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Toulouse, Hôtel de Police

Ange arriva de bonne humeur à son bureau ce lundi matin. Il avait passé une journée très agréable dans les Pyrénées avec Julie. Le commissaire avait réussi à obtenir une réservation dans un restaurant assez coté à Saint-Lizier, en plein cœur du Couserans. La route touristique, passant par le site remarquable du Mas d’Azil, les avait menés au pied des sommets encore couronnés de blanc, luisants sous le soleil d’hiver. Le repas avait été à la hauteur de la réputation de l’auberge et au retour, les deux amants s’étaient retrouvés pour une nouvelle séance sous la couette. Le policier espérait que les nouvelles du week-end ne viendraient pas gâcher cet agréable souvenir.

Le commandant N’Guyen, qui avait assuré la permanence, ouvrit la réunion avec le compte-rendu des évènements enregistrés, rien de bien spectaculaire, juste des interventions de routine en soutien des groupes de terrain. Après l’exposé de Kevin, Ange s’adressa aux deux capitaines.

« Est-ce que l’on a progressé dans l’affaire Boubaker ? demanda le commissaire.

— Oui, répondit Juliette. Nous avons reçu les vidéos d’Alicante. Je n’ai pas encore eu le temps de toutes les regarder, il y a plusieurs heures d’enregistrement. Olivier et Steve vont s’y mettre tout de suite après la réunion.

— Très bien, dès que vous aurez des photos, vous me les passez au crible, tous les fichiers, la DGSI et Interpol si nécessaire. Autre chose ?

— Les collègues ont travaillé sur l’ordinateur du Russe. Ils n’ont pas encore tout examiné, mais il semble qu’il y ait quelques fichiers intéressants, avec des noms et des numéros de téléphone. La plupart des fichiers sont cryptés et en russe, mais ils ont réussi à les craquer. Par contre, côté historique, il n’y a rien d’exploitable. Polounin effaçait soigneusement ses traces de navigation. On a trouvé un certain nombre de logiciels pouvant servir à de l’espionnage et des points d’entrée sur le Dark Net, mais là non plus, rien d’enregistré.

— Des liens directs avec Leonorov ? demanda Ange.

— On continue, mais ça prend du temps quand on ne sait ni quoi ni où chercher. S’ils ne sont pas trop idiots, les Russes ne doivent pas utiliser leurs noms en clair dans les conversations.

— La fille de l’hôpital ?

— J’ai appelé le service à Rangueil tout à l’heure. On devrait pouvoir l’interroger aujourd’hui ou demain, répondit Sam.

— J’aimerais mieux aujourd’hui, commenta Ange.

— Ce n’est pas nous qui décidons, tu le sais bien.

— Oui, mais il nous faut des éléments pour progresser, sans oublier le Parquet qui voudrait pouvoir boucler cette affaire au plus vite. Je dois appeler le procureur, je passerai jeter un coup d’œil aux vidéos tout de suite après. »

La conversation avec Jacques de Mazière ne fût pas des plus cordiales, mais le magistrat avait tout de même reconnu qu’ils avaient obtenu quelques éléments sérieux. Le volet algérien semblant sous contrôle, le procureur avait insisté pour que les équipes de la PJ se focalisent sur les Russes, dont l’influence inquiétait les édiles de la métropole. Dès l’appel achevé, Ange s’empressa d’aller rejoindre les policiers concentrés autour d’un écran sur lequel défilaient en accéléré les vues de la réception de l’hôtel d’Alicante.

« On a bien repéré Polounin quand il a pris les clés de sa chambre lundi dernier, annonça Juliette. Olivier, tu peux nous repasser la séquence ?

— On le voit bien ici, précisa l’officier en ciblant un personnage sur l’écran. Dans la soirée, on le revoit passer rapidement avec une femme, mais ils ne s’arrêtent pas au comptoir, ils filent directement vers l’ascenseur.

— C’est la fille du parking ? demanda Ange.

— Non, je ne crois pas, les silhouettes ne correspondent pas. Les cheveux non plus.

— Un coup d’un soir ou un contact local ? demanda le commissaire.

— Une jolie femme, elle a davantage l’air espagnol que russe, commenta Lacaze.

— Envoie la séquence à nos amis d’Alicante, au cas où ils auraient une identification chez eux.

— OK, je le ferai tout à l’heure, on continue ? demanda le lieutenant.

— Oui, accélère un peu. »

Les heures défilèrent sur l’écran. La journée du mardi n’apporta rien d’intéressant, celle du mercredi non plus. Dans l’après-midi du jeudi, les policiers repèrent la silhouette d’une femme élégante en discussion avec le réceptionniste.

« Stop ! fit Ange, reviens un peu en arrière, vitesse normale.

— On dirait qu’elle fait de l’œil au concierge, fit remarquer Lacaze, le gars tape quelque chose sur son clavier. Il ne lui donne pas de clé, mais elle se dirige vers l’ascenseur. Là, un type la rejoint, il pourrait être Algérien.

— Heureusement que Sam n’est pas dans le bureau, elle t’arracherait la langue ! plaisanta le commissaire, il pourrait tout aussi bien être Espagnol.

— Tu veux que je compare avec la vidéo de l’université ? proposa Olivier sans réagir à la pique.

— Oui, vas-y. »

Le lieutenant ouvrit une deuxième fenêtre et fit défiler la séquence du guet-apens sur le parking. Il l’arrêta sur une image donnant un bon point de vue sur la femme donnant le coup de poignard.

« Ça pourrait correspondre, commenta Ange. Qu’en pensez-vous ?

— Même silhouette, en effet, coupe de cheveux similaire, c’est plausible, répondit le brigadier Bertrane, qui n’avait encore rien dit. Par contre, difficile d’imaginer la fille de l’hôtel en commando.

— C’est pour ça qu’on n’a rien sur elle, elle sait cloisonner ses activités. On n’a pas aussi des vues de l’église russe ?

— Je t’affiche ça. Voilà, oui, ça pourrait bien être la même, mais pas facile d’être affirmatif avec des images de cette qualité.

— Une free-lance qui bosse pour Belkacem. C’est possible ? demanda Ange.

— En tout cas, elle n’est pas sur les registres du personnel de l’entreprise, répondit Juliette.

— OK, vous me faites les meilleures images que vous puissiez tirer de ces vidéos et vous envoyez ça à tous les services. Vous allez aussi interroger le personnel de l’entrepôt. À tout hasard, vous allez à nouveau faire du porte à porte autour de l’épicerie de Belkacem. Elle y est visiblement passée après l’attaque sur le parking. On commence à avoir un bout de scénario. Polounin se rend à Alicante, sans doute pour chercher des noises aux Algériens. Notre mascarade a fonctionné. Belkacem flaire l’embrouille et piège le Russe. La fille vient pour le récupérer.

— Dans ce cas, elle est sûrement passée par la ferme ! proposa Juliette.

— Tu as raison, c’est une piste à suivre. Demande à Samira d’aller interroger la vieille femme, en lui montrant les photos. »

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