Chapitre 34 : Sur la route de Sala (première partie)

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Quand ils regagnent la grotte des Gronfalls et retrouvent la petite communauté d'Awenar, une étrange atmosphère règne. Siwu ouvre la marche, suivi de près par Owen et Kaïra. Le premier à s'avancer est Awenar qui s'incline devant le Gardien.

- Messire Owen, vous avez réussi l'impossible. L'épée est vôtre et nous sommes tous désormais à votre service. Ordonnez et nous vous suivrons.

- Je ne souhaite pas vous ôter la moindre de vos prérogatives, ni toucher à votre indépendance, répond Owen. Je vous demande simplement de nous aider à rejoindre les nôtres le plus rapidement possible, soit par les profondeurs, soit par la surface. Et d'aider les réfugiés qui se présenteraient à vous aux frontières de Rankir.

- Nous les aiderons autant que possible et nous irons secourir les survivants de votre peuple, Majesté, dit-il en se tournant vers la reine.

- Merci à vous, messire Awenar. Votre aide et votre soutien nous seront précieux.

- Messire Awenar, reprend Owen, en ces heures sombres où notre monde est menacé, nous devons avant tout nous unir pour affronter un ennemi cruel et démoniaque. Je vous remercie au nom de tous.

Dame Hilayna, accompagnée des suivantes, comme toute la petite communauté, avait assisté à l'échange et à l'arrivée du petit groupe. Elle avait vu l'épée à la ceinture d'Owen, mais il lui semblait que c'était une épée comme les autres. Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait de particulier. Elle s'avance vers la reine :

- Majesté, je suis heureuse de vous revoir. Vous m'avez causé bien du souci... J'étais inquiète de vous savoir dans ces profondeurs obscures.

- J'avais un bon guide, Dame Hilayna, en la personne de Siwu, sourit Kaïra. Il ne fallait pas craindre pour ma vie.

- Dame Hilayna, nous allons prendre un peu de repos, dit Owen, et repartir dès que possible. Nous devons absolument retrouver le Grand Maître et les autres Gardiens des Origines, désormais.

- Je comprends cette nécessité, Maître Owen, répond la gouvernante avec un petit sourire pincé. Mais est-ce à dire que nous devons rester ici, la Reine et nous-mêmes ? Que nous y sommes en sécurité ?

- Je ne doute nullement de l'abri et de l'accueil qui vous y seront accordés, sourit Owen en réponse. Mais la reine doit venir avec nous. Vous avez donc le choix, pour vous-même comme pour les quatre jeunes filles qui vous accompagnent, de demeurer ici ou de nous suivre. Mais nous irons directement en Salarin.

- En Salarin ! Grand Dieu ! Et les nôtres ? Et la bataille ?

- Les vôtres n'ont plus à craindre de l'ennemi, pour l'heure ; du moins, il nous faut l'espérer. Je pense plutôt que son armée s'est mise en route pour mener un nouveau combat en Salarin. Un combat qui l'opposera aux Gardiens et au Grand Maître. Nous devons absolument les rejoindre pour les soutenir.

- Mais ce sera terriblement dangereux ! s'exclame Dame Hilayna d'un air horrifié, ne comprenant pas encore pourquoi Owen tient à mettre la reine en si grand danger.

- Oui, ce le sera. Mais ce sera encore plus dangereux pour la reine d'être éloignée de nous. Je dois veiller sur elle.

Et il la fixe si intensément que la pauvre femme sent sa force décliner et sa résistance faillir. Il devient difficile de s'opposer aux décisions d'Owen, elle le comprend désormais.

**

Alors qu'Owen, Olaf, Alora, Kaïra et Siwu prennent un peu de repos, les préparatifs vont bon train pour Dame Hilayna et les suivantes. Elles n'ont pas grand-chose à rassembler, mais acceptent volontiers la nourriture que leur proposent les Gronfalls. Dès qu'Owen le juge possible, ils repartent tous, non sans avoir remercié une fois de plus chaleureusement Awenar et les siens pour leur aide et leur accueil. Après un nouveau cheminement vers la lumière, ils retrouvent leurs amis aériens, Limur et leurs montures, puis s'engagent aussitôt en direction du royaume de Rankir.

Ils chevauchent d'un trot rapide dans la plaine et, bientôt, ils voient se dessiner les toits des maisons du village où Olek était soigné. C'est avec un grand plaisir, mais aussi un certain soulagement, que les deux Gardiens et la jeune appelée aperçoivent, venant à leur rencontre, la haute stature de leur compagnon.

- Olek ! s'exclame Olaf. Heureux de te retrouver et de te voir en pleine forme.

- Bonjour, amis. Je vous attendais. Mes blessures ont guéri, je vais pouvoir vous accompagner. J'ai été bien soigné…

Le Gardien s'avance alors vers le reste de la petite troupe. Il reste un moment silencieux face à Owen qui est descendu de cheval et s'est approché lui aussi. Les deux Gardiens se fixent un moment, aucun des villageois qui se trouvent là ou des autres cavaliers n'ose bouger. Puis Olek tend les deux bras pour saisir ceux d'Owen.

- Tu reviens plus fort que tu n'es parti, Owen, dit Olek. Je sens la force des Esprits à travers toi.

- Ils m'ont confié l'épée de feu, répond Owen.

Olek hoche la tête en silence. Il comprend.

- Alors, Majesté, dit-il en se tournant vers la reine Kaïra qui est restée en selle, votre peuple va pouvoir reprendre espoir. Le Seigneur des Ténèbres va nous trouver sur son chemin.

Kaïra lui sourit doucement :

- Je suis heureuse de vous revoir aussi, Maître Olek, et de savoir que vous allez pouvoir nous accompagner. Je crois que votre présence à tous sera nécessaire dans ce combat qui s'annonce. Mon peuple a payé un lourd tribut. L'heure viendra où nous pourrons reconstruire, mais avant…

- Avant, l'ennemi nous attend, termine Olek. Mais venez prendre un peu de repos, avant que nous ne poursuivions tous ensemble notre route.

Les villageois les accueillent avec simplicité. Limur parle avec leur chef, s'enquiert des nouvelles de la ville. Ces nouvelles sont très partielles et il est difficile pour l'archer Aérien d'estimer la situation à Rankir. Cela le rend soucieux et il s'inquiète de ne pouvoir y conduire la reine en toute sécurité.

Après une courte nuit de repos, ils repartent à l'aube. Owen avait dans l'idée d'éviter la ville de Rankir et de chevaucher à travers la plaine, coupant ainsi au plus court pour rallier les frontières de Salarin. Mais il devine Kaïra soucieuse de revoir les siens et, notamment, de s'entretenir avec Flonara. Alors qu'ils se sont arrêtés pour reposer les chevaux et prendre un léger repas, Owen, Olaf et Olek s'éloignent un moment.

- Nous devons aller au plus court, dit Owen, mais la reine voudrait traverser Rankir, revoir au moins la conseillère Flonara et prendre des nouvelles des siens. Mais cela nous fera perdre au moins deux jours de voyage et je crains que le temps ne nous soit compté.

- T'a-t-elle demandé de passer absolument par Rankir ? interroge Olaf.

- Non, pas directement, mais je la sais inquiète des siens.

- C'est normal, intervient Olek, surtout après le terrible combat qui s'est déroulé. Fort heureusement, elle n'y a pas assisté, nous avions pu la faire partir avant. Mais tu as vu les traces de ce combat, Owen, comme moi-même qui y ai participé. Le spectacle que la reine découvrira va la marquer profondément. Il vaudrait mieux le lui éviter. C'est mon avis, ajoute-t-il après un court silence.

- C'est aussi le mien, soupire Owen, au-delà de la nécessité de rejoindre les nôtres au plus vite.

Le regard du jeune homme se fait lointain, tourné en direction de la ville, par-delà la plaine qu'ils vont parcourir. Olaf devine que les préoccupations du jeune homme sont multiples et, un peu comme lorsqu'ils se trouvaient à Altassaïr mais pour des motivations différentes, il se dit qu'il va avoir besoin de lui pour ne pas dévier de l'essentiel. Olaf est le seul, aussi, parmi les Gardiens, à savoir qu'Owen et Kaïra sont désormais unis, mais il se doute qu'Olek ne tardera pas à l'apprendre ou à le deviner, même si les deux jeunes gens restent très pudiques et discrets. Les liens qui se sont tissés entre eux sont très forts et il n'est pas difficile pour des Gardiens aguerris comme ils le sont de les percevoir. Même Alora les a perçus, Olaf en est certain.

- Je vais lui parler, dit soudain Owen d'un ton déterminé.

Et il s'écarte de ses compagnons pour revenir vers leur petit groupe. Limur et ses archers planent un peu en hauteur, surveillant avec attention les alentours. Owen mesure une fois de plus combien les particularités des Aériens leur sont précieuses. En le voyant revenir, Kaïra se lève et s'approche de lui.

- Ma reine, dit-il en lui prenant la main. Nous allons devoir décider de la direction à prendre pour la suite du voyage.

- Quel est le plus important, Owen ?

- Le plus important, à mon avis, est toujours de rallier les autres Gardiens et le Grand Maître.

- Alors, rejoignons-les le plus vite possible.

- Même si cela signifie ne pas passer par votre ville ?

Il perçoit son hésitation. Elle est partagée entre son sens du devoir et des responsabilités envers son peuple et la nécessité d'agir et de contrer ceux qui veulent semer la mort et la désolation sur leur passage. Owen lui dit :

- Je comprends votre souci d'aller vers les vôtres, de prendre de leurs nouvelles.

- Mais nous ne devons plus être séparés, n'est-ce pas ? Vous en étiez certain…

- Je le suis toujours.

- Alors, j'irai avec vous. A quoi cela servira-t-il d'aider les miens à panser leurs blessures si c'est pour subir une nouvelle destruction ? Mais je vais laisser le choix à mes suivantes et à Dame Hilayna, mais aussi à Limur et à ses archers. Face au combat, chacun doit être libre de s'engager là où il sera le plus utile.

- Vous êtes sage, lui sourit Owen.

Kaïra retourne vers les siens, suivie d'Owen. Les Gardiens se sont également rapprochés. La reine prend la parole la première, regardant tour à tour Limur et Dame Hilayna.

- Nous devons faire un choix rapidement, dit-elle, pour décider de la direction que nous prendrons. Les Gardiens doivent se rendre le plus vite possible auprès du Grand Maître qui se trouve en Salarin. J'irai avec eux, mais je ne veux pas laisser les nôtres sans nouvelles et sans aide. Je pensais vous confier, Limur, de rejoindre Rankir et d'y retrouver Dame Flonara.

- Bien, Majesté, répond l'archer Aérien.

- Puis-je faire une suggestion, Majesté, intervient Dame Hilayna.

- Je vous écoute, répond la jeune reine.

- Je pourrais me rendre à Rankir, poursuit Hilayna. Je transmettrais vos ordres et vos souhaits et avec Dame Flonara et ceux qui ont survécu, je pourrais réorganiser un peu les choses. Tous n'ont pas péri ! Il reste des villages qui ont été épargnés, et je suis certaine que les Aériens ont offert le refuge à bon nombre des nôtres. Vos conseillers ne sont plus, hormis Dame Flonara, mais en tant que Delphinienne, il lui est plus difficile d'intervenir à terre. Je pense que je serais écoutée, étant proche de vous. Vous pourrez, à votre retour, réorganiser les choses afin que des conseillers soient désignés pour remplacer Messire Van'dal et Messire Lorrek. Je pourrais partir avec une escorte limitée à un ou deux archers, et Limur pourrait rester avec vous. Il vaut mieux que vous soyez avec les meilleurs combattants. De plus, si vous deviez nous alerter, il serait rapide.

- Qu'en pensez-vous, Limur ? demande la reine en se tournant vers lui.

- Je me range à l'avis de Dame Hilayna.

- Bien, dit Kaïra, alors nous ferons ainsi. Je veux cependant vous dire à tous que ce que nous allons affronter en Salarin sera sans doute terrible, nous en avons déjà eu un aperçu ici. Je vous laisse libre, chacun, de rester à Rankir ou de nous accompagner. Y compris vous, mes suivantes, ajoute-t-elle en se tournant vers les quatre jeunes femmes.

- Majesté, dit Nijma, je voudrais vous accompagner, mais il serait bon que deux d'entre nous restent avec Dame Hilayna. Elle aussi pourrait avoir besoin de notre aide.

Les trois autres jeunes filles hochent la tête en signe d'assentiment. Il est bien vite décidé que Nijma et Naïna accompagneront la reine et que Nuka et Nemna iront avec Dame Hilayna. Deux archers seulement les escortent, mais aussi quelques villageois qui se sont proposés spontanément pour se rendre jusqu'à la ville. Chacun a compris que l'heure était suffisamment grave pour s'engager auprès de ceux qui luttent encore.

Après de brefs, mais émouvants aux revoirs, que Kaïra refuse de considérer comme des adieux, chaque petite troupe repart de son côté.

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