Chute

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Toulouse, Quartier des Izards et Hôtel de Police

Le lieutenant Morel ouvrit le dossier contenant le registre des employés des entreprises Belkacem à Toulouse. Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la fiche qui l’intéressait. Meriem El Hachem, 29 ans, mariée à Slimane El Hachem, lui aussi employé de l’entreprise. Il vit également que la jeune femme avait un enfant, un petit garçon de cinq ans. L’adresse du couple était précisée, rue Georges Brassens à Toulouse. Ibrahim Diallo consulta un plan sur son téléphone.

« C’est en plein dans les Izards, entre la route de Launaguet et l’avenue de Fronton. C’est pas loin de l’entrepôt de Belkacem.

— OK, dit Morel, s’il y a un gamin, on va y aller doucement. Je propose qu’on laisse le domicile à Clémence, elle pourra y aller avec Lacaze. Nous, on va à l’entrepôt. »

Le lieutenant appela ses collègues et leur fit un bref topo puis les deux équipes se répartirent dans les voitures.

« On reste en contact radio, commanda Morel. Le premier groupe arrivé prévient l’autre. »

La rue Georges Brassens était une zone résidentielle, de petites maisons individuelles, avec même quelques petites piscines. Clémence arrêta son véhicule et les deux policiers se dirigèrent vers une construction bien tenue. Un petit toboggan confirmait qu’un jeune enfant vivait là. Il n’y avait que quelques mètres entre la rue et la porte d’entrée, pas de sonnette à l’extérieur. Ils poussèrent la porte du jardinet et allèrent frapper. Une jeune fille vint rapidement ouvrir.

« Qui c’est ? demanda une voix juvénile depuis l’intérieur.

— Je ne sais pas, répondit l’adolescente. Je vais demander.

— Officiers de Police Topard et Lacaze. Nous cherchons Madame Meriem El Hachem. C’est vous ?

— Non, non, moi je suis la fille des voisins, je garde Karim après l’école.

— Savez-vous à quelle heure elle doit rentrer ?

— Généralement, c’est entre six heures et six heures et demi. »

Clémence regarda l’heure. Il n’était que dix-sept heures. Meriem devait encore se trouver à son travail. Elle prit congé de la jeune fille sans répondre à sa demande d’explication.

« Alain, c’est Clémence. On vient de passer au domicile d’El Hachem. Elle n’est pas encore rentrée. On va rester en chouffe au cas où elle arriverait plus tôt que d’habitude.

— Ça roule, on est presque arrivés à l’entrepôt. On vous tient au courant.

— Elle conduit quoi comme voiture, la secrétaire ? demanda Diallo.

— C’était pas écrit dans le dossier. »


Diallo gara la Mégane sur un emplacement réservé à la direction.

« Si c’est la place du patron, elle risque de rester vide un moment, plaisanta le policier.

— Les bureaux sont à l’étage, déclara Morel, je vais monter le premier, tu me suis et tu bloques l’accès après moi.

— Compris. »

Les deux hommes se dirigèrent vers l’escalier extérieur, Diallo surveillant les alentours. Alain Morel ouvrit la porte et s'approcha de la réception. Il n’y avait personne derrière le comptoir, mais une jeune femme sortit d’un bureau proche. Le lieutenant reconnut la secrétaire.

« Madame Meriem El Hachem ? demanda-t-il pour la forme, je suis le lieutenant Morel, police judiciaire. Nous aurions quelques questions à vous poser. Je vous prie de m’accompagner à l’hôtel de police. Si vous voulez, vous pouvez prendre le temps de prévenir votre baby-sitter que vous allez peut-être rentrer un peu tard.

— C’est à propos de Monsieur Belkacem ? Il lui est arrivé quelque chose ? feignit Meriem.

— En quelque sorte, oui. Nous allons vous expliquer tout cela dans nos locaux. »


La jeune femme suivit le policier sans réticence. Une fois dans la voiture, Morel avertit sa collègue qu’ils rentraient à la PJ.

Avec l’installation dans ses nouveaux locaux, la police judiciaire de Toulouse avait renoncé aux salles d’interrogatoire à glaces sans tain. Puisque de toute façon, toutes les conversations étaient enregistrées, Ange suivait les discussions sur un écran, dans son bureau. L’entretien était mené par Juliette, assistée d’Alain Morel. Après les questions de procédure, la capitaine entra dans le vif du sujet.

« Madame El Hachem, nous aimerions que vous nous parliez de votre déplacement à Saissac, vendredi dernier. Vous allez souvent dans cette ferme ?

— Non, pas souvent, j’y suis allée quelquefois, quand Monsieur Belkacem me demandait de régler un petit problème matériel.

— Quel genre de problème ?

— Pour des petits travaux, pour payer les artisans par exemple.

— Et vendredi dernier, il y avait des travaux à régler ? demanda Juliette.

— Non, je suis allée voir Mounir, le gardien. Aboubaker attendait des invités. Je devais vérifier que la ferme était bien prête.

— Est-ce que, par hasard, l’invité de Monsieur Belkacem était Russe ? répliqua Morel.

— Je ne sais pas, bredouilla Meriem.

— Madame El Hachem, nous partons sur de mauvaises bases, intervint Juliette. Nous savons tout ce qui c’est passé à Saissac vendredi. Nous savons que c’est vous qui avez conduit le Russe à la ferme. Ce qui fait de vous une complice de ce qui s’est passé ensuite.

— Je n’ai fait que conduire la voiture, rien d’autre, protesta la jeune femme.

— Je veux bien vous croire, concéda la capitaine. Je ne pense que vous ayez du sang sur les mains. Alors si vous nous aidez, vous pourrez sûrement retrouver rapidement votre petit garçon. Je ne crois pas que la maison d’arrêt de Seysses soit le meilleur lieu de promenade pour un enfant de cinq ans. Dites-nous qui était avec vous ce jour là. Nous savons que ce n’est pas vous qui avez ramené Polounin d’Espagne.

— Je ne sais rien de ce qui s’est passé en Espagne, se défendit Meriem avec vigueur.

— Là encore, je vous crois. Alors, qui est-ce ? Qui est cette femme qui était avec vous ? Cette femme que l’on voit sur un parking de l’université et dans un hôtel d’Alicante. »

Morel posa deux photos sur la table et les poussa vers Meriem.

« Je ne sais pas, je ne la connais pas !

— Allons, soyez raisonnable, nous avons parlé à Fatima, la femme du gardien. Elle nous a confirmé que vous êtes arrivées et reparties ensemble, dans une Peugeot 508 noire.

— Elle s’appelle Selima, lâcha Meriem, vaincue. Elle travaille pour Belkacem, mais elle ne fait pas partie de l’entreprise. Au début elle conduisait des camions entre l’Espagne et Toulouse, et puis Kamel l’a prise dans son équipe. Parce qu'elle sait se battre.

— Vous voyez, ce n’est pas si difficile, encouragea Juliette. Que pouvez-vous nous dire de plus ? Son nom complet, son adresse ?

— Selima Hammadi, elle vit à Balma. Rue de l’Abbé Pierre, ça ne s’invente pas !

— La vieille femme à la ferme nous a dit qu’elle n’était pas Algérienne, ajouta Juliette.

— C’est vrai, elle vient de Libye. Je ne connais pas les détails, je sais juste qu’elle a quitté le pays après la révolution et la chute de Kadhafi.

— C’est en Libye qu’elle a appris à se battre ? demanda Morel.

— Je ne sais pas, elle ne m’a jamais parlé de ça, mentit Meriem.

— Vous étiez amies ? demanda Juliette.

— Non, pas vraiment, on a juste un peu travaillé ensemble.

— Ah, et pour quelles tâches ? rebondit la capitaine. »

Meriem se mordit la lèvre, elle s’était grillée. Il ne lui restait plus qu’à déballer la visite à Vieille-Toulouse.

« Je vous ai dit tout ce que je sait. Je peux rentrer chez moi maintenant ? Mon mari est en voyage, le petit va s’inquiéter. »

Juliette lui tendit son téléphone.

« Je crois qu’il vaudrait mieux que vous appeliez votre baby-sitter et que vous demandiez à quelqu’un de s’occuper de votre fils ce soir. Je vous notifie votre mise en garde à vue. »

Meriem s’écroula sur la table, en sanglots.

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