Chapitre 4 : Derrière les murs de Ménaru (première partie)

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Le départ, prévu en milieu de matinée, ne se fait qu'à midi. Le temps de rassembler tous ceux qui vont partir, de faire les adieux. Ce n'est qu'une fois les troupes prêtes, même si beaucoup s'activent encore autour des chariots et des chevaux, que la reine Kaïra se fait annoncer. Pour la première fois, Owen et Olaf la voient venir vers eux en costume de cavalière. Ses longs cheveux noirs sont, comme toujours, tressés et relevés en un lourd chignon. Ses vêtements sont de très belle facture et conviennent parfaitement pour un voyage à cheval.

- La reine va donc chevaucher avec nous aujourd'hui, dit Olaf à son ami.

- Elle doit vouloir profiter de l'occasion pour rencontrer son peuple et observer les contrées que nous allons traverser.

- Les alentours de la cité lui sont bien connus, mais en effet, nous allons nous rendre au-delà. Tu resteras non loin d'elle, je mènerai le convoi, décide Olaf.

- Comme tu le veux, répond Owen en dissimulant habilement la joie qu'il ressent à l'idée de chevaucher près de la jeune souveraine.

Il espère pouvoir parler un peu avec elle de ce qu'il a observé hier et connaître ses impressions, en apprendre plus sur l'histoire du peuple de Rankir, ses coutumes, ses pratiques. Ce qu'il a déjà découvert lui a plu, l'a aussi parfois ému. Limur s'approche de lui, ils s'entretiennent un instant. Limur se placera lui aussi non loin de la reine et un groupe d'archers sera envoyé en éclaireur, de même qu'une petite troupe a déjà quitté la cité, à l'aube, pour voyager avec quelques lieues d'avance afin de préparer le premier campement du soir. Les principales personnes qui vont voyager sont rassemblées sur la grande place devant le palais, l'ensemble du convoi attendant déjà dans la plaine, au-delà des murs de la cité. La reine doit transmettre le commandement à la conseillère Flonara qui va demeurer à Rankir. Les conseillers Van'dal et Lorrek vont l'accompagner. Mais il est impossible de faire voyager une Delphinienne.

Une courte cérémonie est prévue pour cette passation de pouvoir et c'est avec beaucoup d'émotion que la Delphinienne reçoit les clés du royaume des mains de la jeune reine. Toutes deux se sourient avec bienveillance et Owen devine des liens entre elles qui vont au-delà d'une simple relation de conseillère à souveraine. "Elles doivent être amies", songe le jeune homme.

- Partez en paix, Majesté, dit Flonara. Notre cité sera bien gardée. Vous allez assister à une réunion importante pour nous tous. Faites bon voyage.

- Merci à vous, amie. Prenez soin de vous, vous aussi. Et à bientôt.

Leur court échange n'a en effet rien de protocolaire et Kaïra pose un genou à terre pour saisir les courtes mains de la Delphinienne et les serrer chaleureusement. Puis elle se relève, s'approche de son cheval. Le jeune page qui l'accompagne l'aide à monter en selle en lui approchant une sorte de tabouret. Lui non plus ne peut la toucher, sauf nécessité. Une fois la reine en selle, les autres cavaliers font de même et la petite troupe quitte la grande place, s'engageant dans les rues vers la porte nord de la cité. Les habitants se pressent sur leur passage, aux fenêtres des maisons pour saluer leur jeune souveraine.

- Faites bon voyage, votre Majesté ! Revenez-nous bientôt ! Bon voyage ! Bon voyage !

Les voilà enfin sortis de la ville et ils rejoignent rapidement le convoi. Olaf se porte aussitôt vers l'avant, Owen restant auprès de la jeune reine. Il aperçoit Dame Hilayna qui voyage dans un des lits à porteurs prévus pour la suite de la souveraine. Elle a ouvert les rideaux du lit pour assister au départ. Puis son regard se porte vers l'avant du convoi. Il voit Olaf s'avancer un peu, regarder en arrière, d'un long regard qui enveloppe l'ensemble de la troupe, puis il lève la main, Owen lui répond, se tourne à son tour vers l'arrière où Lorrek se tient pour mener l'arrière-garde. Celui-ci lève le bras également, signe qu'ils sont prêts à partir. Le convoi s'ébranle lentement.

Si Owen chevauche non loin de la reine, il n'est cependant pas juste à ses côtés. Deux gardes humains l'entourent et deux archers Aériens, dont Limur, planent non loin d'elle. Owen est heureux de remonter Ingir, d'entamer le voyage. De longues semaines et une vraie aventure l'attendent. Tout au long de la route, ils croisent des villageois, des paysans, parfois aussi des Aériens, même si ceux-ci résident le plus souvent non loin de la forêt. Ils sont venus assister au passage du convoi royal et saluer leur souveraine. Kaïra est enchantée par ces premières heures de voyage, éprouvant un véritable sentiment de liberté à monter à cheval, une jument à la robe blanche, docile. Elle répond avec plaisir aux nombreux saluts de ses gens et emplit ses yeux des paysages de collines et de champs prospères qu'ils traversent. En fin d'après-midi, Owen se porte juste à ses côtés :

- Majesté, nous ne sommes plus loin du campement. Derrière cette colline. Etes-vous fatiguée ?

- Non pas, merci, Maître Owen. J'aime monter à cheval, même si je ne peux le faire aussi souvent que je le voudrais. Je vais pouvoir profiter de ce voyage pour cela ! C'était un bel après-midi, n'est-ce pas ?

- Ces premières heures de voyage ont en effet été très plaisantes. Espérons qu'il en soit ainsi jusqu'à Petimont.

Elle lui sourit.

- Je sais que le voyage peut présenter des dangers, mais je ne pense pas que la traversée de Salarin soit tant à redouter. Il fallait prendre des précautions, certes, mais les prétendants au trône n'ont aucun intérêt à ce qu'il nous arrive malheur. Ils souhaitent la paix, avec leurs voisins, dont nous faisons partie.

- Certes, mais les brigands, eux, peuvent frapper en se moquant des intérêts des princes...

- Je vous fais confiance pour veiller sur moi, répond-elle.

- Mon épée est vôtre..., dit-il en la regardant de côté, avant de reprendre un peu de distance.

Elle le regarde s'éloigner en restant songeuse.

Mais bien vite, le campement se dessine. Ils arrivent, chacun s'active. Un repas attend les voyageurs, des tentes ont été dressées pour le couchage. Quelques chariots seront prêts à partir très tôt, juste avant l'aube, pour prendre à nouveau de l'avance pour la prochaine soirée. Ils feront ainsi durant les cinq à six jours que va durer le voyage sur les terres de Rankir. Ensuite, tout le convoi restera groupé.

Owen, Olaf, Dame Hilayna, Lorrek et Van'dal, ainsi que Limur et Bosserin, tiennent un rapide Conseil avant le repas pour faire le point sur la journée passée et le déroulement de la prochaine. Puis ils rejoignent les grands feux pour dîner. La reine mange sous sa tente, Dame Hilayna partage son repas. Elle n'en sortira pas avant le lendemain matin. Une tente a également été dressée pour les Gardiens, bien qu'Owen aurait aimé dormir à la belle étoile. Il comprend cependant que cela ne peut se faire et rejoint Olaf après avoir passé quelques minutes auprès de son cheval et avoir échangé quelques mots avec Limur.

**

Tant qu'ils voyagent en Rankir, aucun incident n'est à déplorer. Le temps est agréable et même si le convoi est important, ils avancent assez vite. Bien qu'Hilayna montre une certaine réserve, Kaïra passe de longues heures à cheval, au cours desquelles elle s'entretient souvent avec Owen. Elle lui pose de nombreuses questions sur les voyages qu'il a pu faire, les peuples qu'il a rencontrés. Elle est curieuse d'en connaître plus sur les autres pratiques, les autres cultures. Certaines lui plaisent et elle réfléchit à les reprendre pour son propre peuple. Owen se dit qu'elle est vraiment avisée et réfléchie.

Lorsqu'ils approchent de Salarin, un petit groupe vient à leur rencontre. Il s'agit d'une troupe envoyée par le roi. Elle est menée par un fier guerrier qui s'avance sans hésiter vers Olaf.

- Maître, dit-il, car il a instantanément reconnu un Gardien des Origines, je suis envoyé par le roi de Salarin pour vous guider à travers nos terres, jusqu'à la ville de Ménaru où le prince Bramé sera heureux de vous recevoir. Elle est située sur votre route pour atteindre Petimont. Le prince Galiané doit se rendre lui aussi à la réunion des Régnants et il est déjà en chemin. Il vous ouvrira la route et la sécurisera. Nous connaissons quelques troubles, en ce moment...

- Je vous remercie, chevalier, répond Olaf respectueusement. Et je remercie aussi le roi et les princes. J'accepte votre proposition avec chaleur. Combien de journées mettrons-nous pour atteindre Ménaru ?

- Trois jours pour un convoi tel que le vôtre. Nous avons prévu des étapes, vous serez attendus et des campements sont installés pour vous recevoir et permettre à votre reine de se reposer.

- Alors, je vous remercie d'autant plus, car cela nous fera gagner un temps précieux sur ces premières journées de voyage. Je vais m'entretenir avec les conseillers et la reine elle-même pour leur faire prendre connaissance de ce dispositif.

- Je vais donc faire prévenir le premier campement de votre arrivée. Vous y serez dans deux heures.

Les deux hommes se saluent. Le chevalier et sa troupe attendent, pendant qu'Olaf se porte vers le milieu du convoi, à hauteur de la reine. Owen a fait stopper les cavaliers et Lorrek s'est déjà avancé jusqu'à eux. Van'dal est sorti du lit à porteurs dans lequel il voyage. En quelques mots, Olaf les informe de la proposition du roi de Salarin. Lorrek et Van'dal la jugent plus qu'acceptable. Le convoi se remet en route, mais Kaïra descend de cheval et rejoint Hilayna pour prendre un peu de repos.

Alors qu'ils reprennent leur chemin, Owen demande à Limur ce qu'il en pense.

- Cela semble sage à première vue, répond l'archer ailé. Mais je m'inquiète de savoir le prince Galiané envoyé comme représentant de Salarin à Petimont.

- Qui est-il exactement ?

- Le fils aîné du roi. Mais c'est un homme cupide et ambitieux. J'aurais préféré le savoir sur ses terres...

- Son autre frère est-il plus capable ?

- Hélas, non, ami ! Bramé est aussi roublard que son frère est cupide et tout autant ambitieux que lui ! Sans compter que c'est un homme violent et très colérique. Ce qui pourrait arriver de mieux à Salarin serait que tous deux renoncent au trône au profit de leur plus jeune frère, le prince Jarbek, il est plus avisé et surtout pacifique... Mais la pire est peut-être la princesse Jébora. Elle aussi voudrait régner...

- Nous allons devoir louvoyer entre bien des ambitions, soupire Owen.

- Vous dites juste, Maître Owen, conclut Limur.

Ils parviennent rapidement au campement installé par les hommes de Salarin. Hilayna, à peine arrivée, organise un Conseil. Elle aussi connaît les rivalités entre les héritiers du roi de Salarin et si le fait de bénéficier d'une petite troupe pour les escorter à travers le royaume et que la route leur ait été "ouverte" par la troupe du prince Galiané paraît plutôt rassurant, elle reste sur ses gardes. En quittant le Conseil, Owen s'entretient un moment avec elle.

- Vous n'êtes pas sereine, Dame Hilayna ? demande-t-il en la raccompagnant jusqu'à sa tente.

- Non, je ne le suis pas, Maître Owen. En d'autres temps, nous aurions traversé Salarin sans crainte, mais je ne suis pas tranquille.

- Que craignez-vous exactement ?

- Que notre jeune reine ne représente un trop bel appât pour les ambitions des princes. Entre Galiané qui va chercher le soutien et la reconnaissance à la réunion des Régnants et son frère qui va profiter de notre passage pour nous influencer...

- Il paraît difficile d'éviter de passer par Ménaru.

- Il faudra redoubler de vigilance et surtout ne pas nous y attarder.

- Je rappellerai vos craintes et vos conseils à Maître Olaf. Mais je ne pense pas qu'il souhaite s'y attarder lui non plus.

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