Face à face

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Ferme d’Aboubaker, près de Saissac

Fatima servait du thé à Aboubaker lorsque Selima entra dans la pièce. Belkacem prit le temps de boire une gorgée du breuvage brulant avant de s’adresser à la Libyenne.

« Tu as fait du bon boulot, je te félicite.

— Je n’ai fait que conduire un camion, ce que j’ai fait des dizaines de fois pour toi. C’est Radouane et ses gars qui ont fait le travail.

— Ne t’inquiète pas, j’en suis tout à fait conscient et je les ai déjà remerciés. Pour qu’une organisation comme la nôtre puisse fonctionner, il faut que chacun fasse sa part du chantier sans hésitation. Vous avez été parfaitement complémentaires.

— Que vas-tu faire du Russe, maintenant ? Je peux lui mettre une balle dans la tête si tu veux.

— Je n’en doute pas, tout comme Mounir pourrait lui décharger son vieux fusil en pleine poitrine, mais ce serait trop facile, trop rapide. Il a saigné mon fils comme un mouton pour l’Aïd El-Kebir. Sa mort doit être lente et son agonie douloureuse, mais surtout, auparavant, il faut qu’il nous dise tout ce qu’il sait sur les activités de son patron.

— Je suis à peu près certaine que c’est un ancien commando, un spetsnaz, il ne parlera pas facilement.

— Je ne suis pas pressé, on a tout le week-end devant nous !

— On a récupéré son ordinateur, on a déjà retrouvé pas mal de noms et de numéros de téléphone.

— C’est un bon début, mais je veux l’entendre de sa bouche. Tu vas rester et servir d’interprète, au cas où cet idiot ferait semblant de ne pas comprendre le français. Je te laisserai en découper quelques morceaux si tu veux t’amuser.

— Excuse-moi, mais je n’apprécie pas vraiment ça. S’il doit mourir, je le fais, mais je n’aime pas la torture.

— Tu connais une autre méthode ? Moi, non. Allez, on va voir à quoi il ressemble ce russkoff. »

Belkacem frappa à la porte avec autorité. Mounir ouvrit immédiatement. Le caïd prit le temps de laisser ses yeux s’habituer à l’obscurité avant de regarder son prisonnier. Polounin était allongé sur le côté, les pieds et les poignets toujours entravés.

« Mounir, trouve-nous deux chaises, que l’on puisse discuter plus confortablement. »

Le gardien sortit et revint très vite avec les sièges demandés.

« Asseyez-le en face de moi. Je veux pouvoir regarder dans les yeux celui qui a pris la vie de mon fils. »

Selima et Mounir prirent le Russe chacun sous un bras pour l’installer à l’emplacement indiqué.

« Tu as compris que tu ne sortiras pas d’ici vivant, je suppose. Il ne tient qu’à toi de faire en sorte que tout se passe vite, sinon tu vas souffrir longtemps.

— Ya ne ponimayu, répondit Igor.

— Il dit qu’il ne comprend pas, traduisit Selima.

— Ne me prend pas pour un imbécile, je sais que tu comprends parfaitement le français, s’agaça Abou. Que faisais-tu en Espagne ? Pourquoi as-tu voulu attaquer un de mes camions ? Pourquoi as-tu lâchement égorgé Khaled ?

— Je suis un soldat, j’obéis aux ordres, je ne pose pas de questions, lâcha Polounin d’une voix lasse. Tue-moi si tu veux, je n’ai rien d’autre à dire.

— Tu ne vas pas t’en tirer comme ça. Qui t’a donné ces ordres ? C’est Leonorov ?

— Si vous le savez déjà, pourquoi me demander ?

— Je veux l’entendre, en être certain, avant de le tuer lui aussi.

— Vous ne l’atteindrez pas aussi facilement.

— Ça suffit maintenant. Mounir, va me chercher le sécateur pour la vigne.

— Vous voulez lui envoyer un de mes doigts ? ricana Igor. Il n’en a rien à foutre de moi. Je ne lui sers plus à rien de toute façon.

— Un doigt, non, mais il y a des choses plus précieuses pour un homme !

— Ainsi c’est vrai ce qu’on dit ? Vous êtes comme les Tchétchènes. Vous allez me les mettre dans la bouche ?

— Je l’avais envisagé, mais tu ne pourrais plus parler.

— Je n’ai rien à dire de toute façon.

— Qu’est-ce que ton patron a contre moi ?

— A ton avis ? Il veut le business, les filles, la came.

— Je croyais que c’était un industriel respectable.

— Et vous un honnête négociant en primeurs. »


Selima écoutait avec stupeur ce dialogue surréaliste. Cet homme ne manquait pas de cran. Il se savait condamné, mais il tenait tête à son tortionnaire. Mounir revint avec l’instrument demandé. Il le tendit à son patron.

« Je peux le faire si tu veux.

— On me l’a déjà proposé, mais il s’agit de mon fils ! C’est à moi de régler ça, personnellement.

— Comme tu voudras. Je n’avais pas prévu de m’en servir ces jours-ci, il n’est pas bien affuté.

— Tant mieux, ça fera plus mal ! Enlevez-lui sa chemise.

— Avec ses bras attachés, ça ne va pas être facile, remarqua Selima.

— Déchire-la alors ! On ne va pas s’embarrasser de détails. »


Une fois la poitrine à nu, Belkacem fit claquer l’instrument sous le nez du prisonnier. Le Russe ne sourcilla pas.

« Je te l’avais prédit, glissa Selima, il n’a pas peur.

— On verra combien de temps il va tenir. Abou posa le sécateur sur le sol et sortit un couteau de sa poche. Ce sera plus commode avec ça finalement. »

La lame pénétra de quelques millimètres sous la peau, en une longue estafilade sur le thorax, provoquant une coulée de sang sombre, s’écoulant doucement. Une deuxième, puis une troisième suivirent, parallèles à la première. Le bourreau semblait prendre soin de la géométrie de son travail. Igor ne broncha pas.

« Il n’y a rien de vital ici. Je ne veux pas qu’il meure tout de suite, commenta Belkacem. »

Saisissant le téton droit entre le pouce et l’index, la caïd appliqua une torsion brutale. Le Russe grimaça, mais aucun son ne sortit de sa bouche. La lame fut rapide, tranchant la chair au niveau de l’aréole. Selima vit les lèvres du prisonnier se serrer pour retenir un cri, puis se détendre.

« Tu avais raison, il est coriace. On va le laisser réfléchir un peu. On reviendra voir après diner s’il a changé d’avis.

— Tu veux que Fatima soigne ses blessures ? demanda Mounir.

— Pourquoi donc ? il ne risque pas d’hémorragie. »

Belkacem essuya la lame sanglante sur la chemise déchirée avant de ranger le couteau et de sortir.

« Ce n’est que le début, lança Selima au Russe, tu ferais mieux de lui dire ce qu’il veut entendre. »

Igor détourna la tête et cracha par terre.

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