Chapitre 14 : Le disque sacré (première partie)

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Owen n'a pas encore quitté Lessar que les nuages s'accumulent de plus en plus au-dessus du royaume de Salarin. Les quatre Gardiens envoyés par le Grand Maître y trouvent une situation beaucoup plus alarmante et conflictuelle que ce qu'ils supposaient. Au point qu'ils se demandent s'ils parviendront à trouver une solution diplomatique acceptable par les deux partis, celui de Bramé et celui de Galiané. Comme l'avait perçu le Grand Maître, Jébora attend son heure et laisse ses frères se battre, par soldats interposés, par guets-apens, traquenards et ruses qui, sans faire encore de nombreuses victimes comme le feraient des combats entre deux armées, laissent cependant des hommes sur le carreau, de part et d'autre.

Une atmosphère de vendetta, de méfiance, de complot règne désormais sur Salarin.

Les quatre Gardiens se sont d'abord rendus à Sala, y ont entendu longuement le prince Galiané qui s'estime, de par son droit d'aînesse, être déjà le souverain. Mais il est assez isolé dans la capitale et n'a guère de prise sur le reste du royaume, déjà sous le contrôle de son cadet. Bramé possède aussi une armée puissante, des soldats aguerris. Si, durant les dernières années du règne de leur père, Galiané a été plus au fait des questions diplomatiques et économiques, son frère a, quant à lui, monté une véritable armée et a su s'appuyer sur les forces vives du royaume, exacerbant aussi le sentiment de conquêtes, de puissance, l'envie d'en découdre chez de jeunes et valeureux vassaux et soldats. La force semble vouloir donner raison à Bramé, car à l'heure où les Gardiens entrent à Sala, une armée forte de plusieurs milliers d'hommes se rassemble déjà sous les murs de Ménaru, prête à conquérir la capitale et à porter le prince Bramé sur le trône.

Jébora, elle, est restée à Sala, mais intrigue en sous-mains, apportant des renseignements précieux aux espions de Bramé, tout en assurant son autre frère de son soutien. Nul ne porte vraiment attention à Jarbek, comme l'avait déjà remarqué quelques mois plus tôt la reine Kaïra.

Après avoir séjourné deux bonnes semaines à Sala, les Gardiens et Gardiennes prennent la route de Ménaru pour y rencontrer le prince Bramé. Le déploiement des forces les alerte, elles sont encore supérieures à ce qu'ils ont entendu dire. La guerre semble inévitable. Ils alertent alors le Grand Maître qui s'engage à son tour dans un voyage jusqu'à Salarin, espérant encore, par sa venue, faire accepter une solution pacifique.

**

En traversant les terres de Salarin pour se rendre d'abord à Ménaru, accompagné par Alana, le Grand Maître comprend aisément qu'il est sans doute trop tard pour une solution diplomatique, que la guerre est inévitable, à moins que le prince Galiané n'accepte la reddition et laisse son jeune frère monter sur le trône. Néanmoins, une proposition inattendue l'attend de la part de ce dernier.

Il est reçu en grande cérémonie par le prince Bramé. Son sourire obséquieux, son regard déjà triomphant, mais aussi un étrange sentiment font douter le Grand Maître de la pureté de ses intentions.

Aux côtés du prince se tiennent quatre de ses hommes, parmi ses fidèles, dont Messiar. Celui-ci affiche un regard aussi triomphant que son suzerain.

- Grand Maître, c'est un honneur pour nous de vous recevoir, je vous remercie d'avoir fait le voyage jusqu'à nous en ces temps troublés, commence le prince Bramé.

- Maîtresse Alana et moi-même vous remercions de votre accueil et si les temps sont troubles, nous avons aussi fait le déplacement en espérant vous apporter notre aide pour maintenir la paix. Les enjeux sont importants. Déclencher une guerre est chose aisée. L'arrêter et construire la paix est plus long et difficile...

- Nous le savons tous, Grand Maître, dit Bramé. Mais mon frère s'accroche à Sala sans avoir compris que le royaume ne veut pas de lui.

- Veut-il pour autant de vous ?

Un éclat méchant s'allume dans les yeux de Bramé, les poings se ferment aux mains de ses hommes.

- Cela ne fait aucun doute. La grande majorité des vassaux du royaume m'a prêté allégeance. Ceux qui sont ici en sont les représentants. Mon frère connaît mal Salarin, et sans vouloir prétendre connaître mes terres parfaitement, je les connais en tout cas mieux que lui et je mesure mieux aussi les attentes de mon peuple. Mon frère n'a aucune ambition, aucun projet pour Salarin.

- Et quels sont les vôtres ?

- Développer les échanges avec les royaumes voisins, agrandir les cités, exploiter mieux les mines situées au levant, favoriser le travail de nos maîtres artisans pour pouvoir échanger des biens de plus grande valeur. Enrichir mon royaume et apporter ainsi à ma population de meilleures conditions de vie.

- Il est fort louable de penser au bien-être de vos gens, mais une guerre vous appauvrirait en attendant.

Bramé se tait, se lève, fait quelques pas dans la pièce, puis reprend la parole, d'un ton contrit :

- Hélas, oui. Et c'est pourquoi, apprenant d'abord l'envoi d'une première mission de vos Gardiens chez nous, puis votre venue, nous sommes restés à Ménaru en espérant que vos conseils feraient réfléchir mon frère et nous éviteraient de mener un combat douloureux pour tous. Et j'ai une proposition à vous faire, Grand Maître.

- Laquelle ?

- Je serais prêt à m'entendre avec mon frère à une condition : que celui-ci comprenne qu'il a perdu avant même de mener la bataille, que je suis le plus fort, non seulement par mon armée puissante et valeureuse, mais aussi parce que je suis reconnu par nos pairs.

- Comment pensez-vous obtenir cette reconnaissance ?

- En épousant la reine Kaïra. Cela me placerait alors comme premier prétendant au trône de Salarin, et mon frère ne pourrait que s'incliner.

Le Grand Maître demeure silencieux. Bramé semble avoir trouvé le bon moyen de parvenir à ses fins : la main de Kaïra en échange de la paix.

- Et si elle refuse ?

- Elle a déjà refusé, mais sans avoir connaissance de notre situation. Sans avoir non plus entendu la voix de votre sagesse. Vous pourriez lui faire mieux comprendre, je pense, où sont nos intérêts à tous. Il y a quelques jours, j'ai appris que des hordes de brigands que je crois à la solde de mon frère sont entrées en Rankir et ont causé des dévastations dans quelques villages situés à la frontière. Ils agissent dans une zone que je ne contrôle pas, sinon, nous aurions tout fait pour empêcher leurs agissements, bien entendu.

- Bien entendu, conclut le Grand Maître.

**

- Qu'allez-vous décider, Grand Maître ?, demande Alana alors qu'ils se retrouvent seuls après cette première entrevue avec Bramé.

- Je ne sais encore, Alana. J'ignore si des brigands ont vraiment dévasté les villages limitrophes de Rankir, si ceux-ci sont au service de Galiané comme il le semble à première vue ou s'ils sont en fait des hommes de Bramé, voire de simples brigands. Mais la menace grandit aux frontières. Si des troupes entrent en Rankir pour faire pression sur la reine... elle n'aura plus le choix.

- L'a-t-elle encore ?

- En un sens, oui. Elle peut choisir Galiané et Bramé devra alors s'incliner, malgré sa puissance.

- Elle peut aussi choisir un autre homme. Qui ne soit pas de Salarin.

- Oui, cela pourrait arriver aussi...

Le Grand Maître se demande alors pourquoi le visage d'Owen se forme à cet instant dans son esprit. Mais il chasse bien vite cette image, car il lui faut prendre une décision.

- Alana, tu iras en Rankir porter un message de ma part à la reine. Moi, je vais demeurer à Sala. Tant que j'y serai, Bramé n'osera pas porter le combat contre la capitale. Je vais tenter de faire accepter une sorte de trêve, qu'aucun combat ne soit déclenché tant que nous n'aurons pas reçu de réponse de la reine. Tu feras le voyage avec moi jusqu'à Sala, nous y retrouverons nos compagnons et deux d'entre eux iront avec toi. En ces temps troublés, je ne veux pas que vous soyez seuls en chemin.

- Très bien, dit-elle. Je serai prête à prendre la route dès que vous le jugerez nécessaire.

- Nous ne tarderons pas. Le temps nous est compté. Retenir les rênes de Bramé est déjà une épreuve.

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