Interpellation

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Toulouse, Université Paul Sabatier et Hôtel de Police

La secrétaire leva les yeux de son écran et se retourna vers les deux policiers.

« En effet, Messieurs, Yassine Kateb est bien inscrit en deuxième année de sciences, mais je vois qu’il ne s’est pas présenté aux partiels le mois dernier.

— Pouvez-vous nous dire à quelle adresse il réside ?

— Je ne sais pas, ce sont des informations confidentielles.

— Madame, répondit Olivier Lacaze, nous agissons dans le cadre d’une enquête criminelle. Vous préférez que nous perquisitionnions votre bureau pour trouver cette adresse ?

— Euh, non, bien sûr. Je vais regarder.

— C’est cela, ce sera plus simple pour tout le monde. »

La jeune femme retourna vers son ordinateur et nota quelques lignes sur un Post-it.

« Voilà ce que nous avons. Ce n’est pas très loin d’ici, dans le quartier Rangueil, rue Forbin. C’est juste de l’autre côté de la rocade.

— Je vous remercie, répondit Lacaze en tendant le papier à son collègue. Pourriez-vous nous indiquer si nous avons une chance de rencontrer un enseignant qui connaitrait Yassine Kateb ?

— Laissez-moi regarder les emplois du temps. Vous avez Léo Masse, il est chargé de TD de mathématiques pour les Licence 2. Vous pouvez le trouver dans la salle 103, bâtiment 3A. C’est juste de l’autre côté de l’allée.

— Je vous remercie, répondit le policier. Merci pour votre collaboration.

— Qu’est-ce qu’il a fait ?

— Je regrette, mais je ne peux pas répondre à cette question. Bonne fin de journée. »

Une fois sorti, Lacaze s’adressa à son collègue.

« Steve, appelle Juliette et demande si on peut contrôler cette adresse. On va essayer de trouver ce Masse et on ira y faire un tour sur le chemin du retour.

— Pas de problème, répondit le brigadier en sortant son mobile. »

Les deux policiers n’eurent pas de mal à trouver la salle de TD. Il restait cinq minutes avant la fin de l’heure, Lacaze choisit de laisser le cours se terminer. Ils attendirent que le plus gros des étudiants aient quitté la salle en désordre avant d’entrer et d’aller s’adresser au jeune homme qui rangeait son ordinateur.

« Bonjour, vous êtes bien Léo Masse ? demanda Olivier.

— Oui, en effet, répondit l’homme. En quoi puis-je vous être utile ? »

Lacaze sortit discrètement sa carte.

« Lieutenant Lacaze et brigadier Bertrane, police judiciaire. Nous aimerions vous parler de l’un de vos étudiants, Yassine Kateb. Peut-on trouver un endroit plus tranquille ?

— Oui, bien sûr, si vous voulez, allons dehors, j’ai l’habitude de fumer entre deux cours. »

Les trois hommes sortirent du bâtiment, sur le parking. L’enseignant proposa une cigarette aux policiers qui déclinèrent.

« En fait, je ne connais pas vraiment ce Yassine Kateb. Comme vous avez pu le voir, j’ai une cinquantaine d’étudiants dans mon TD, de plus certains fréquentent assez peu les amphis, si vous voyez ce que je veux dire. Je ne fais pas de contrôles de présence, mais j’ai les notes des travaux qu’ils m’ont rendus. Je peux jeter un œil, si vous avez cinq minutes.

— Je vous en prie, répondit Bertrane. »

Masse sortit un petit répertoire, anachronique, et feuilleta les pages.

« Kateb ne m’a fourni aucune copie depuis le début de l’année universitaire et il ne s’est pas présenté à l’épreuve lors des derniers partiels. Je suis désolé, je ne peux pas vous en dire plus.

— Une dernière chose peut-être, si j’étais étudiant et que je voulais me procurer des substances pour m’aider dans mes révisions, où est-ce que je m’adresserais ?

— Je suis désolé lieutenant, je ne comprends pas votre question, répondit l'enseignant visiblement gêné.

— Vous vous doutez bien que nous avons d’autres moyens d’obtenir cette information, cela n’a rien contre vous, c’est juste pour nous faire gagner du temps.

— Vous devriez peut-être aller faire un tour du côté de la fac de pharmacie, vers le métro et les résidences universitaires.

— Merci Professeur, nous n’allons pas vous déranger plus longtemps.

— Vous savez, je ne suis pas encore Professeur !

— Ça viendra, je vous le souhaite. »

L’enseignant écrasa son mégot et retourna vers l’entrée.

« La fac de pharmacie, c’est là que l’agression a eu lieu la semaine dernière, commenta Lacaze. On va aller jeter un œil.

— Tu crois qu’on va tomber sur Kateb par hasard ?

— On ne sait jamais ! »

Les deux policiers passèrent une vingtaine de minutes autour du métro. De nombreux étudiants les dévisagèrent, la plupart faisant un détour pour les éviter. Ils n’obtinrent que des dénégations rapides lorsqu’ils interrogèrent les passants sur Kateb. Une jeune fille réagit toutefois à la présentation d’une mauvaise photo.

« Oui, je crois que c’est un gars qui revend de la drogue dans le secteur. Je ne le connais pas, mais j’ai déjà vu cette tête là assez souvent par ici. Depuis quelques jours, il a disparu ou du moins je ne l’ai pas vu.

— Comment savez-vous qu’il vend de la drogue ?

— Je ne sais pas, c’est son attitude, toujours un peu furtive, à parler le dos tourné, vite fait, et repartir en longeant les murs, comme dans les films. Et puis, regardez les étudiants ici, ils ne font que passer. Lui il avait l’air de rester dans le coin, toujours à attendre quelque chose ou quelqu’un. »

Lacaze et son collègue laissèrent l’étudiante s’engouffrer dans le métro avant de revenir à leur véhicule.

« On n’obtiendra rien de plus ici, fit le brigadier. Kateb se planque depuis son agression.

— Tu as raison, on va passer chez lui. Préviens Juliette. »

Bertrane raccrocha après une courte conversation.

« L’adresse est celle d’une coloc, quatre personnes dont Kateb. Juliette nous demande de le ramener à la taule si on met la main dessus.

— OK, allons-y !  »

Les deux hommes s'arrêtèrent devant un petit immeuble d’habitation, dans un quartier plutôt bien tenu, à proximité d’un centre médical et d’une école élémentaire.

« On y va doucement, précisa Lacaze, pour l’instant, on veut juste l’entendre comme témoin. »

Les deux hommes consultèrent les boîtes à lettres. La colocation se trouvait au deuxième étage. Une jeune fille sortait de l’appartement comme ils arrivaient sur le palier.

« Bonjour, vous habitez ici ? Nous cherchons Yassine, dit Olivier.

— Non, je n’habite pas là, mais je crois que Yassine est à l’intérieur. Qu’est-ce que vous lui voulez ? demanda la fille méfiante.

— Ne vous inquiétez pas, juste lui parler répondit le brigadier avec un grand sourire.

— Yassine, y a du monde pour toi ! cria la fille. »

Les deux policiers entendirent du bruit à l’intérieur.

« J’y vais, déclara Lacaze à son collègue. Bloque l’entrée, personne ne rentre ni ne sort. »

Kateb était en train de ranger précipitamment des petits sachets dans une boîte métallique lorsque Lacaze fit irruption dans la pièce principale.

« Police ! cria Lacaze, tu poses cette boîte tout de suite et tu te lèves bien gentiment. »

Le dealer essaya de se précipiter vers la sortie, la boîte sous le bras.

« Steve, bloque le ! »

Le brigadier resta au milieu du petit couloir et se baissa pour encercler le fuyard au niveau de la taille, bloquant les bras dans le même geste. Lacaze ne perdit pas de temps pour le menotter.

« Joli placage !

— J’ai joué troisième ligne pendant six ans. »

Lacaze aida l’homme entravé à se redresser.

« Yassine Kateb, à compter de ce jour, à seize heures quinze, vous êtes en garde à vue pour recel et revente de stupéfiants ainsi que pour complicité d’assassinat.

— J’appelle des renforts pour fouiller l’appartement et sécuriser les lieux, suggéra le brigadier. »

Une heure plus tard, Olivier Lacaze et Steve Bertrane étaient de retour avec leur prévenu. Les deux policiers le laissèrent sous la garde d’un agent le temps d’aller faire le point avec leur chef de groupe.

« Kateb ne s’est pas montré sur le campus depuis une semaine, expliqua le lieutenant, mais il a continué ses petites affaires depuis chez lui. On a trouvé pas mal de doses et un bon paquet de cash. Bien sûr, il nie tout et prétend qu’il rendait juste service à un ami.

— Kateb n’est pas notre cible, répondit Juliette, on pourra être cool avec lui s’il accepte de collaborer pour atteindre Kamel Soukhane et Aboubaker Belkacem. La première étape est d’identifier les deux hommes et la femme que l’on voit sur la vidéo du parking.

— Qu’est-ce qu’on a comme moyens de pression ?

— Il n’est pas de nationalité française. Vu qu’il ne fréquente plus les cours, on peut sans doute le faire expulser du territoire, après un petit séjour à la maison d’arrêt de Seysses.

— La double peine ?

— Je ne crois pas qu’il soit très au fait de l’actualité du droit pénal. On peut tenter le coup. Tu mènes l’interrogatoire avec Steve. Appelez-moi si nécessaire, je suivrai sur la vidéo. »

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