Chapitre 7 (deuxième partie)

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Le soir s'avance sur la cité d'Altassaïr, capitale du royaume de Petimont. L'air est très doux. C'est une ville magnifique. Owen est en train de parcourir l'un de ses nombreux jardins, charmé par la variété des plantes, des couleurs. Il songe à Gafori, se demande si le jardinier en chef de Rankir est déjà venu jusqu'ici. Les habitations se fondent dans les parcs, maisons basses à un seul niveau, hormis le palais du roi. Les jardins qui entourent le palais sont eux-mêmes si vastes que de grandes tentes ont été installées pour loger tous les participants à la réunion des Régnants. Il y a beaucoup de monde, d'activité, aussi le jeune homme s'est-il un peu éloigné des lieux de passages et de rencontres, pour goûter au calme et au charme des lieux.

Le matin-même, Olaf et lui se sont rendus auprès du Grand Maître pour lui faire part du déroulement de leur mission. Il n'a rien omis de ce qui était survenu dans la forêt, il a aussi évoqué l'appel de l'Esprit de l'Eau, son rêve. Il a rapporté son combat contre le sinuire. Mais il n'a pas fait mention de la discussion qu'il a eue avec Kaïra, deux jours après l'incident. Le Grand Maître l'a écouté avec beaucoup d'attention, vivement intéressé par l'intervention des Esprits. Mais Owen a deviné son souci quant à l'attitude du prince Bramé. Il n'a pas osé lui poser de questions concernant son frère, Galiané, et se dit qu'il tentera d'en savoir plus sur le fils aîné du roi de Salarin.

Il fait encore bien jour, le soir s'étire, offrant de magnifiques couleurs dans le ciel et des ombres douces dans les jardins. A cette heure, les fleurs embaument, leurs parfums s'exprimant bien plus qu'en pleine journée, qu'en pleine chaleur. Alors qu'il chemine tranquillement, revenant vers le palais, il remarque un beau rosier ancien. Les fleurs en sont très odorantes, mais la couleur est bien différente de celles que Kaïra lui avait montrées : elles sont d'un rose pâle, presque blanc. Il sort son couteau, en choisit une encore en bouton, la coupe délicatement. Puis il regagne la partie de la ville où la délégation de Rankir s'est installée. Il croise Nuka, interpelle la jeune fille et lui demande de remettre la fleur à la reine, lui indiquant l'endroit où il l'a trouvée et lui disant simplement qu'il a pensé qu'elle aimerait voir ce rosier aux petites fleurs d'une couleur si délicate. La jeune suivante la prend délicatement, s'incline et regagne la maison.

Il s'agit là aussi d'une habitation d'un seul niveau, se fondant comme les autres dans un écrin de verdure. Un petit ruisseau serpente entre les massifs, apportant de la fraîcheur et permettant aussi à des plantes d'eau, nénuphars, iris, de se développer et d'offrir leurs couleurs chatoyantes aux regards des promeneurs. Owen se dit qu'Altassaïr est fort différente de l'austère Ménaru. Il ne perçoit pas non plus de menace pour la reine comme dans la ville du prince Bramé.

Olaf et lui, même s'ils sont amenés à retrouver régulièrement les leurs, sont aussi logés avec la délégation de Rankir, dans des tentes entourant la demeure de la reine. Ils restent responsables, aux yeux du Grand Maître, mais aussi de tout leur Ordre, de la reine et des siens. Owen a revu avec plaisir Adena qui est chargée de l'escorte d'une délégation de Nobols. Ils ont pu s'entretenir un moment, elle lui a raconté son propre voyage pour venir jusqu'ici et il en a fait de même. Adena l'a félicité pour le combat contre le sinuire, mais aussi pour être resté si attentif aux messages des Esprits.

- Les Esprits t'apprécient, Owen, pour t'envoyer ainsi, si jeune, déjà des messages. Si quelqu'un d'autre avait été avec Olaf, il n'est pas certain que l'Esprit de l'Eau se serait adressé à lui - ou elle. Mais peut-être aurait-il plutôt cherché à prévenir Olaf.

Owen opine simplement. Ce que lui dit Adena, la façon dont elle réagit à ce qui leur est arrivé, est différent de ce que le Grand Maître lui a exprimé. Il se sent heureux de cette reconnaissance que son ancienne Maîtresse lui manifeste.

**

Kaïra peut mesurer aisément qu'elle ne bénéficie plus guère de temps libre depuis qu'ils sont arrivés à Altassaïr. Ses premières rencontres avec le roi Erandur ont été fructueuses. Agé d'une quarantaine d'années, il règne depuis plus de dix ans. Il a connu son père et est un fervent protecteur de l'Ordre des Gardiens des Origines, appréciant leurs conseils et soutiens. Kaïra apprendra au cours de ce séjour qu'il est de la famille de l'un d'entre eux, Ogarev, qui est le dernier à arriver, escortant une délégation de Gamériens. Mais elle rencontre aussi d'autres souverains, négocie des accords de coopérations avec le petit peuple de Gronfalls dont les particularités l'étonnent et la font parfois rire. Elle aime s'entretenir avec eux, car lors de ces entretiens, Owen est à ses côtés. Il a vécu un temps parmi des Gronfalls et connaît bien leurs coutumes et leur langue. Elle lui a demandé de traduire leurs échanges, ce qu'il a accepté bien volontiers, d'autant que cela figure dans ses attributions.

Cet après-midi-là, Kaïra a donc prévu une nouvelle rencontre avec le prince Wino et la princesse Daïna. Les Gronfalls sont de petites personnes, par la taille, mais grandes par le cœur. Ils ont aussi toujours l'air enjoué, un peu malicieux. Ces moments qu'elle peut passer avec eux sont parmi les plus agréables de son séjour. Même si leurs discussions sont sérieuses et importantes, elles se déroulent dans un climat agréable, souvent joyeux. Alors qu'ils se rendent, Owen, Lorrek et elle-même auprès de Wino et Daïna, elle fait part de ces remarques au jeune Gardien.

- Je n'avais encore jamais rencontré des gens comme eux, Maître Owen, dit-elle. Vous qui les connaissez si bien, sont-ils tous ainsi ?

- Oui, la plupart possède cette nature gaie, riante. Ils habitent dans des grottes, dans des profondeurs où eux seuls peuvent survivre. Ils remontent souvent à la surface, aiment la lumière, mais je pense que le fait de vivre enterrés les a aussi rendus joyeux. Comme s'ils voulaient compenser par leur joie de vivre dans un monde clos, noir et souvent froid, austère.

- On pourrait penser qu'ils seraient plutôt enclins au sérieux...

- Ils sont sérieux, mais pas comme nous l'entendons en surface. Je ne connais pas encore assez bien les Delphiniens, Majesté, mais il me semble qu'ils s'en rapprochent.

- A la différence que le monde des Abysses et des Eaux où vit une partie de mon peuple n'est pas aussi sombre que les grottes des Gronfalls.

- C'est exact, mais tenez, nous voilà arrivés.

Ils sont accueillis par plusieurs petits serviteurs qui font rire Kaïra par leurs mimiques et leurs jeux de mots qu'Owen s'empresse de traduire. Puis ils entrent dans la belle pièce ronde où se trouvent déjà Wino et Daïna, assis sur de confortables coussins. Un grand fauteuil est prévu pour la reine, Lorrek reste à planer près d'eux et Owen s'assoit avec souplesse sur les coussins, comme leurs hôtes. Leur discussion va durer tout l'après-midi et, alors qu'ils sont encore loin d'avoir terminé, Limur se fait annoncer. Le conseiller Van'dal souhaite que Lorrek le rejoigne rapidement, car le roi Erandur a prévu une rencontre importante pour le lendemain avec plusieurs Régnants et il voudrait pouvoir déjà préparer cet entretien.

La négociation se poursuit encore un bon moment, puis Kaïra prend congé. Ils ont bien avancé cet après-midi, les uns comme les autres se réjouissent déjà de leur coopération future. En quittant les lieux, Kaïra demande à Owen de lui montrer le rosier dont il lui avait fait parvenir une fleur, quelques jours plus tôt. Il la guide dans les sentiers, ils croisent souvent d'autres promeneurs, mais nul ne semble s'étonner de voir une souveraine accompagnée d'un Gardien. Cela n'est pas rare, surtout en un tel lieu et pour un tel rassemblement.

- Le voilà, Kaïra, dit-il, en se permettant de l'appeler par son prénom, maintenant qu'ils sont seuls et hors de tout cadre institutionnel.

- Il est magnifique... Il doit être là depuis longtemps... Vous avez vu son pied et la force de son tronc ? Il s'est accroché sur ce muret, et il serait impossible de disjoindre l'un de l'autre..., fait-elle remarquer en se penchant légèrement.

Puis elle relève la tête et s'approche pour respirer le parfum des roses, ferme les yeux. Owen la regarde, silencieux, grave. Dans ces instants, elle a la grâce de la toute jeune fille qu'elle est, et il en oublie qu'elle est souveraine. Mais il en oublie aussi qu'il est Gardien.

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