bled ? demanda sa collègue.

— Pourquoi pas, j’avoue que ce n’est pas un quartier où je vais pour le plaisir, mais si tu connais une bonne adresse !

— Ne t’inquiète pas, on ne va pas rencontrer les hommes de Belkacem dans le boui-boui où je t’emmène. C’est un vrai petit bistrot familial où tu manges le meilleur couscous de Toulouse, mais s’il te plait, ne me fais pas honte en demandant un royal.

— Pas de risque, je ne suis pas trop viande !

— Bon, alors en route. On passera par chez moi d’abord, je vais prendre ma voiture perso, les nôtres sont trop reconnaissables. »

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