Le sportif du dimanche : étude d’un phénomène hebdomadaire
Du lundi au samedi, le chemin de halage respire l’harmonie. Cyclistes à droite, chiens en laisse, poussettes paisibles. Chacun à sa place. Mais le dimanche, tout bascule.
Ce n’est ni la météo ni la saison. Non : c’est le dimanche et son sportif.
Ou était-il les autres jours ? Aucune idée mais il guettait, rongeait son frein. Et soudain, le voilà : il surgit, le phénomène dont tout le monde a entendu parler, le sportif du dimanche.
Le sportif du dimanche ne se contente pas de courir ou de pédaler, il déborde, zigzague, coupe les trajectoires, occupe tout l’espace. Le dimanche, il ne tient pas sa place… ni en place. Et la belle sérénité des jours précédents en prend un coup.
Les vélos le dépassent difficilement, les joggeurs plus rapides que lui aussi et il peste sur les poussettes et les chiens qui selon lui devraient être exclus de l'espace public.
Le « sportif du dimanche » n’a pas choisi son nom. Il lui a été donné, avec ironie, par les autres sportifs. Parce que, soyons clairs : on ne devient pas sportif en transpirant une fois par semaine. Ce serait comme regarder le ciel le samedi soir et se proclamer astronome.
Le sportif du dimanche et sa motivation sont d'autant plus difficiles à cerner que le peintre obtient une peinture, le cuisinier, un gâteau et le rêveur de belles étoiles dans les yeux. Mais le sportif du dimanche, que gagne-t-il ? Rien. Au mieux il perd un peu d'eau. Ou du gras s'il insiste dans la durée.
On me rétorquera qu'il est régulier : tous les dimanches il est là ! Comme une messe. Qui, est-il besoin de le rappeler, ne produit pas 100% de bons chrétiens.
Nous nous proposons donc d’explorer plus avant ce curieux phénomène.
Une enquête rigoureuse, appuyée sur des données scientifiques, s’impose.
Quelles sont les caractéristiques du sportif du dimanche ?
Quels mécanismes psychologiques le poussent à envahir le chemin de halage, chaque semaine, à la même heure ?
Comment résiste-t-il aux intempéries ?
Et enfin quelles sont les blessures dont il souffre.
Mais surtout, par quel mécanisme peut-il se croire à la fois surhumain et fluet : assez tout-puissant pour occuper tout le chemin, et assez dysmorphophobique pour penser qu’il n’en prend pas ?
Nous irons consulter la littérature scientifique. Et moins scientifique.
--> Être un « sportif du dimanche », c'est pratiquer au moins 150 minutes d'activité physique en un ou deux jours, et cela offre des bienfaits significatifs, réduisant les risques de décès toutes causes confondues, de maladies cardiovasculaires et de cancer, tout comme pour ceux qui s'entraînent plus régulièrement. Les bienfaits incluent également une meilleure humeur, une amélioration de la cognition et une réduction des risques de troubles mentaux comme la dépression, la démence ou la maladie de Parkinson. [Source RTBF 2024]
Le sportif du dimanchounet ne choisit pas le dimanche au hasard.
Chaque jour de la semaine porte en lui un dieu, une humeur, une tension :
le lundi, sous le signe de la Lune, est fait pour l’introspection ;
le mardi appartient à Mars, dieu de la guerre — on se bat pour tenir la semaine ;
le mercredi, dédié à Mercure, dieu du commerce et des voyages, file trop vite pour qu’on s’arrête ;
le jeudi, Jupiter gronde ;
le vendredi, Vénus promet des plaisirs ;
le samedi, Saturne rappelle le travail et la gravité.
Et puis vient le dimanche, jour du Soleil.
Lumineux, triomphal, narcissique.
C’est donc naturellement ce jour-là que le sportif du dimanche renaît, s’expose et s’admire.
Le résumé de cette littérature nous oblige à une taxonomie augmentée : il y a le sportif du dimanche et celui qui croit l'être. Entendez celui dont la pratique n'excède pas une heure par dimanche, ce compris l'enfilage de la tenue et des chaussures.
Dernière chose, nous vous offrons une clé de détermination. Car s'il est facile à reconnaître une fois en mouvement, il est utile de repérer le sportif du dimanche avant même sa sortie d'inertie. Prudence est mère de sûreté.
Le critère le plus visuel et inratable : tout son matériel a l'air de sortir de sa boîte. Et bien c'est le cas. Pas d'usure des semelles. Propreté immaculée des tissus à rendre jalouse les colombes. Maillons de chaîne de vélo nettoyés à la brosse à dents.
L’observation du spécimen dans son habitat naturel et nos différentes recherches nous permettent une conclusion provisoire : le sportif du dimanche ne court pas pour aller quelque part, mais pour fuir les six autres jours.
Et quand on fuit, c'est rarement en ligne droite et toujours au mépris des autres.

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