Chapitre 37 (deuxième partie)

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Une aube fraîche les cueille au réveil. Blottie dans les bras d'Owen, Kaïra avait eu le sommeil serein. Les bruissements de la nature les entourent d'un cocon protecteur qui n'est pas troublé par le moindre bruit d'origine humaine, et pour cause. Cette partie du royaume de Rankir a été dévastée. Owen connaît bien l'emplacement des différents villages et il sait quel chemin emprunter pour éviter à Kaïra d'avoir sous les yeux le spectacle de son peuple martyr.

- Comment vous sentez-vous, mon aimée ? demande le jeune homme après l'avoir longuement embrassée alors que ses yeux s'ouvraient tout juste.

- Bien reposée, dit-elle. Je n'ai fait aucun cauchemar... J'ai rêvé de mes jardins et de m'y promener avec vous.

Owen sourit :

- Ce sera bientôt possible.

Non loin d'eux, Sylmaria et Ingir font quelques pas, cherchant déjà les herbes de leur petit déjeuner. Owen garde encore un moment Kaïra dans ses bras, puis il se lève et prépare leur repas du matin, allumant un petit feu. Ils reprennent rapidement leur route, alors que le soleil darde ses doux rayons sur la campagne endormie.

Quelques pans de brume se promènent au-dessus de la rivière qui s'élargit bientôt devant leurs yeux. La grande plaine est silencieuse, mais Owen note aussi qu'il n'y a plus dans le ciel de ces grands oiseaux noirs qui tourbillonnaient au-dessus du champ de bataille lorsqu'il était venu avec Olaf et Alora. Il espère que les survivants du massacre ont pu enterrer les morts, afin que la vie puisse revenir, petit à petit, dans cette grande plaine autrefois si féconde. Pour cette avant-dernière journée de chevauchée, ils ne devraient pas encore atteindre les lieux les plus dévastés. C'est une journée assez paisible qui peut s'offrir à eux.

**

C'est le lendemain, en milieu d'après-midi, alors que le soleil entame déjà sa descente vers le Ponant, qu'ils voient enfin se dessiner les murs de Rankir. Il n'y a plus traces des cadavres qui jonchaient la plaine, il y a quelques semaines encore. Owen se dit que Dame Hilayna a dû prendre certaines mesures pour les faire enterrer, et il se félicite intérieurement d'avoir laissé la brave gouvernante à Rankir pour administrer le royaume en l'absence de la reine.

- Le combat s'est déroulé là, dit Kaïra, rompant soudain le silence. Mais les traces s'en effacent...

- Oui, dit simplement Owen.

- Vous aviez traversé ce lieu, n'est-ce pas ? Avec Maître Olaf et Alora ?

- Oui, c'était... terrible pour nous. Et pour moi, ma crainte était encore plus grande que vous ayez péri.

- Je crains de revoir ma ville, soupire Kaïra. Mais mon devoir est de m'y rendre, de reprendre les rênes de la destinée de mon peuple.

- En effet, dit Owen en se tournant vers elle. Mais vous ne serez pas seule pour cela. Je serai là. Et bien des vôtres aussi, qui auront à cœur de faire revivre cette si belle idée du peuple triple, cette entente harmonieuse que vos ancêtres avaient su créer, avec intelligence et ouverture d'esprit.

- Cette idée n'a-t-elle pas péri sous les coups du Seigneur des Ténèbres ? demande encore Kaïra, inquiète. Combien des miens sont-ils tombés ? Qui demeure encore, à part les Delphiniens ?

- Nous le saurons bientôt, mais je suis certain que bien des vôtres ont pu survivre et s'entraider. Et non, mon aimée, cette belle idée n'est pas morte. Elle a été touchée, blessée, mais vit encore. Elle est l'espoir pour les vôtres. Notre devoir sera de la cultiver, de lui redonner tout son éclat. Car elle sera aussi une espérance pour d'autres peuples, et notamment pour le prince Jarbek.

- Oui, c'est vrai. Le jeune prince aura besoin de stabilité à ses frontières, et particulièrement avec nous, malgré ce qui est advenu.

- Des Gardiens devraient bientôt se rendre à Sala pour l'aider, c'est une des décisions qui a été prise au Conseil. Olek sera de ceux-là.

Kaïra hoche la tête, mais n'ajoute rien. Tout en devisant, ils ont avancé et, bientôt, ils traversent un village où les cheminées de trois maisons fument tranquillement. Entendant des cavaliers, les habitants sortent prudemment et un assez jeune homme, marchant grâce à une béquille car il a été amputé d'une jambe, s'avance vers eux. Owen descend d'Ingir et s'approche, le saluant.

- Je suis Maître Owen, Gardien des Origines, et j'escorte votre reine Kaïra pour son retour à Rankir.

Tous les visages se tournent alors vers Kaïra et les sourires s'affichent, réveillant espoir et joie. Puis bien vite, les villageois s'agenouillent et saluent la reine.

- Relevez-vous, dit-elle, je suis heureuse de revenir en ma ville, en mes terres. Vous êtes les premiers habitants que nous croisons..., ajoute-t-elle avec une certaine émotion.

- Majesté, nous nous sommes regroupés là... survivants de plusieurs villages... Nous avons préféré nous rapprocher de la ville, dit le jeune homme en regardant aussi Owen. Mais la paix semble revenir...

- Il n'y a plus à craindre la guerre, dit Owen. Vous allez pouvoir cultiver vos champs, reconstruire vos maisons, entretenir vos bois, soigner vos animaux.

A ce moment, une fillette s'avance vers eux et tend une fleur à Kaïra, en s'approchant jusqu'à l'étrier de la jeune femme. Elle se penche en avant pour prendre le cadeau et sourit :

- Cette petite fleur sera désormais le symbole du renouveau en Rankir, merci.

Owen remonte sur Ingir, les villageois les saluent et ils reprennent leur chemin. Ils ne sont plus maintenant qu'à trois lieues environ de la ville et en distinguent de plus en plus nettement les remparts. Les traces des incendies sont là encore visibles, marques noires sur les hauts murs.

- Ils ont tenté de brûler la ville..., soupire Kaïra en découvrant ces stigmates.

- Oui, mais ils n'y sont pas parvenus. Les traces sont telles que nous les avions vues lors de notre précédent passage, ajoute Owen. Il y avait plus urgent à faire ces derniers temps que s'occuper des remparts.

- Oui, c'est juste. Cela se fera plus tard, répond Kaïra avec volonté.

Et elle pousse Sylmaria plus en avant, impatiente maintenant d'entrer dans sa ville.

On les a aperçus depuis le chemin de ronde et, déjà, une petite troupe s'avance à leur rencontre, menée par Limur.

- Majesté ! s'exclame l'archer Aérien avec joie. Nous sommes heureux de vous revoir enfin. Maître Owen, je vous salue aussi avec plaisir.

- Plaisir partagé, ami, sourit Owen. Nous avons voyagé léger, mais nous ne pouvions pas aller plus vite.

Limur opine, il a remarqué le ventre un peu bombé de la jeune souveraine et se réjouit de cette autre nouvelle qui ne pourra qu'apporter espérance à tout son peuple.

- Limur, je suis heureuse de vous revoir moi aussi, dit Kaïra. Il me tarde maintenant de retrouver Dame Hilayna et tous les nôtres, tous ceux qui ont survécu, précise-t-elle avec tristesse.

- Ils sont plus nombreux que vous ne le pensez, dit Limur. Ceux qui sont tombés sont essentiellement des soldats, certes, de ce fait, votre armée est à terre. Beaucoup de paysans des villages en-dehors de ceux de la grande plaine et des gens de la ville avaient pu gagner des abris, soit le long de la côte, soit dans la forêt. Bien sûr, nous devons déplorer aussi des morts parmi ceux qui se sont trouvés sur le chemin de cette armée... mais vous savez déjà que le peuple des Delphiniens a survécu. Nous pourrons nous appuyer sur nos amis pour reconstruire ce qui a été détruit.

- Vos paroles me réconfortent, Limur, dit Kaïra. Mais allons, je suis un peu lasse.

Limur marque une révérence et prend la tête de la petite escorte qui conduit Kaïra jusqu'à la ville. Ils passent la grande porte en restant à cheval et gagnent rapidement la place du palais, salués par la population heureuse de retrouver sa souveraine. En haut des marches du grand escalier, une silhouette se tient bien droite, entourée par les quatre suivantes de la reine. Dame Hilayna descend pourtant un peu vivement pour venir jusqu'à Kaïra. Son visage austère s'éclaire d'un sourire et on peut lire dans ses yeux son soulagement à revoir sa protégée.

- Majesté ! Vous voilà de retour ! Avez-vous fait bon voyage ?

- Oui, Dame Hilayna. Et je suis heureuse de vous revoir. Mais je suis un peu fatiguée de notre chevauchée d'aujourd'hui, je voulais arriver avant le soir... et nous n'avons pas fait de longs arrêts.

Pendant ce court échange, Owen est descendu de cheval et s'approche d'Hilayna qu'il salue avant d'aider Kaïra à descendre de Sylmaria. Si l'austère gouvernante, Limur et les jeunes suivantes ne sont pas surpris, l'étonnement se lit sur les visages de tous ceux qui les entourent, gardes ou habitants. Chacun s'étonne de ce que le Gardien, Maître Owen, puisse ainsi porter la main sur leur reine. Mais on ne leur fournit, pour l'heure, aucune explication, car Kaïra gagne rapidement son palais. Dame Hilayna reviendra peu après sur la grande place pour faire une courte déclaration et informer la population que le retour de la reine signifie aussi pour tous que la vie va pouvoir reprendre son cours normal.

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