Chapitre 8
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Je sors de la salle de bain, les cheveux entortillés dans une serviette, habillée à l'arrache. Je crois que Josiane, la SDF la plus connue de la ville, est mieux habillée que moi...
- Salut toi, t'as été rapide !
- Intrigué par ton message surtout. Au moins j'ai évité la mort par asphyxie... Tu voulais me voir ?
- Oui. Viens, on va se poser dans ma chambre.
- Oh, je sens que c'est du lourd...
- On peur dire ça oui. Installe-toi sur le lit, je prends la chaise.
- T'as peur que je tombe à la renverse ?
- Y'a de ça... C'est pas facile à dire. Tu m'as vue pas mal investir dans du matos mais aussi économiser un max.
- T'as toujours été un paradoxe vivant.
- Ha ha, très drôle... La vérité, c'est que j'ai un projet de vie, et c'est pas rien.
- Tu me fais peur là.
- Je vais investir dans un bus à deux étages, tu sais, un comme à Londres, et je vais le transformer en une habitation sur roues, avec un atelier, pour pouvoir faire le tour du monde tout en gagnant de l'argent avec les réseaux et ma boutique.
Voilà, j'ai tout lâché, d'une seule traite, et là, je retiens mon souffle. Je vois Matteo se décomposer et devenir livide. Il se retient à ma couette comme si sa vie en dépendait alors que je joue machinalement avec le pendentif qu'il m'a offert et qui ne me quitte plus. Je baisse les yeux, incapable de supporter la souffrance qui se dégage de mon meilleur ami.
- Tu... tu vas partir ?
- Pas tout de suite. Je dois d'abord acheter le bus, passer le permis qui me permettra de le conduire, obtenir la licence pour pouvoir le faire rouler dans le monde, le retaper de fond en comble... Je pense que ça va me prendre au moins un an, peut-être deux. Et pour avoir les fonds nécessaires, je vais aménager un van, et enchaîner les petits boulots saisonniers à travers la France. Au-lieu de se voir une fois par jour, on se verra une fois par mois, et le reste du temps on aura WhatsApp.
- Mais... non... non... je refuse !
- Pourquoi ? J'en rêve ! Je bosse pour ça, je... Matt, c'est le rêve de ma vie de découvrir le monde...
- Et pour ça, tu m'abandonnes.
- Jamais !
- Si... je vais rester là, finir mes études, et toi, tu vas voyager et m'oublier.
- T'oublier ? Impossible. Toi tu vas continuer à enchaîner les conquêtes et oublier de m'appeler...
- Idiote. Au fait, tu as porté plainte contre l'autre garce ?
- On doit y aller cet après-midi. Eric n'était pas dispo avant, et il tenait à être là.
- C'est fou ça. Elle a 23 ans, comme nous, et agit comme une gamine...
- Je sais. Mais là, elle va payer. Quentin sera là aussi pour raconter ce qu'il s'est passé dans le bus. Il a même filmé pour avoir des preuves. On l'entend supplier le chauffeur de retirer le CD... j'en ai chialé.
- Tu veux que je vienne ?
- Oui... et côté bonne nouvelle, Eric a proposé de m'installer un chalet en bois dans le jardin, pour y mettre mon studio et tout ce qu'il faut pour ma boutique.
- Un chalet ?
- Oui, tu sais, le genre de petits chalets que certains utilisent comme atelier ou pour y ranger leurs outils, leurs tondeuses et tout ce dont ils ont besoin dans leur jardin. Une voisine y stocke aussi tous ses meubles de jardin en hiver.
- La classe ! Mais ça va devenir quoi quand tu seras sur les routes ?
- Ne sois pas si aigri... Et Eric y mettra toutes les affaires que je n'aurais pas pu emmener, les choses que je voudrais stocker et que j'aurais acheté dans les pays que j'aurais traversés, ce genre de choses.
Je vois bien que Matt est ébranlé. Toutes ces infos à encaisser, les bonnes comme les mauvaises, c'est pas évident. J'espère juste qu'il ne va pas me bouder le jour où j'aurais mon bus...
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