Se foutre dans la gueule du loup

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Je déçois encore mon père et j'inquiète ma mère. Ma tolérance à l'alcool n'a jamais été aussi élevée. J'enchaîne les blackout, les gueules de bois se détériorent (je dors de plus en plus et je picole dès mon réveil pour les contourner), je me fais voler trois fois mon téléphone en un mois et j'effraie Gabrysa qui continue malgré tout de croire en moi et à me rendre visite. Un soir elle sera là en présence de Ninho. Cet immense connard m'a harcelé psychologiquement pendant des semaines avant de m'attaquer physiquement.


Je vous écris avec regret et furie car c'est moi, admirateur stupide des délinquants, qui avait tapé dans le dos de ce grand et fin boxeur en rentrant du PMU en descente de MD. Il ne me connaissait que de visage et deux heures plus tard, en bas de chez moi, il me demande les codes de l'immeuble pour une transaction avec un dealer. Bête et accro, je lui donne. L'erreur de ma jeunesse. Il n'y aura fallu que de quelques jours pour que je subisse les appels de ce rapace. Il me demande d'ouvrir un compte bancaire pour y déposer dix mille euros (la farce !). Malicieusement, je lui fais comprendre que c'est impossible car je suis en procédure de curatelle renforcée. Frustré, Ninho cherche à fragiliser mon mental.


Cette soirée glaciale de fin janvier 2019, je rentre de mon nouvel emploi comme pigiste chez Eurosport, et j'ouvre la porte avec joie à Gabrysa. Mais avec haine à Ninho qui force le passage. Il sonne sans arrêt et j'ai peur de ne y pas répondre... C'est la phobie de dire NON. Je déteste vexer les gens. C'est donc moi qui l'accueille une nouvelle fois avec, pour changer, un drôle de mélange étudiante polonaise ambitieuse/immigré ivoirien revanchard. Et Ninho se sent parfaitement à l'aise. Il pose ses pieds sur la table en verre et me détruit verbalement devant mon amie. "Tu sais ce qu'il est ? Un enfant !". Blessé, je me réfugie vers la bouteille de blanc. Comme à son habitude, Gabrysa quitte tôt les lieux. Je me retrouve avec mon ennemi que j'admire paradoxalement par son flair, son audace et sa très bonne maîtrise de la langue de Molière. Il partira. Je suis soulagé. Pas pour longtemps.


Je sors, déjà bourré, pour atterrir en face du BK où je discute avec un inconnu que je ramène à la maison. Puis je me réjouis de l'arrivée du bolide bosniaque Sandro. Malgré des 24 condamnations, je me sens curieusement en sécurité avec ce bandit ultra baraqué. Ça n'empêchera pas Ninho d'accomplir sa mission : me faire perdre l'appartement. Il m'appelle avec un ton sec. Il revient. Et ça part en vrille. J'aurais insulté sa maman, selon Sandro (mes souvenirs sont flous). "Et si on échangeait nos mères et je baise..." aurais-je brutalement balancé. Tout s'enchaîne vite. Ninho me jette un verre de whisky sur mon front et m'arrose de patates. Sérieusement blessé et en sang, je me rappelle d'avoir fait un tour à la salle de bains pour me regarder dans le miroir avec horreur en criant : "Regardes ce que tu as fait !". Mais tel un battant, je contre-attaque par surprise, sans réussite. Ninho a plus d'expérience dans ce domaine et m'exécute avec des coups de poing virulents qui atterrissent sur mes yeux. Sandro calme Ninho qui prend la sortie quand il apprend que les pompiers ont été appelés par l'autre invité qui a également disparu.

Miraculeusement pas K.O. après ce massacre, je refuse de dénoncer Ninho aux secours (c'est Stefano qui me le confirmera). Un proverbe russe dit : "on ne frappe pas un gars bourré". Ninho, sobre, avait d'autres idées en tête. Transporté aux urgences, l'incroyable se produit.


Je quitte l'hôpital avec un visage cabossé, je fonce vers une terrasse de café où je me fais expulser avant de terrifier un petit bar sur le point de fermer. Je leur explique que je devais une grosse somme d'argent perdue dans les jeux. Je leur supplie de me verser quelques shots de tequila pour évacuer la douleur. Là, l'alcool s'avère vital. Et vous n'allez pas me croire mais oui, j'ai dû consommer sept grandes gorgées d'alcool à 43 degrés sans dépenser le moindre centime. Ça n'aidera pas mon sort.


Ma mère apprendra la nouvelle via la femme de ménage qui passe nettoyer Assas hebdomadairement. Ah Maria et ton cœur colombien, tu as toujours été si tendre et compréhensive avec moi ! Mais cette altercation fut la goutte d'eau qui fait déborder le vase. De retour de vacances d'Argentine, Domi me voit avec mes deux yeux aux beurre noir et récupère les clés de rue d’Assas. Je suis dégagé de l'appartement. Et de mon travail aussi où je me ramène en lunettes de soleil noir au lieu d'envisager l'arrêt maladie. C'est la fin d'une époque et le début d'une autre. Celle des cures de désintoxication qui redonnent espoirs, des rechutes qui gâchent tout et de mon coma qui aurait dû me tuer

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