La dernière nuit

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Hide avait fini de parler. Les yeux face à la mer, il fumait en silence. Il devait être embarrassé de s’être autant confié... Doucement, je posai ma main sur la sienne.

— Hide... C’est moi qui te remercie, lui dis-je.

Le regard qu’il me jeta trahit sa surprise.

— Me remercier... ? Après tout ce que je t’ai fait, et ce que tu as subi à cause de moi !

Il baissa les yeux, amer, et tira sur sa clope.

— Je n’aurais jamais dû t’embarquer là-dedans. Je regrette vraiment.

Il écrasa sa cigarette, toujours en me tournant le dos. Je sentis la colère monter. Je trouvais la situation injuste. Pourquoi fallait-il toujours qu’il s’éloigne, me mette à l’écart ?

— Hide... regarde-moi.

Il ne bougea pas.

— S’il te plaît.

Il me jeta un petit regard par-dessus son épaule, comme un petit garçon contrarié.

— Ne crois pas avoir été le seul à décider, lui dis-je. J’aurais pu te fuir dès le premier soir, en ne revenant plus jamais dans ce restaurant, ou en ne remettant plus les pieds à Kabukichô. Pareil pour le club. Si je suis restée aussi longtemps faire ce boulot affreux, ce n’était pas à cause de l’argent. C’était pour te revoir.

Hide m’écoutait, les sourcils froncés, à demi-tourné vers moi.

— La seule chose que j’ai détesté dans ce que tu m’as fait, continuai-je, c’était de devoir te partager avec Noa et me faire remercier comme une simple pourvoyeuse de service au petit matin. De te voir sans cesse partir, m’écarter de ta vie.

Il s’accouda contre la balustrade. Cette fois, il me faisait complètement face.

— Si tu étais restée, il aurait fallu t’y habituer, pourtant. C’est ça, la vie d’un yakuza.

Je levai un sourcil incrédule.

— Devoir te partager avec d’autres femmes ?

— Je t’ai déjà dit que je ne suis l’homme que d’une seule femme, protesta-t-il. J’ai quitté Noa dès que j’ai compris ce que je ressentais pour toi... Merde, ce que je déteste ces conversations !

Il cacha son visage avec sa main, faisant mine de se masser les tempes. Encore une manière d’éviter le mot qui fâche...

— Nécessaires, pourtant, lui assurai-je.

— Si tu le dis.

Il planta son regard sombre dans le mien. Une fois de plus, face à ce regard fauve, à la fois défiant et sûr de lui, je m’émerveillai de ne pas avoir remarqué plus tôt à quel point ce type était beau. Même la cicatrice qui lui barrait la joue ne faisait qu’ajouter à ses traits racés. Pas étonnant que toutes les hôtesses de Kabukichô lui courent après...

Et si tu restes avec lui, ça continuera.

En plus des menaces de mort de la part d’autres mafieux de clans ennemis, et des soirées interminables à se morfondre à l’attendre. Et sans compter la période instable et dangereuse qui allait suivre l’élimination de Li Intyin, avec le fric dépensé pour mon sauvetage à justifier auprès des grands pontes du Yamaguchi-gumi. Si ça se trouvait... Hide allait même devoir se couper le doigt.

Je lui pris la main. Il se laissa faire avec réticence, tout raide.

— Hide... tu ne vas pas devoir faire yubi-tsume, au moins ?

Un petit sourire moqueur apparut sur ses lèvres.

— Non. Mais comme je te l’ai dit, ça va me coûter cher. Je vais sans doute devoir passer la main à un autre pour la direction du Kyokushinrengo-kai... Enfin. Ne parlons pas de ça. C’est notre dernière soirée ensemble.

De nouveau, il m’écartait, et de nouveau, il me rappelait que notre relation était vouée à l’échec. Mais je ne voulais pas me fâcher avec lui. Effectivement, c’était notre dernière nuit... le lendemain soir à la même heure, j’allais être en France. Un pays où je n’avais plus mis les pieds depuis des années... Mon pays, semblait-il, même si je l’avais oublié, et qu’il ne comptait plus comparé à Hide. Alors, je me rapprochai, venant timidement me caler contre lui. Il m’accueillit en passant son bras sur moi.

Je t’aime, eus-je envie de lui dire. Mais j’en étais incapable. Les mots ne franchissaient pas mes lèvres. J’avais trop peur de sa réaction, de son mutisme. Du mur de glace qu’il savait si bien dresser autour de lui. Plus que son statut de mafieux violent, finalement, c’était ça, le plus dur. Qu’il ne me dise rien. Qu’il me rejette encore. Qu’il se détache de moi en disant un truc du genre « j’appelle un taxi pour te conduire à l’aéroport », parce qu’il fallait être raisonnable dans la vie et qu’une fille comme moi ne pouvait pas être avec un type comme lui.

C’est pour toutes ces raisons que sa phrase suivante me surprit autant.

— Je crois qu’il faut qu’on se trouve un hôtel, murmura-t-il.

Je n’osai pas bouger, de peur de lui faire passer cette très bonne idée. Mais en sentant le poids de son regard sur moi, je relevai timidement la tête. Pour me perdre dans ses magnifiques yeux noirs, encore.

— Oui.

Il y en avait un tout près. C’était la première fois que j’allais au love-hotel. Je n’avais jamais osé y aller avec mes autres copains du coin, et de toute façon, ils ne voulaient pas y aller non plus. J’avais longtemps cru qu’ils avaient honte de s’afficher avec moi, ou d’avoir l’air de me considérer comme leur copine. J’avais compris plus tard que c’était tout simplement parce qu’ils n’en avaient rien à foutre de notre relation, et n’était pas prêts à fournir le moindre type d’effort. Mais Hide, lui, n’avait pas honte de se montrer avec moi : il assumait. Alors, je restai calmement à ses côtés lorsqu’il régla la chambre pour quelques heures, les yeux tranquillement posés sur la tenancière derrière son petit guichet. Je me jetai sur sa bouche sitôt engouffrée dans l’ascenseur, lui enlevait son sweat-shirt dans le couloir, dévoilant ce torse à la musculature glorieuse, couvert de sang et d’hématomes. Arrivé par l’autre ascenseur, un salaryman à la mine réprobatrice ouvrit grand les yeux à la vue du tatouage de Hide, puis s’enfuit sans demander son reste.

Une fois dans la chambre, Hide me plaqua contre la porte. Je répliquai en empoignant ses cheveux, et le mordant férocement.

— Quelle tigresse ! remarqua-t-il avec un rire bas. C’est probablement ça qui va me manquer le plus chez toi.

Après m’être soumise à lui au cours de diverses situations ritualisées, j’avais découvert que Hide n’était pas mécontent lorsque les femmes prenaient l’initiative et menaient la barque. Jusqu’ici, mon comportement trop assertif au lit avait fait fuir tous mes prétendants. Mais pas Hide. Il était tellement sûr de lui, droit dans ses bottes, que rien ne le déstabilisait. Je n’avais jamais rencontré d’homme avec une telle force intérieure.

Et j’allais le perdre.

Mue par une brusque colère, je le poussai sur le lit. Il s’y allongea et me regarda, ses yeux noirs si intenses tranquillement posés sur moi. Mais ils brillaient d’un feu dévorant, et lorsque je m’assis sur lui, il posa ses mains avec autorité sur mes fesses, sous ma jupe. Je répliquai en plaquant les miennes sur ses pectoraux puissants. Cette musculature... Quand je le voyais torse nu, je me disais que c’était faux de dire qu’il n’y avait que les hommes pour craquer devant une belle poitrine. Celle de Hide, large et développée, me rendait folle. Je me mis à l’embrasser, la lécher, attraper les tétons bruns avec ma langue.

Hide laissa sa tête retomber en arrière, ferma les yeux. Entre mes cuisses, je le sentais aussi dur qu’une barre de fer.

— Impatient, mhm ? murmurai-je en refermant mes doigts sur sa queue épaisse.

Il grogna lorsque ma langue descendit le long de ses abdos. Je m’attardai un peu sur son nombril, puis jouai négligemment avec les cordons en coton de son jogging.

— Lola... supplia-t-il.

Je baissai son pantalon. Sa verge se tendit sous mon nez, raide comme une matraque.

Je la fis glisser dans ma bouche, toute entière. Jusqu’au fond. Hide m’attrapa les cheveux. Il imprima à ma tête des mouvements de va et vient tandis que je lui caressai le ventre et les couilles. Mais il ne me maintenait pas si fort, et me relâcha dès que je fis mine de me dégager. Je le lâchai avant qu’il ne jouisse, la bouche emplie de son goût musqué.

Puis, lentement, je vins le chevaucher. Son membre colossal glissa dans ma fente lubrifiée aussi facilement qu’un doigt enduit de savon, venant cogner contre le fond de mon intimité. C’était si bon de le sentir enfin en moi... Je lâchai un soupir de volupté, renversant ma tête en arrière.

Hide m’enlaça, puis me retourna, rabattant une jambe contre mon ventre. Ainsi écartelée, j’étais encore plus ouverte, plus soumise à ses coups de butoir sauvages.

— Ah... gémis-je. Hide...

Il gronda mon nom, calé dans mon cou. Puis me fit basculer à nouveau, à quatre pattes cette fois, puis contre lui, assise. À croire qu’il voulait cocher toutes les positions du kama-sûtra cette nuit, avant que je ne m’en aille à jamais... Il me prit même sous la douche après, plaquée contre la vitre. Devant, et derrière.

Je m’offris du mieux que je le pouvais. Jamais de ma vie je me m’étais autant abandonnée dans les bras d’un homme. Et jamais de ma vie je ne m’étais sentie aussi libre. Libre d’assumer mes envies, mes désirs. Libre d’explorer les délices et les mystères de la jouissance physique avec celui qui était devenu pour moi le plus beau, le plus désirable, le meilleur des compagnons. Il ne manquait à notre relation qu’un peu de temps pour parvenir à une parfaite complicité, et, en le regardant s’abandonner, son beau visage attendri par le plaisir illuminé par les premiers rayons de l’aube, je sentis un pincement amer au fond de mon cœur. Je n’avais pas encore découvert tout ce que cet homme avait à offrir, loin de là. Je n’avais fait que gratter la surface.

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