Chapitre 14

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Monsieur Lancel l'observait d'un regard perçant. Pour une fois, aucune émotion ne se laissait deviner sur son visage, ce qui ne manqua pas de troubler Nayala qui bégaya :

- Ah oui, donc au sujet de tout à l'heure...

- Plus tard, la coupa-t-il.

Il se redressa sur sa chaise, croisa les bras et passa l'une de ses jambes par dessus l'autre. De nouveau, il la fixa sans sciller, droit dans les yeux avant de poursuivre :

- Vous avez oublié notre petite promesse à ce que je vois !

Comme elle ne comprenait pas, il soupira et expliqua :

- Nous avions conclus, pas plus tard qu'hier, qu'à notre prochaine rencontre vous me raconteriez d'où vous venez et je suis maintenant bien plus curieux de l'apprendre !

Cela était sorti de son esprit ! Elle avait été trop distraite par les aléas de la journée pour y penser, qu'allait-elle bien pouvoir dire ? La jeune femme réfléchit un temps avant de rétorquer :

- Je n'ai rien promis.

Comme à son habitude, le Jardinier étira ses lèvres malicieusement puis répondu :

- C'est vrai ! Je vais donc me contenter d'aller fouiller dans vos papiers d'enregistrement afin d'en apprendre plus sur ma nouvelle Assistante !

- Non ! Cria-t-elle précipitement.

Piégée. On pouvait voir à son expression qu'il s'amusait. C'était un jeu, dans lequel il prenait un malin plaisir à la manipuler. Nayala n'arriverait pas à déterminer si cet homme était gentil ou non. Toujours avait-il deviné qu'elle n'était pas enregistrée, ou du moins s'en doutait-il jusqu'à maintenant.

- Réfléchis, se dit-elle mentalement.

Elle ne pouvait pas s'enfuir, mais pas tout lui raconter non plus. Après une longue expiration, elle commença. Nayala entortilla ses doigts halés un instant avant de lui lancer un regard de defis puis, tout en continuant de le fixer droit dans les yeux, enleva d'un coups sec son turban. Celui-ci emporta dans sa chute le tissus de tête et laissa ses cheveux argentées se remettrent à leur place habituelle.

Ce geste lui avait valu un sifflement admiratif de l'homme qui paraissait l'admirer d'un oeil toujours plus curieux, avide de connaître le fin mot de l'histoire. Nayala lui raconta donc son enfance. Elle avait opté pour l'honnêteté partielle : qu'elle ne se souvenait pas de son passé avant d'être à la rue, juste d'être dehors, sûrement abandonnée par ses parents. Puis toutes les insultes, le rejet, le fait de devoir mendier, ... Elle omis volontairement les vols et arriva au moment où Yélé l'enleva à la rue. Elle avait dit avoir fait sa connaissance en demandant de la nourriture. Nayala expliqua les rumeurs sur l'enfant maudit, non sans mal, avant de parler de sa décision de se camoufler pour enfin tomber dans l'oublie et trouver la tranquilité.

- Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça mais grâce à Yélé j'ai pu de nouveau avoir un foyer, je ferai n'importe quoi pour lui, conclua-t-elle.

Monsieur Lancel prit le temps de la réflexion et, d'un air sérieux, l'analysa de haut en bas avant de demander perplexe :

- Je dois dire que je suis vraiment surpris... Donc vous ne savez pas d'où vous vient ces... couleurs ?

- Non.

Il avait écouté du début à la fin, sans jamais lui couper la parole et sans jamais détourner ses yeux bleus de la jeune femme. Malgré son attitude, que Nayala jugeait absurde, son complice était loin d'être stupide et posa une nouvelle question :

- Intéressant... Maintenant j'aimerai savoir pourquoi vous êtes au Palais ? Ce qui est vraiment dangereux pour vous si j'ai bien compris.

Nayala ne pouvait évidemment pas lui expliquer être ici afin de voler le protecteur de leur monde. Elle se concentra sur le seul mensonge qui lui était venu à l'esprit : Yélé, trop âgé, ne pouvait plus travailler et ne possédait pas assez d'économie pour deux. La jeune femme, qui ne pouvait trouver un emploi en ville facilement, était venue offrir ses services au Palais, qui était en perpétuel recherche de Servants. Elle continua et ajouta qu'en voyant la discrimination établie à l'intérieur du dôme, elle avait voulu partir, qu'elle se sentait trop en danger si l'on venait à découvrir son physique. Son dernier mensonge fut qu'elle n'avait pas eu le temps de s'enregistrer car on lui avait ordonné de se mettre au travail à peine entrée. Mais, qu'à l'heure actuelle, elle n'avait pas envie de laisser son nom car elle comptait fuir, une fois quelques payes empochées, et cela déshonnerai le vieil homme qui l'avait adoptée si on la retrouvait. La dernière affirmation était fausse mais, cela aussi, il n'avait pas besoin de le savoir.

- Humm...

Elrick Lancel était songeur. Il s'était mit debout et parcourait la pièce de long en large à grandes enjambées avant de mettre la main sur les deux pots préparés par Nayala. Il les lui tendit avant de la questionner de nouveau :

- On reparlera du reste plus tard. J'aimerai des explications sur ceci si vous le voulez bien.

La jeune femme, toujours assise derrière le bureau, savait n'avoir en réalité pas le choix. Elle lui raconta la suite, cette fois sans avoir à mentir. Yélé Préparateur non-officiel lui avait appris les bases qu'elle avait étoffées dans son quartier. Elle ne s'attarda pas sur les détails et arriva le moment douloureux d'expliquer l'accident de Nora. Ses blessures, le peu d'aide reçu, son remplacement, Nayala donna même son avis en toute honnêteté. En tant qu'Eminent peut-être pourrai-t-il faire quelque chose ?

Pour sa flûte, elle dit seulement l'avoir toujours eu. Elle ne savait pas qui lui avait donnée mais sa mélodie avait toujours eu le même effet. La jeune femme n'avait pas besoin de faire diversion pour cette partie, elle en connaissait véritablement très peu de l'instrument qui l'accompagnait depuis son enfance. Ses doigts s'accrochèrent à l'objet entre le tissus de son bas. Ce qui était certain, c'est qu'il était important, une sorte de porte-bonheur, de protection, qu'elle gardait toujours à porter de main.

L'homme au visage fin soupira avant de reprendre :

- Je vois... Donc vous ne souhaitez absolument pas que l'on vous soupçonne de savoir préparer des soins ? Pourtant la plupart des Préparateurs non-officiel ne veulent véritablement qu'une chose : être repérés.

Il était vraiment très perspicace. N'importe qui aurai souhaité avoir les connaissances de Nayala mais elle n'était pas tout le monde et répondit :

- Travailler au Palais ne m'intéresse plus.

D'un air absent, il marmonna:

- Comme je vous comprend...

Puis, il reprit tout un coups son visage enjoué et continua :

- Effectivement le Palais a quelques petits défauts dans son système, je le reconnais. Permettez moi de vous dire que votre histoire est partiellement bancale.

Nayala sentie son coeur tressauter en entendant le début de sa phrase et était appeurée d'en entendre la suite. Elle resta néanmoins silencieuse et écouta l'homme, de nouveau face à elle, qui s'agitait gaiement:

- Je sais pertinement qu'elle est fausse, ou du moins en parti, et avant que vous me disiez le contraire... Je comprend parfaitement que vous ne me faîtes pas confiance. Après tout, je vous suis étrangé donc je vais devoir la gagner ! Quoi de mieux que vous aider à guérir votre amie pour y arriver !

Ses yeux orangés écarquillaient, bouche-bée, Nayala était de nouveau surprise par le Jardien-Préparateur. Les doutes qui s'entrechoquaient dans son esprit débordèrent:

- Pourquoi ? Que voulez-vous ? Et ne me répondez pas ma confiance...

La question lui était sortie de la bouche sans pouvoir la retenir. Il avait beau être une personne exubérante, monsieur Lancel s'apprêtait à aider une infiltrée, non enregistrée, à l'histoire qu'il trouvait douteuse, volontairement. Ce qui le mettrai en danger si elle venait à se faire prendre. Nayala n'était pas dupe et se demandait : que souhaitait-il réellement en échange ?

En levant les bras au ciel, il s'exclama :

- Evidemment une contre-partie serait le bienvenue, vous m'avez devancée !

- Que voulez-vous ? Répéta-t-elle.

Cet homme parlait avec ses mains. Il accompagnait toutes ses phrases par des gestes toujours plus amples que nécessaire. Il continua plein d'entrain :

- Ne faites pas cette tête voyons ! Rien d'illégal, il va sans dire ! Honnêtement, je souhaite réellement votre aide en tant qu'Assistante mais, au vu de ce que j'ai aperçu tout à l'heure, en tant que Préparatrice aussi.

Il s'asseya face à elle et reprit :

- Cela ne sera certes pas évident ! Il vous faudra apprendre beaucoup et je vous demanderai d'accompir une multitude de tâches mais cela devrait être réalisable.

Plus la conversation s'avançait et plus Nayala avait de questions. Elle l'interrogea de nouveau :

- Pourquoi moi ? Il y a plein de Préparateurs Officiels au Palais.

Les yeux de son interlocuteur s'étaient perdus une nouvelle fois dans le lointain du paysage qui s'offrait à eux par la fenêtre. Il parla soudainement d'une voix amère qui donna des frissons à la jeune femme :

- Vous apprendrez bien assez vite que ce n'est pas uniquement les Servants qui doivent se battrent pour faire entendre leurs voix...

Son regard était resté vide quelques secondes avant qu'il ne secout la tête en continuant sur un ton plus jovial :

- Et aussi j'aimerai être le seul à recevoir les louanges si notre travail s'avère être une réussite ! Votre nom de figurera évidemment nul part, juste le mien. Vous resterez dans l'ombre et ne révèlerez en aucun cas votre contribution au projet que je vais vous soumettre et me laisserez entièrement le mérite. En échange de ce secret, je garderai les vôtres et irais soigner votre amie !

Plus elle lui parlait et plus Nayala le trouvait étrange mais, aussi dangereuse que soit cette alliance, elle se révelait être sa meilleure option. Au moins aurait-elle accès au seul étage qui l'a séparait du dernier niveau. Cela lui laisserai le temps et l'opportunité de chercher un moyen d'y accéder.

Une fois sa décision prise, elle hocha la tête et en demanda davantage sur l'emploi qu'elle venait d'accepter. Monsieur Lancel souria de plus belle et se rapprocha afin de lui expliquer excité :

- Il se trouve que j'ai était requisitionné pour créer un soin visant à renforcer durablement le corps entier, de sorte que celui qui la boit puisse se soigner de n'importe quelles maladies !

- Mais c'est impossible ! S'exclama-t-elle.

De nouveau droit sur sa chaise, il soupira avant de répondre :

- C'est ce que je pense aussi mais malheureusement la demande ne peut pas être refusée et imaginez un peu si nous y arrivons ! Je serai suffisament reconnu pour faire ce que je veux ! L'excitation me gagne rien que d'y penser !

- D'où notre pact pour que je reste dans l'ombre... Et qui est l'auteur de cette demande farfelue ?

Il étira longuement ses lèvres en ouvrant grand ses yeux, dont le bleu plongea dans ceux de Nayala, avant de prendre la parole:

- Accrochez-vous bien chère Assistante car nous allons travailler directement pour notre cher Grand Gardien en personne !

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