Intervention

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Ferme d’Aboubaker, près de Saissac

La nuit était tombée sur la montagne. Aboubaker Belkacem avait passé un assez long moment à palabrer avec Mounir, évoquant un temps lointain et un pays que les deux jeunes femmes n’avaient pas connu. Meriem et Selima avaient aidé Fatima à la cuisine, apportant régulièrement du thé bouillant aux deux hommes.

« Vous n’avez pas besoin de rester ici ce soir, déclara soudain Belkacem. Rentrez à Toulouse et profitez de votre week-end.

— Tu es sûr ? demanda Selima.

— Je vais m’occuper du Russe avec Mounir. Je n’ai pas besoin de toi pour ça. Je préfère que tu t’occupes de son patron et que tu retrouves Rachid.

— Comme tu voudras. »


Dix minutes plus tard, les deux femmes quittaient la ferme dans la Peugeot avec laquelle elles étaient arrivées le matin. Elles ne remarquèrent pas la Citroën Berlingo bleue cachée derrière une haie. À l’intérieur, un homme en uniforme décrocha le micro de la radio.

« Une Peugeot 508 noire vient de quitter la ferme. »


L’adjudant Massart relaya l’information aux policiers.

« Ce n’est pas la voiture avec laquelle Belkacem est arrivé, commenta Juliette. La voiture qu’il a utilisée est une berline Mercedes grise. »

Massart vérifia auprès de ses hommes.

« Il y a bien une Mercedes dans la cour de la ferme, confirma la gendarme. »

Dans la grande salle de la maison, Abou s’adressa à Mounir.

« On y retourne, il a eu assez de temps pour réfléchir. Prends ton fusil, on ne sait jamais. »

Dans la remise, Polounin était resté assis sur sa chaise. Le sang avait cessé de couler, mais son torse était couvert de trainées qui avaient noirci en séchant. Il redressa la tête en entendant la serrure grincer.

« Alors, tu es décidé à me dire ce que je veux entendre ? demanda l’Algérien.

— Je suis un soldat, j’obéis aux ordres ! se contenta de répéter le Russe.

— Je veux t’entendre dire que c’est Leonorov qui t’a demandé de tuer Khaled.

— Qu’est-ce que ça change pour vous ?

— Je tuerai aussi ton patron, mais je ne veux pas me tromper de cible.

— Si ça peut vous faire du bien, allez-y ! Il ne se laissera pas abattre comme ça.

— Nous avons déjà eu deux de ses hommes, tu es le troisième, sans compter les gars en Espagne. »

Belkacem sortit de nouveau le couteau et pressa la lame sur la gorge d’Igor. Une fine ligne rouge apparut, puis le caïd recula sa main.

« Il m’aurait suffi d’appuyer un peu plus et tu aurais fini comme mon fils, mais le moment n’est pas encore venu. »

Le couteau descendit jusqu’au flanc de l’homme entravé et l’entailla, plus profondément que précédemment. Puis le tourmenteur se déplaça légèrement et renouvela son geste, de l’autre côté. Il donna encore deux coups, soulevant de longs morceaux de peau sans atteindre les organes vitaux. Le sang se remit à couler en abondance. Le Russe s’efforçait de garder un visage impassible, mais il serrait les dents pour ne pas montrer sa douleur à son bourreau.

« À quoi bon ? Donne-moi le nom que j’attends et on en finit.

— Il n’est pas seul, la guerre continuera de toute façon, avec ou sans lui. Un autre viendra prendre sa place.

— En attendant, je serai tranquille un moment. »

À l’extérieur, l’équipe du commissaire, accompagnée de quatre gendarmes avait commencé à progresser aussi silencieusement que possible. Deux hommes s’étaient dirigés vers l’habitation, mais le gros de la troupe convergeait vers la remise d’où provenaient des bruits de voix. Les policiers comme les gendarmes avaient endossés les gilets pare-balles et tous avaient l’arme au poing. Le lieutenant Diallo mit la main sur la poignée de la porte et l’ouvrit brusquement, laissant le champ libre à deux gendarmes.

Le gardien se retourna en essayant de lever le canon de son fusil, mais trois balles le projetèrent contre le mur.

« Jette ton arme et lève les bras, doucement ! cria Ange à l’attention de Belkacem.»

Dans un geste fulgurant, l’Algérien enfonça son couteau dans la gorge de Polounin avant de mettre les mains en l’air.

« Pourquoi as-tu fait ça ? demanda le policier.

— Il a tué mon fils, il ne pouvait pas vivre, même en prison. »

Samira s’approcha du corps sanglant et prononça son verdict.

« Il est mort, on ne peut plus rien pour lui.

— Embarquez Belkacem et appelez une équipe pour s’occuper des morts, ordonna Ange.»


Comme le commissaire sortait de la cabane, les deux gendarmes qui s’étaient rendus vers la maison revinrent avec une vieille femme. Elle voulut se précipiter vers la remise, mais les militaires l’en empêchèrent.

« Où est Mounir ? cria-t-elle en arabe.

— C’est sûrement le vieux, commenta Samira, sans doute son mari.

— Dis-lui ce qui s’est passé et emmenez-la aussi, mais avec ménagement, répondit le commissaire. »

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